Le management de transition révélateur de la transformation des métiers du marketing par le digital
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Le management de transition est un sujet en plein essor et pourtant relativement méconnu du grand public et même de beaucoup de professionnels. J’ai découvert également, à la faveur d’une visite récente à EIM un des pionniers du secteur depuis 30 ans, que le marketing n’était pas en reste. Mieux encore, je me suis rendu compte que cet essor nouveau du marketing dans le management de transition trahissait une véritable évolution du métier du marketing, tiré par la transition numérique. Tous les détails dans cette interview « podcastable » de Guillemette Payen, associée chez EIM.
Le marketing n’est plus le vilain petit canard du management de transition
Il y a à peine six ans, je m’étais déjà intéressé au sujet au moment de la création de mon entreprise. Ma question portait sur la place du marketing dans le management de transition, ce qui avait suscité l’incrédulité auprès de mes interlocuteurs. En 2019, la question de l’importance du marketing au sein du management de transition ne semble plus aussi exotique.
Un vivier de marketeurs, et notamment de marketeurs rompus à l’exercice du digital, est en train de se constituer dans les sociétés de management de transition. Certes, la proportion de missions destinées à ces sujets reste minime en comparaison des sujets plus traditionnels de direction générale ou de réorganisation et de fusion-acquisition.
Aujourd’hui, le paysage est complètement bouleversé. Le client est redevenu stratégique, on est fort aise de le découvrir, et les entreprises sont donc dans l’obligation de professionnaliser leurs parcours clients et leur « expérience clientLe marketing expérientiel consiste à faire vivre au prospect ou au client une expérience mémorable lors de chaque point de contact avec une marque ». Il y a donc besoin de faire entrer du sang neuf dans les entreprises. Le temps où l’on croyait que qu’on pouvait prendre le marketing par dessus la jambe parce que « tout le monde peut en faire » est révolu.
Il s’agit de matières terriblement techniques (le pluriel n’est pas une erreur de frappe) et surtout hyper segmentées avec de multiples expertises dans tous les domaines. Le marketing digitalDéfinition marketing digital, un terme utilisé en permanence et pourtant bien mal compris car mal défini n’échappe pas à cette hyperspécialisation, bien au contraire, et il est rare de trouver des individus qui connaissent tout dans tous les domaines.
Dès lors qu’il a une casquette digitale, le marketeur peut donc espérer trouver le Graal dans le management de transition, c’est une bonne nouvelle et cette tendance n’est pas près de s’inverser. Dernier élément qui fait que le management de transition s’intéresse également au marketing, la fameuse donnée, dont nous parlons régulièrement ces colonnes et notamment en amont du futur salon data marketing 2019 dont Visionary Marketing est partenaire.
C’est donc à une véritable transfiguration du marketing que nous assistons, même si Forrester l’a rappelé, des progrès sont encore à réaliser par les marketeurs pour participer à la transformation digitale. Voyons donc avec Guillemette Payer le détail de cette évolution qu’elle m’a décrite lors d’une visite début octobre 2019 en ses locaux.
[VM] EIM, comme son nom l’indique (Executive Interim Management) est une société de management de transition. Qu’est-ce que le management de transition ?
[GP] Le management de transition est une pratique qui permet d’aider les entreprises à piloter leur organisation et à réussir leurs projets et spécialement dans des contextes de transformation et de changement.
Nous sommes appelés pour du « management relais » c’est-à-dire qu’on va mettre en place des managers qui vont occuper un poste temporairement vacant et qui vont apporter toute leur expertise, toutes leurs capacités opérationnelles, leurs best practices et l’oeil neuf qu’ils ont pu acquérir dans d’autres expériences pour à la fois tenir le poste et l’optimiser. C’est le premier cas. Le deuxième cas est la mise en place de ressources de grande qualité pour mener des projets de transformation.
[VM] Vous existez depuis 30 ans, et vous développez ce marché depuis peu sur les métiers du marketing.
[GP] C’est un marchéLa notion même de marché B2B ou B2C est au cœur de la démarche marketing. Un marché est la rencontre d'une offre et d'une demande qui a crû naturellement sur les fonctions de direction générale de direction support dans ses missions de comité de direction et de comité exécutif et nous sommes présents sur l’ensemble de ces fonctions-là depuis le début. En revanche, il est vrai que les fonctions de direction marketing et de direction commerciale étaient jusqu’alors peu demandées en management de transition.
Nous sommes en train de voir une évolution de cette demande. Il est un fait que le marketing étant lui même en pleine transformation, il est désormais en attente de profils un peu différents et de compétences extérieures qui permettent aux entreprises d’optimiser leur marketing et la digitalisation de leurs processus marketing.
[VM] Cette fonction marketing représente déjà un bon pourcentage de vos missions et de votre vivier également ?
[GP] C’est un pourcentage significatif de notre vivier estimé autour de 15 %. C’est encore un petit pourcentage de nos missions, mais je dirais que c’est un pourcentage plein de potentiel. Nous sommes déjà de plus en plus interrogés sur ces sujets. Je dirais que cela représente un gros 5% de nos missions.
Avant que cela se développe, les dirigeants étaient plutôt réticents à embaucher des marketeurs. Comment expliquez-vous cela ?
Je pense qu’il y a plusieurs raisons. D’une part certaine réticence à penser qu’une personne qui arrive de l’extérieur, tout expérimentée et compétente qu’elle soit, soit capable de s’immerger rapidement dans l’histoire d’une entreprise dans sa culture et dans son ADN. Je pense qu’il y avait aussi une autre raison, c’est que le marketing était perçu comme une pratique assez généraliste et qu’il ne semblait pas y avoir de besoin en cas de vacance de poste. Pour un congé maternité, par exemple, il était préférable de remplacer la personne au pied levé immédiatement. Elle pouvait toujours être compensée par des équipes qui étaient en dessous et qui avaient souvent un très bon niveau, ou par le patron qui était au-dessus. Contrairement à un DRH qui doit sortir une paye tous les mois, contrairement à un directeur financier qui a une obligation de clôture mensuelle de ses comptes.
[VM] Cela veut dire que ce n’est pas seulement le marché du management de transition qui a changé, le marketing qui a changé aussi.
[GP] Bien sûr le marketing c’est avant tout le souhait du client, dont on sait aujourd’hui qu’il est absolument central dans la transformation de l’entreprise. Le nouveau réacteur nucléaire des entreprises, c’est s’occuper de son client, de le mettre au centre, optimiser son parcours, le fidéliser. Donc le marketing est au centre de toutes les attentions d’une direction générale et on lui demande de se transformer très rapidement, on lui demande de se professionnaliser. On demande évidemment de la digitalisation et donc ce sont des enjeux très forts pour toutes ces fonctions-là. Des enjeux en termes de charge de travail, de différents chantiers à entamer. Donc il faut des ressources nouvelles, il faut du sang neuf et aussi de nouvelles compétences.
[VM] Pouvez-vous nous citer quelques exemples de missions qui ont été réalisées par ces marketeurs de transition ?
Nous avons eu des missions qui étaient à la fois pour remplacer des directions marketing sur des postes existants ou des postes temporairement vacants. Également des missions sur des projets de transformation. Soit dans le cas d’une vacance de poste où une personne qui arrive compétente et qui va devoir faire monter toute une équipe en compétences sur le digital, mais également dans celui d’un projet comme le déploiement d’un CRM par exemple.
[VM] Le digital joue donc un rôle très moteur dans ce changement.
[GP] Nos missions de marketing incluent en effet un très gros volet digital. Un directeur marketing qui est attendu aujourd’hui sur un poste même basique doit maîtriser aussi bien le management de deux fonctions très classiques que sont du branding et le développement de la marque, l’achat média, l’événementiel ou les relations presse, mais doit être aussi capable de gérer des équipes et des programmes de fidélisation ou d’acquisition client qui sont omnicanal.
[VM] Certaines missions sont plus orientées sur l’expertise, comme dans ce cas d’un acteur du e-commerce qui voulait en racheter un autre ?
[GP] Dans le cas que vous citez, cet acteur de l’e-commerce voulait auditer sa future acquisition avec un oeil très digital et très marketing. Pouvoir auditer les performances du site. La façon dont le site pouvait se transformer. La façon dont le site était capable de transformer ses prospectsUne activité incontournable car les entreprises B2B perdent entre 5% et 15% de leurs clients chaque année en clients. Il a donc eu besoin d’une compétence marketing, d’une compétence digitale et d’une compétence e-commerce. Les trois compétences-clés pour faire une estimation de ce site et le valoriser, mais aussi pouvoir bâtir une stratégie de repositionnement de ce site au sein de sa structure.
[VM] Votre vivier est au total à peu près 8000 personnes. 15% représentent donc environ 1200 professionnels du marketing. Qui sont-ils ?
[GP] Il s’agit majoritairement des gens qui ont des fonctions de management en entreprise, ce sont d’anciens directeurs marketing, des directeurs marketing digital ou des directeurs e-commerce.
Ce sont des personnes qui peuvent avoir eu des compétences dans le transport aérien et qui vont être très légitimes pour aller aider un parc d’attractions qui aura à peu près les mêmes soucis. Ou qui viennent du secteur de la grande consommation et qui veulent aller épauler des entreprises de services. Ce seront par exemple des professionnels du B2CEn réalisant ce glossaire Visionary Marketing s'est heurtée de front à un problème de taille : faut-il écrire BtoB ou B2B ? qui auront acquis des best practices et iront aider une entreprise B2B. On a travaillé chez un acteur du pneumatique, et c’est un expert du B2C qui est venu mettre en place ces best practices. Ce sont des gens qui ont été en poste et qui ont 20 ou 25 ans d’expérience de management d’équipes, de comités de direction, qui ont des visions à la fois très stratégiques et très opérationnelles et qui ont comme particularité d’être des adaptables, ouverts et curieux, avec humilité pour s’imprégner de l’entreprise dans laquelle ils rentrent. Ils ont tous en commun un grand pragmatisme et sont très centrés sur l’action et les résultats.
[VM] Il faut aussi qu’ils se rendent disponibles pour des missions qui sont assez longues ?
[GP] Ces émissions durent au minimum de 4 mois, mais plus généralement de 7 à 8 mois et parfois 12 à 15 mois. À la fin de la mission, il peut se passer plusieurs choses. S’il a séduit l’entreprise, le manager de transition peut rester à ce poste. Ce n’est jamais le postulat de départ, mais on a souvent du mal à se séparer de quelqu’un qui a fait forte impression. Donc on a quand même un certain pourcentage de nos missions qui se terminent par une embauche. Ou alors il revient sur le marché du travail avec une expérience de plus sur son CV en termes de secteur ou de problématique et de contexte. En général, ces missions sont passionnantes, car il y a toujours de très gros enjeux. Donc des missions qui sont extrêmement gratifiantes pour le manager de transition.
[VM] Est-ce qu’un manager de transition coûte plus cher qu’un consultant ?
[GP] Il va être cependant surdimensionné par rapport à sa mission. Donc il va coûter légèrement plus cher que le manager qu’il remplace. En revanche, il va être économique par rapport au niveau qu’il a et à la valeur ajoutée qu’il apporte dans le poste.
À propos de …
Guillemette Payen a une riche expérience en marketing et en digital acquise dans le domaine de la presse chez Springer, dans le groupe Le Figaro, Berteslmann. Elle a rejoint le groupe EIM (Executive Interim Management) en tant qu’associée il y a 3 ans.