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AgTech : le digital au service l’agriculture

Avec la ferme digitale et Hervé Pillaud

L’AgTech, parfois appelée AgriTech est la partie de la discipline numérique liée à l’agriculture et l’agronomie. Nous avons interviewé Hervé Pillaud, ancien agriculteur et membre du Conseil National du Numérique, co-fondateur de la ferme digitale. Une ferme qui disposait d’un superbe stand au sein de la plus grande ferme de France. L’association de la ferme digitale a été créée en 2016 et s’est développée de manière considérable. L’occasion de faire le point avec Hervé sur l’Agtech, le numérique et aussi l’agriculture alors que la situation était très tendue sur place, notamment les premiers jours. L’avertissement d’Hervé, qui est aussi auteur de nombreux livres,  nous paraît crucial : méfiez-vous des idées simplistes et des préjugés et encourageons l’action. 

AgTech : la fermer digitale met le numérique au service l’agriculture

AgTech avec Hervé Pillaud au salon de l'agriculture 2024
AgTech avec Hervé Pillaud au salon de l’agriculture 2024 – photo Yann Gourvennec antimuseum.com

La ferme digitale a bien grandi, semble-t-il ?

HP. En effet. Nous sommes passés de quatre fondateurs à 130 membres et nous avons désormais 80 start-ups, des groupes plus importants et des sponsors. Au total, cela représente 4000 emplois et 1 milliard et demi d’euros de levée de fonds. Nous sommes devenus incontournables dans cet écosystème agronomique.  

Pourtant, les levées de fonds ne sont pas trop à l’ordre du jour ! 

HP. Oui, c’est compliqué. Mais en fait, les start-ups de l’AgTech (voir la définition ici) n’étaient pas parmi les plus favorisées en matière d’investissement. De ce fait, elle a moins souffert de la crise de financement que d’autres secteurs ont pu vivre. 

Agtech
Un salon de l’agriculture 2024 agité. Mais l’AgTech est là aussipour apporter des solutions qui ne sont pas simplistes explique Hervé Pillaud

Cela s’explique aussi par le fait qu’il y a un vrai besoin, mais le modèle de financement des start-ups de l’AgTech n’est pas encore totalement défini. Cela s’explique par la spécificité de ce secteur. Il concerne soit les services aux agriculteurs, mais aussi le numérique lié aux Biotechs, notamment pour créer de nouvelles variétés, des bioproduits qui remplaceront les pesticides. Et dans ce dernier cas, le rythme est celui de la nature dans ses cycles annuels. C’est ce qui explique que le retour sur investissement est beaucoup plus long que dans d’autres secteurs. C’est pour cela que le modèle reste à inventer.

J’avais cru comprendre qu’on avait remis les pesticides à l’honneur ? 

Un des drames du monde actuel est le manichéisme.

HP. On veut donner une vision simpliste de sujets complexes et on ne retient que ce qu’on veut. Mais ce n’est pas si simple que ça. Sans pesticides, nous n’aurions plus de fruits ni de légumes, car ils seront détruits. Par contre, il faut tout de suite travailler à trouver des produits de substitution. Ce travail-là est déjà en cours. Mais à notre époque, on voudrait avoir les résultats en l’espace de quelques semaines et ce n’est pas possible. 

Pour ceux qui veulent comprendre la complexité des solutions possibles pour sortir des pesticides et qui veulent s’affranchir des solutions manichéennes, nous recommandons cette vidéo réalisée par l’inrae en 2018

Une des premières start-ups de la ferme digitale s’appelle Mimosa, qu’est-elle devenue ?

HP. Miimosa était un des quatre fondateurs de la ferme digitale. Miimosa est une société de crowdfunding dont le but était de financer une partie de l’installation des agriculteurs. Le cœur de leur activité se situe aujourd’hui autour de financements d’exploitations beaucoup plus conséquentes. Leur avantage concurrentiel sur les systèmes bancaires plus établis est leur réactivité, leur agilité. C’est devenu une belle entreprise. 

On entend dire que les petites exploitations souffrent en ce moment

HP. Je ne pense pas que cela soit si schématique. Certaines petites exploitations souffrent effectivement, mais il en existe de plus grosses qui ont des difficultés également. Je connais des éleveurs qui gagnent bien leur vie et d’autres qui ne la gagnent pas. Et je connais aussi des céréaliers qui ne gagnent pas leur vie. Les écarts de revenus en agriculture sont considérables. C’est un rapport de 1 à 20, je pense, actuellement, mais ce phénomène touche toutes les productions malheureusement. 

Les écarts de revenus en agriculture sont dans un rapport de 1 à 20

Dans Le Monde, Bertrand Hervieu, ancien patron de l’INRA écrivait qu’on allait s’orienter vers un modèle d’agriculture de firmes ? Est-ce caricatural ? 

HP. Le modèle de l’exploitation agricole est en voie de diversification. Il n’y aura pas de modèle unique. Je ne vois pas ce modèle de firmes chez nous tel qu’il soit développé au Brésil ou en Ukraine. Ou alors il se développera de manière anecdotique. Par contre, les anciens modèles sont derrière nous également et pour une simple raison : un couple sur une ferme, c’est 365 jours par an, sans vacances, sans avantages sociaux. Il n’y a plus grand monde qui veille cela maintenant. On verra au contraire se développer des modèles basés sur des associations d’entreprises où on retrouvera trois, quatre ou cinq associés sous forme de GAEC ou d’autres formes de sociétés. Cela permet de libérer du temps pour les entrepreneurs. 

AgTech
France digitale disposait d’un très grand stand sur le salon

Certes, tout n’est pas rose dans l’agriculture. Mais est-ce que les choses vont plus mal que dans d’autres secteurs? On peut s’interroger. La vie n’est pas rose pour beaucoup d’entrepreneurs ou salariés. Pour l’agriculture, le point crucial c’est qu’on va devoir remplacer un tiers des exploitations agricoles dans les 5 à 10 ans qui viennent. Et là, il y a un véritable enjeu. On va en perdre, c’est sûr. Par contre, je ne pense pas qu’on perdra d’emplois. Car de nouveaux modèles de société vont arriver, qui ne seront pas calqués sur ce modèle industriel qu’on connaît actuellement. D’ailleurs, même l’industrie est en train de muter. 

Dans ce paysage en mutation quel rôle doivent jouer les AgTech ? 

HP. Comme dans d’autres secteurs d’activité, dans l’Agtech il y aura ceux qui vont réussir et les autres. Mais tout le monde dit qu’il faut changer le modèle agricole et il y a ceux qui le disent et ceux qui le font. Les start-ups font partie de ces derniers. Ce ne sont pas les seuls, mais ils font partie de ceux qui sont dans l’action, qui prennent des risques. On a besoin de protection de l’État, là comme ailleurs, mais ce sont surtout les entrepreneurs qui feront l’agriculture de demain. 

Peux-tu nous donner des exemples qui nous qui nous donnent un espoir de changement positif? 

HP. Par exemple, on sait que mélanger des plantes peut permettre d’avoir un effet. Si on met une légumineuse qui capte l’azote avec une céréale, on a moins ou pas besoin de mettre de l’azote pour ces céréales. Par contre, après on va récolter dans le même sac du blé et des féveroles, par exemple. Il faut les trier. Jusqu’ici, c’était difficile à faire, mais cela change. On aborde ici toute la chaîne de l’aval de l’agriculture et il va falloir changer beaucoup de processus aussi. Donc ce n’est pas uniquement à l’agriculteur de devoir évoluer, c’est toute la chaîne de valeur qui doit évoluer avec lui. C’est pour cela que l’on a besoin de temps. Nous sommes dans l’action, mais il ne faut pas espérer de résultats immédiats. 

Un futur client de l’AgTech ?

La réalité virtuelle peut aussi jouer un rôle dans cette transformation du modèle. Nous aurons bientôt des jumeaux numériques des exploitations qui nous permettront de sortir des prévisions et de modéliser des scénarios. 

Mais la ferme digitale ce n’est pas que ça. Ce sont aussi les biotechs et les nouvelles variétés ou espèces qu’on sélectionne. Et là, l’apport du numérique nous permet de connaître, de comprendre le vivant et d’aller plus vite dans notre travail. 

Où va l’AgTech et la ferme digitale dans les 3-4 ans qui viennent ?

HP. Je pense que la partie numérique des services aux agriculteurs va évoluer avec l’IA qui avance à un pas considérable, notamment l’IA générative. Nous avons fait un hackathon ici au Salon de l’agriculture 2024 sur deux jours, qui a donné des résultats intéressants. Nous avons voulu le faire avec Mistral parce que c’est français. Et cela va changer beaucoup de choses, même si certaines initiatives vont échouer. Cela va être un changement de cap considérable. L’autre changement de cap sera le développement des biotechs accompagné par de la Deep Tech et le numérique. 

Notre objectif est de regrouper toutes les familles de formation qui voudraient nous rejoindre, c’est un point essentiel. On ne peut pas dissocier formation, recherche et entrepreneuriat. C’est un ensemble. D’ailleurs, nous n’avons même plus besoin d’aller chercher maintenant, c’est eux qui viennent à nous. 

Sans l’agriculture on ne peut se nourrir. Il n’y a pas d’autre choix que d’espérer et agir.

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »

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