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La révolution de l’IA n’aura pas lieu. Voilà le pari que nous faisons à l’occasion de la parution du nouveau cahier de tendances de Digimind. En ce début février, comme chaque année, le leader français de la veille sur Internet a publié son cahier de tendances auquel Visionary Marketing n’a pas manqué de participer. Notre sujet du jour, bien entendu, est l’IA générative. Voici l’occasion rêvée de se reposer la question de savoir ce qu’est une révolution et de ce qu’elle n’est pas. Voici nos réflexions, et nous prévenons tout de go, elles sont contre intuitives. Certes, nous prenons un gros risque ici, mais s’il n’est pas dans notre habitude de hurler avec les loups. Et comme nous connaissons bien le sujet pour avoir organisé une certification auprès de plusieurs centaines d’élèves, nous en connaissons aussi bien des limites.
La « révolution » de l’IA n’aura pas lieu
David Fayon a publié son sondage sur le mot numérique de l’année 2023 et le résultat fut sans appel : « IA générative ». Pour mon billet de cette année, j’ai voulu remonter un cran au-dessus de ces outils, qui semblent avoir accaparé l’imagination de tous lors de l’année écoulée. Pour 2024 je vous poserai donc la question de savoir si l’IA est, ou n’est pas, une « révolution ».
Il y a quelques jours, je tombai sur un post LinkedIn qui arguait, au travers d’une vidéo largement reprise que « tout avait changé ». On y voyait une masse de gens en train de filmer avec leur téléphone portable le feu d’artifice de 2023 sur les Champs-Élysées.
En attendant la « révolution » de l’IA la « révolution » du mobile
En dehors des écrans de téléphones, on trouvait des écrans géants sur les côtés et un arc de triomphe lui-même transformé en écran. Bref ! Ce qui a changé en 2024, c’est que tout le monde a un écran.
Cela me fait un peu rire et en même temps me rappelle avec nostalgie mes présentations de 2013 sur les médias sociaux. J’y montrais déjà la même photo, censée prouver le changement de société.
Mais revenons à nos moutons de l’IA générative. L’année 2023 aura été marquée par un mot répété par tous : « révolution ». Ce terme est ambigu. Il représente déjà le tour de la planète sur elle-même, une sorte de sur-place. En d’autres termes, comme le disait Alphonse Karr, « plus ça change, plus c’est la même chose ». D’autre part, c’est un vocable si largement éculé en innovationL'innovation va de la compréhension (intuitive ou non) du comportement de l’acheteur à la capacité d’adaptation à l'environnement que cela en devient énervant.
La moindre tentative d’essayer de minimiser cette « révolution » vous vaudra reproches et moqueries. Pourtant, on peut se poser légitimement la question de savoir ce qui, dans nos vies, va changer de manière aussi radicale dans les années qui viennent.
La peur n’évite pas le danger surtout si elle est irrationnelle
La peur pour commencer. Certes, elle est partout, ce qui ne la rend pas rationnelle pour autant. Deuxièmement, l’incertitude, ou plutôt une impression d’incertitude. Ces sentiments sont partagés par beaucoup comme en témoigne cette anecdote d’il y a quelques semaines.
Au détour d’un webinaire sur le sujet des développements assistés par l’IA (un thème assez technique et certainement pas révolutionnaire, puisqu’il me rappelle mes premiers pas chez Unisys, il y a 40 ans), je reçois des coups de fil et messages affolés de personnes, pourtant expertes de certains domaines de l’informatique, terrorisées par « cet avenir sans humains ».
Mais, au-delà de ces peurs irrationnelles, ce qu’on vit aujourd’hui est-il véritablement une « révolution » ? Au sens où tout va changer radicalement.
Finalement, je pense que personne en 2021 ne comprend rien à l’innovation, un constat qui était déjà fait par Scott Berkun, il y a plus de 10 ans, et qui reste à mon avis tout à fait valable. Tant mieux, cela nous donne encore du travail pour de nombreuses années, ce qui est rassurant.
Ces derniers mois, en fouillant ces sujets de l’IA et de l’IA générative, je suis tombé sur une émission de France Culture (Science Chrono, 21 octobre 2023) où Antoine Beauchamp décrivait les premières tentatives de génération de texte avec l’intelligence artificielle. Non ! Ce n’était pas en 2023, ni même en 2010, mais… En 1956 !
La génération de textes, et en particulier, de poésie, a été en effet un des premiers terrains de jeux de l’intelligence artificielle et des mathématiciens. Pas si révolutionnaire que cela. En outre, l’animateur faisait remarquer que le cerveau humain est fait de telle manière que lorsqu’il est confronté à un texte incompréhensible, il s’adapte pour tenter d’en donner une signification. De quoi relativiser certains résultats.
De nombreux artistes des siècles passés ont expérimenté avec des méthodes qui s’apparentent aux approches statistiques des IA génératives. Citons Stéphane Mallarmé, dont les textes, précurseurs des surréalistes, sont souvent hermétiques, Georges Perec, les autres membres de l’Oulipo, et leur maître Raymond Queneau (également mathématicien, ses livres étaient parfois le résultat de ce qu’on pourrait qualifier d’algorithmes comme pour loin de Rueil — 1944) et bien entendu, les surréalistes avec leurs fameux cadavres exquis (il y a un siècle).
Alors que retenir de tout cela ?
Tout d’abord, nier que l’intelligence artificielle générative telle qu’on la connaît depuis fin 2022 dans le grand public (et un peu plus longtemps pour nous) est une avancée technologique pour l’informatique serait bien entendu une idiotie. Ce serait également inaudible. Mais s’agit-il d’un saut de puce ou d’une « révolution » ?
Je penche pour le saut de puce, même s’il est très difficile aujourd’hui de pouvoir soutenir cette thèse de manière étayée. Nous renverrons donc le lecteur au livre de Daniel Andler, Intelligence artificielle, intelligence humaine, la double énigme (Nrf, 2023).
Nous ne comprendrons véritablement les changements induits par ces technologies que dans quelques années et avec du recul. Et les informations, émerveillées ou alarmistes sont à prendre avec des pincettes. On nous annonce ainsi la disparition des cols blancs, de la plupart des métiers, des rédacteurs et même des développeurs. L’avenir nous le dira.
Et quand bien même, ce ne sera pas la première fois ni la dernière qu’un métier disparaît ou est remplacé par un ou plusieurs autres.
Certes, ChatGPT et ses clones savent produire des textes mathématiquement plausibles. Pour autant, verrons-nous des prix de littérature attribués à Bard, BingAI ou ChatGPT dans cinq ans ou dix ans ? J’en doute grandement. Au contraire, certains auteurs parodieront ces machines pour les détourner et les utiliser comme matériau créatif. Cela durera un temps, puis on passera à autre chose.
Récemment, je me penchai sur plus d’un an et demi d’utilisation de l’IA générative pour produire des images pour mon site InternetLe site web B2B est la vitrine digitale de votre entreprise. C'est le moyen le plus simple et efficace de présenter les produits et services de votre entreprise à vos futurs clients.. Je me suis aperçu que la perception de l’utilité du produit de la machine évoluait grandement au fil du temps. Au départ, un peu comme des enfants, nous jouions avec ces outils (Midjourney et les autres), de manière irraisonnée. Nous nous mettions à produire des images tous azimuts.
Beaucoup d’utilisateurs en sont encore là aujourd’hui. LinkedIn est noyé de ces images en plastique fabriquées par IA. Mi-effrayantes, mi-démonstratives, elles sont affublées de couleurs criardes et stéréotypées et reconnaissables au premier coup d’œil par n’importe qui, un tant soit peu entraîné.
Mais au fil du temps, la perception évolue.
Ce qui était un jeu finit par lasser. La répétition suscite même désormais des réactions hostiles de la part des lecteurs. Au fil du temps, on apprend, j’en suis à ce stade aujourd’hui, à se réfréner, à utiliser cet outil comme une des sources de production d’images parmi les autres, mélangée avec des photos de stock et aussi des images plus personnelles, et à éviter de les mettre à toutes les sauces.
Bien entendu, cela n’empêchera pas des milliards d’utilisateurs de continuer à produire ces images criardes et horribles. Mais un usage plus raisonné de la machine permet de s’affranchir de ces atrocités, et, en retrouvant la technicité et en mélangeant plusieurs outils, on peut pour le coup, retrouver une véritable créativité (combinaisons, décombinaisons, recombinaisons…).
Tout cela pour dire que « la révolution », n’aura pas lieu, ou plutôt qu’elle aura lieu, mais certainement pas dans la proportion qu’on imagine aujourd’hui, et à condition d’attendre (10,15 ou 20 ans) pour que l’on voie les impacts et la véritable utilité de ces plateformes, indéniable pour certaines, et beaucoup plus discutable pour d’autres, notamment la génération de textes aléatoires.
Je sais que certains seront déçus, que l’exercice de la prédiction annuelle consiste à annoncer une nouvelle révolution tous les ans, je les prierai donc de bien vouloir m’excuser. Je ne me livrerai pas à cet exercice qui n’a aucun sens. Je conçois toutefois que la vérité est moins spectaculaire que la fiction. Les hommes aiment rêver et en cela ils sont et seront toujours supérieurs à la machine.
En attendant, je suis prêt à parier que le mot numérique de l’année 2024 ne sera pas « IA générative ». Rendez-vous à l’année prochaine.
Télécharger le cahier de tendances Digimind 2024
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