Marketing & Innovation

Yves Tyrode : « notre appli mobile ne s’appelle pas voyages-SNCF.com, nous créerons peut-être une marque un jour ! »

SNCFLa deuxième présentation de la 4ème soirée Social Drink Up d’Adobe était celle d’Yves Tyrode, brillant comme à son habitude, mais qui n’était pas sans susciter quelques questions. La politique de voyages SNCF a pour de bon tourné le dos aux interrogations philosophiques sur le devenir du marketing mobile. C’est bien à une politique du tout mobilité qu’a converti l’opérateur e-commerce de la SNCF cet ancien responsable marketing d’un opérateur Télécom, (probablement pas une coïncidence). Et le succès est au rendez-vous. Les questions sont sans doute ailleurs qu’à la SNCF, dans la viabilité d’un projet tout mobile et tout appli dans un environnement plus concurrentiel et aussi moins e-commerce. Plongeons dans le détail de la présentation d’Yves Tyrode au 4ème social drink up d’Adobe

SNCF
Yves Tyrode, chez voyages-SNCF (Photo BPCE)

 

Yves Tyrode, DG de voyages-SNCF.com, a « travaillé dans le mobile toute sa carrière avant d’arriver à la SNCF ». Voyages SNCF est une société à part de la SNCF qui cultive bien sa différence. Un des participants m’a même confié être un jour allé voir un prédécesseur d’Yves Tyrode et se voir déréférencer car « on ne peut pas travailler avec des fournisseurs du rail traditionnel ! » C’est tout dire. La filiale de la SNCF est composée de 1000 personnes avec 2 marques : « rail Europe » et « voyages SNCF » proprement dite. Son « volume d’affaires est de 4 milliards dont 400 M€ seront réalises hors de France cette année » a précisé Yves. « Le personnel vient du digital, et la moyenne d’âge est de 32 ans » a-t-il ajouté.

SNCF : Confessions d’un pionnier du marketing mobile

Pour en revenir au sujet de départ, Voyages SNCF a été pionnier dans le domaine du marketing mobile et « ça fait 3 ans [qu’ils ont] des applis mobiles et ça semble être une éternité » a déclaré Yves Tyrode. Il s’agit plus que d’une mode ou d’une simple phase dans les innovations du marketing de l’Internet, c’est le business de la SNCF et sa croissance qui en dépendent : « le mobile est clé c’est ce qui génère notre croissance en France, et si on n’avait pas fait le mobile en France on serait stagnants », même si des progrès sont encore affaire de ce côté ci de l’Atlantique où seulement 4 voyages sur 10 en Europe sont achetés sur Internet contre 6/10 aux USA.

Aller chercher clients sur leur téléphone

« On commence à avoir saturé nos cibles et c’est pour cela que le mobile nous a permis d’aller chercher les clients » poursuit Yves Tyrode, même si, comme mon directeur de collection me le soufflait tout bas pendant la conférence, la concurrence est faible, c’est un euphémisme.

Et pourtant, même dans ce domaine, la conquête est possible :  » on avait oublié les chiens et les cartes de réduction des militaires et ces populations sont devenues de fortes populations d’utilisateur » a précisé Yvestyrode, c’est grâce au mobile que l’opérateur de voyages a fidélisé ces clients, a priori gros utilisateurs de mobiles également.

Et si voyages SNCF créait une marque « V » ?

« L’appli ne se nomme pas voyages-SNCF.com ce n’est pas un hasard, ce sera peut être une autre marque un jour ! » A-t-il déclaré car on le voit, la filiale pousse très loin son esprit d’indépendance. Cette application est d’ailleurs un succès en nombre de téléchargements mais aussi de chiffre d’affaires, ce n’est pas un gadget mais une application critique : « 6,7 M de téléchargements, 162 M€ en 2012, et nous espérons en faire 400 M€ en 2013 » a précisé le DG de la filiale de la SNCF.

C’est que l’application a été conçue non pas comme un complément de l’achat mais comme un outil autonome, qui couvre l’ensemble de l’expérience client : « c’est un parcours d’achat complet, pas seulement un morceau du parcours qui se finit sur le web, et l’acte d’achat se passe sur les mobiles » précise Yves Tyrode. Et les actes d’achat sont nombreux et fréquents (un acte d’achat toutes les 2 ou 3 secondes)  avec une application comme celle-là, on est vraiment à la pointe du commerce en ligne, un passage que nombre de nos lecteurs chefs d’entreprise ne connaîtront que dans les 4, 5 ans qui viennent.

Comment ils en sont arrivés là

La première décision fut de créer une équipe dédiée avec un budget dédié avec interdiction d’être gênée ou de gêner le web. L’unique KPI qui a été retenu était le nombre de téléchargements. Même si cela peut paraître restrictif, c’est cédait à permis de se focaliser sur un seul objectif, la méthode n’est pas aussi schématique qu’il paraît. D’ailleurs, et en a peine 3 ans, « le KPI est en train de changer et de passer au chiffre d’affaires » a affirmé Yves Tyrode.

Le browsing sur le mobile a été quant à lui écarté totalement, c’est affaire de conviction personnelle : « la navigation sur mobile ne m’intéresse pas, avec les applications on n’a pas besoin de reconquérir le client tous les jours avec du SEM » mais à l’inverse on pourrait rétorquer qu’on se prive aussi du SEO. En fait, il s’agit presque, on y reviendra, d’échanger une dépendance à Google (via le moteur de recherche) pour une dépendance à … Google (via Android) sans oublier Apple, en perte de vitesse en chiffres absolus, mais toujours majoritairement présente dans les statistiques des sites, comme je peux encore l’observer aujourd’hui, même sur de très grandes audiences.

La convergence ? Les opérateurs Télécom se sont planté sur cette notion

« La Convergence ? Je n’en veux pas, les opérateurs de Telecom se sont planté sur cette notion » a martelé Yves Tyrode, pas très tendre avec son ancien secteur. Car selon lui, il ne faut pas essayer de « réconcilier l’inconciliable » ce qui semble faire écho à la prestation de Benoît Corbin que nous avons relayée avant hier (15/10/2013) sur ce blog. En cela, Yves Tyrode à raison. Un élément de simplification extrême consiste à supprimer le site web « compatible » mobile et de tout passer par l’application. Ainsi, plus d’incohérences, de fonctions manquantes ici ou là, différences d’interfaces … Tout est unifié dans une et une seule application qui fait tout … Jusque l’acte de vente.

Pour autant, il ne faut pas croire que cela est facile. Même en simplifiant ses choix, « il faut concevoir une application sur un iPhone, sur un Android Samsung (il exclut les autres marques, trop peu significatives, et il réintroduit la spécificité du fabricant coréen), sur Windows 8 (on n’a pas le choix) » et tout ceci se traduit par « des applications spécifiques avec des différences ergonomiques sensibles. On va plus vite sur le mobile que sur le Web ». C’est ceci qui implique des choix et la simplicité réclame qu’il ne faut pas mélanger trop de choses et faire du mauvais web. 1 besoin = 1 appli. Ergonomie = usage x device x marque etc… » a précisé Yves Tyrode. On ne peut être que d’accord sur le fond, mais toutes les marques ont elles les moyens de la SNCF ?

Décision radicale et payante certes, mais il est pourtant très irritant de ne pouvoir naviguer sur un site complet avec une tablette, ce qui est mon usage pluri quotidien. Je passe mon temps à pester contre ces éditeurs qui vous poussent à rentabiliser leurs investissements techniques en applications mobiles alors que l’expérience web sur tablette est meilleure. LinkedIn en est un bon exemple, avec une application lente et limitée fonctionnellement. Pourtant Yves Tyrode reconnaît la spécificité de la tablette : « le browsing existe sur la tablette mais pas sur le mobile » précise-t-il, alors il y a peut été des limites au tout application … Du moins en dehors du e-commerce qui trouve sans doute plus de sécurisation de l’utilisateur au travers de l’appli. Il faudra faire attention à l’extension de cette bonne pratique pour ne pas aller trop loin en fonction du contexte.

Le m billet ou billet dématérialisé

Quand on commande via l’application, on reçoit un code 2D (“le NFC n’arrive pas” a précisé Yves Tyrode, décidément peu enclin à croire aux innovations des Télécom) et les contrôleurs ont besoin d’un équipement spécial car il y a un problème de réflexion sur les vitres des appareils. “Il a fallu donc changer tous les parcs des lecteurs” a-t-il précisé. Déjà, “1.8 million de billets vendus ont été contrôlés”. Le NFC, qui finira bien par arriver c’est une question de temps, “c’est pareil, ça prendra du temps il faudra changer tous les portillons”. Mais le mobile n’est pas seulement une affaire de praticité, c’est aussi un élément fondamental en matière de satisfaction client. “Le mobile drive la satisfaction” a poursuivi Yves Tyrode : “on obtient +2% de satisfaction par rapport au Web classique et près de 50% de NPS [Net Promoter Score, la proportions de clients enclins à recommander la marque] avec le mobile” ajoute-t-il.

Nous entrons dans un nouveau monde … propriété de quelques fournisseurs

C’est un nouveau monde dans lequel nous entrons, selon le patron de Voyages SNCF : “le Web qu’on a connu va disparaître, il devient propriétaire, il appartient à Google. On rentre dans un autre monde un peu plus propriétaire lui-aussi. Sur IOS, il faut avoir Passbook “même si ça sert à rien, mais ça améliore le référencement”. Sur Android c’est Samsung qui tient les rênes selon Yves Tyrode. “Mais il faudra aussi compter avec Windows et … Amazon !” Nous sommes bien loin de ce monde rêvé des dieux du Web 2.0 qui pointait à l’horizon en 2004. Le résultat aujourd’hui est effectivement un Internet aux mains de quelques uns, très puissants, et qui dictent leur loi.

Ceci étant …

imageCeci étant, on continue à acheter des mots clefs  » a conclu Yves Tyrode en se contredisant quelque peu. Certes, le tout mobile est une stratégie payante, mais le Web n’est pas mort. Je n’y crois pas une seconde. Il est certain que Google “possède” Internet (il “possède” le mobile aussi d’ailleurs), mais en même temps, il est un acteur trop puissant, dans un réseau devenu trop important pour faire n’importe quoi. Les bonnes vieilles recettes du SEO basées sur le contenu de qualité fonctionnent toujours et même de mieux en mieux ; je le vérifie tous les jours. Il n’y a pas besoin d’être “Google-dependent”, il suffit d’être malin (même si cela demande plus de patience que de payer son dû avec des mots clefs dont les enchères montent, sur le B2B, dans les domaines très pointus du Cloud infra, au-delà de 10€ le clic !). Et même si le mobile et la tablette sont l’avenir il est des acteurs comme Capitaine Train pour faire le Buzz en … faisant de la rétro innovation avec le bon vieux Web ! Et si, rêvons un peu, la concurrence se faisait plus agressive pour pousser l’innovation ? Et si cette innovation n’allait pas dans le sens du “tout appli” qui, reconnaissons-le est très cher et consommateur d’énormément de ressources pour le faire vivre en permanence sur tous les OS, y-compris ceux dont on sent qu’on ne peut les ignorer, même si on ne les voit pas encore dans les statistiques. L’avenir nous le dira, mais je ne serais pas surpris que les choses changent encore beaucoup dans les années qui viennent. Rendez-vous dans 3 ans !

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »
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