Les défis du marketing dans l’entreprise au 21e siècle
Quels sont les défis du marketing dans l’entreprise au 21e siècle ? Voilà une question dans l’air du temps, et pour laquelle j’ai été sollicité de plusieurs endroits différents (associations, universités, chercheurs …). Voici mes réponses personnelles qui se limiteront essentiellement aux domaines où j’exerce : marketing des TIC, high-tech et Internet / e-commerce.
Les défis du marketing dans l’entreprise au 21e siècle
La place ambiguë du marketing
Le marketing occupe à mes yeux une place ambiguë, dans le monde et plus particulièrement en France.
D’une part, il est devenu une discipline de base des écoles de commerce dans les 25 dernières années :
- Il est donc connu et reconnu
- Il est parfois affublé d’une réputation « scientifique » pas toujours justifiée (voir une question ultérieure)
D’autre part
- il se trouve critiqué lorsqu’il est superficiel, notamment dans les domaines high-tech, où il est souvent stigmatisé. “C’est du marketing” signifie “c’est du vent” !
- En même temps, il s’est imposé dans les domaines high-tech, avec la spécificité propre à cette discipline, qui veut qu’une double compétence soit nécessaire (technique ou technologique et marketing).
- Il recouvre enfin des réalités très différentes. De la plus concrète (merchandising, distribution, lead generation en B2BEn réalisant ce glossaire Visionary Marketing s'est heurtée de front à un problème de taille : faut-il écrire BtoB ou B2B ?) à la plus abstraite (stratégie, innovation…)
Quelle place du marketing dans l’organisation ?
Sa place dans l’organisation est à mon avis : partout !
Tout le monde fait du marketing (interne et/ou externe) ; même dans la Finance.
Les experts de la Finance font ainsi du marketing au travers des assemblées générales des actionnaires par exemple, et à bien d’autres endroits encore. C’est une discipline transverse. Tout le monde a besoin du marketing.
Je rappelle que mon point de vue ne concerne pas le CPG où le marketing est plus codifié, spécialisé et moins transverse. Le CPG ne fait pas partie de mon cœur de métier non plus.
La proximité avec le client
Question numéro deux, la proximité avec le client … et les fournisseurs ?
Cette question amène également à souligner l’ambiguïté du marketing, notamment dans le domaine de la technologie. Ne voulant pas faire de généralité, je vais prendre mon cas personnel pour illustrer mes propos :
- D’une part, il arrive que je ne mesure pas assez. Notamment sur les sites WebLe site web B2B est la vitrine digitale de votre entreprise. C'est le moyen le plus simple et efficace de présenter les produits et services de votre entreprise à vos futurs clients., car il est d’ordinaire de tout mesurer (et même n’importe quoi, sans savoir la valeur des chiffres souvent). Je pars sur des hypothèses et me reproche à moi-même de ne pas assez « écouter ».
- Alors, je reviens aux fondamentaux et mets en place des benchmarks, des études, des dispositifs d’écoute en temps réel, etc.
- Puis, une fois que j’ai capté la mesure, je suis partiellement satisfait, car il y a des effets de halo important (exemple : les visiteurs notent l’entreprise au travers de son site Web et pas l’inverse !)
- Je me retrouve donc confronté à une avalanche de chiffres (comme dans le cas de la veille des médias sociaux) non interprétables et qui peuvent projeter une image complètement faussée (dans les deux sens). En résumé, il est facile dans le domaine du Web de se retrouver à la tête de tonnes d’informations non utilisables … D’où ma décision de réformer complètement cette pratique de la veille sur les médias sociaux :
Réformer le marketing, une nécessité
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- Depuis 27 ans que j’exerce, il arrive souvent que je ne sois pas émerveillé par la qualité des questionnairesLe questionnaire quantitatif (ou enquête) est une méthode d’étude de marché qui fait partie des plus utilisées. issus des instituts d’études ; j’ai fini par céder et mettre le mouchoir sur la méthodologie par pragmatisme.
- Toujours est-il que les biais de questionnementLes biais de questionnement dans les études de marché en B2B sont plus complexes qu'en B2C. Nous en dénombrons 22 (sauf exception) sont mal maîtrisés par la plupart des acteurs du marchéLa notion même de marché B2B ou B2C est au cœur de la démarche marketing. Un marché est la rencontre d'une offre et d'une demande. Que font les professeurs du marketing ? !
- Quant à l’individualisation, c’est à la fois une solution et un problème, notamment dans les médias sociaux.
- Les réponses individuelles sont en effet très intéressantes, mais ne donnent pas l’idée de la représentativité des avis. Ceux-ci se perdent parfois entre @marque et #marque sur Twitter, jusqu’à en donner des insights complètement faussés.
- Enfin, l’innovationL'innovation va de la compréhension (intuitive ou non) du comportement de l’acheteur à la capacité d’adaptation à l'environnement ne se mène pas, en high-tech, par le questionnement, mais par les essais et erreurs, car :
- Le questionnement est vague et déroutant sur ces sujets qui sortent de l’ordinaire
- Les effets de halo sont nombreux
- Le coût d’une étude vient souvent rogner sur celui d’un développement : il vaut donc mieux faire un prototype vendable, tester et corriger, et recueillir les feedbacks des clients sur la base de leur utilisation du produit.
- En conclusion, la « proximité » est un problème épineux et un mal nécessaire.
- Elle est indispensable et en même temps très difficile à gérer et produit peu de résultats probants. Bref, une solution imparfaite, mais intéressante néanmoins.
La raison d’être du marketing
« Raison d’être : existe-t-il un ou des marketings, de quoi parle-t-on exactement ? Quelle est la raison d’être du marketing ? »
L’existence d’un ou plusieurs marketings est un sujet qui fait gloser depuis 20 ans. Il a été abondamment et méthodiquement décrit, analysé et autocritiqué par Bernard Cova. Bernard, et les chercheurs dont il est le chef de file font autorité dans ce domaine.
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Il n’y a pas grand-chose à ajouter aux travaux de Bernard. Quant à la raison d’être du marketing, voici mes idées en quelques points :
- Servir le business et mieux vendre. Cela peut paraître un peu simpliste, mais c’est une pierre angulaire du marketing. Même si dans certains discours “stratégiques” on finit par en douter ;
- … Ceci étant il serait faux de croire que le marketing est toujours une discipline utilitaire. Il sert également à faire connaître (notoriété et faire aimer (images) lorsque cela est possible. C’est un peu un billard en 2 ou 3 bandes ;
- la communication est une partie intégrante du marketing. Elle ne peut en aucun cas en être dissociée. Quand elle l’est, c’est là que le marketing et la communication tournent en rond. Notamment dans le cas évoqué ci-dessus. Car essayer de faire aimer une marque en ayant oublié les fondamentaux des produits, des services ou du service client ne sert strictement à rien.
Défis du marketing : de la vitesse et de l’adaptation
« Vitesse : quelle est la capacité du marketing s’adapter aux changements de la société, dans un monde en grande accélération ? Est-il initiateur ? »
Nous sommes entrés, depuis 1995 et le décollage de l’Internet, dans l’ère de la vitesse de libération (Paul Virilio).
Le marketing s’est accéléré au même rythme que la circulation de l’information (du moins dans le domaine des TIC) et les cadences de travail sont infernales.
Là où dans les années 1990 mes équipes géraient 1 ou 2 projets par an, mener 10 à 12 projets majeurs par an est commun.
L’avènement de la Web Conférence, que j’ai aussi contribué à développer au début des années 2000, a accéléré encore ce mouvement.
Dans le domaine du Web, mettre en œuvre une innovation en plus de 3 mois, c’est courir le risque d’être copié immédiatement. Peut-être même d’être déjà dépassé avant le lancement.
C’est pour cela que j’ai pour habitude de dire qu’un projet qui dure plus de trois mois est un projet mort.
Ceci est toutefois un peu abusif. Il s’agit d’une véritable dictature du temps, mais elle n’est pas de mon fait.
L’ère du marketing temps réel
Nous sommes entrés dans l’ère du marketing temps réel
… En même temps et de façon très contradictoire :
- L’adoption des technologies est toujours aussi lente, notamment sur de grandes populations. Et plus particulièrement en France où les adapteurs précoces bougent très vite, mais où la masse ne suit pas. C’est encore le cas sur les médias sociaux, qui ont presque 10 ans maintenant !
- Il faut toujours en moyenne 10 à 15 ans pour qu’une technologie devienne « mainstream »
En conclusion, il faut donc garder la tête froide. Et ne pas se laisser griser par le temps réel, plus un jeu de marketeur qu’une réalité de terrain.
Certes, le Web échappe un peu à cette règle et oblige à aller très vite notamment sur les développements. Quitte à faire du jetable et à améliorer ensuite.
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