Marketing & Innovation

Innovation ou rénovation ? le 21e siècle est-il vraiment si innovant ?

Le 21e siècle est-il aussi innovant que l’on croit ? Suite de notre précédent article pour le compte de l’Adetem en amont de la 8e édition de la nuit du marketing, marquée par une innovation, celle du prix de l’excellence marketing auquel nous participerons en tant que membre du jury, avec nombre d’autres blogueurs. Revenons donc à l’innovation proprement dite et un 2e billet sur l’innovation marketing. Cette fois-ci encore je m’en tiendrai à mon sujet de prédilection, l’innovation high-tech. Après le chapitre introductif, nous avons vu qu’il fallait en matière d’innovation technologique et savoir se hâter lentement. Je voudrais poursuivre avec une idée assez provocatrice, quitte à bousculer un préjugé bien établi qui voudrait que nous soyons au siècle de l’innovation, que notre environnement est en perpétuel changement, et que l’innovation est au cœur de notre vie.

Innovation ou rénovation ? le 21ème siècle est-il vraiment si innovant ?

Innovation ou rénovation ? le 21ème siècle est-il vraiment si innovant ?
Innovation : vitesse réelle, accélération numérique ou impression d’innovation ? le 21e siècle est-il aussi innovant que l’on croit ?

Le 21e siècle : que trouver d’innovant dans les annonces entendues ici et là ?

La 2e question de nos amis de l’Adetem consistait à mettre en exergue une innovation qui m’a frappé en 2013. Je voudrais remonter un cran plus haut, et me poser la question de savoir quel est l’impact, et l’ampleur des innovations qui nous occupent tous les jours sur Internet ou ailleurs. Vais-je jeter mon dévolu sur Google glass, dont les débats remplissent blogs et journaux ad nauseam depuis au moins le début 2013 ? La nouvelle version de IOS7 ? La énième tentative de tablettes hybrides pour concurrencer Apple ? Probablement pas.

21e siècle innovant
Légende : vers 1899, un ingénieur allemand gèle artificiellement la Seine pour permettre le creusement du tunnel du métro vers St Michel au niveau du pont au change préfigurant ainsi le Ice Nine du livre Cat’s Cradle de Kurt Vonnegut en 1963. En 2013, la ligne 4 du métro vient de se prolonger d’1 station au-delà du périphérique ; il a fallu près de 4 ans pour la construire. Le 21e siècle quant à lui recycle les mêmes innovations et les améliore en les massifiant à l’extrême.

Google glass, IOS 7 etc. sont à l’innovation ce que CNN est à l’information journalistique : ça bouge, ça remue, ça change tout le temps, mais on ne comprend rien. Et il y a fort à parier que les lunettes Google finissent au rebut de l’innovation, voire même à l’index des tribunaux (se pourrait-il qu’il s’agisse d’un accessoire d’espionnage, d’aucuns pourront le penser, même si on a vu plus discret ; à juger comment je me fais régulièrement agresser dans la rue car je prends des photos, tout en faisant bien attention à éviter les personnes, alors que la paranoïa fait rage… Attendons donc 10 ans !)

Le siècle de l’innovation ou de la futilité ?

Quant à IOS 7, je ne vois pas trop à quoi peut servir de commenter, comme je l’ai vu, sur la qualité graphique de l’icône de setup. N’y a-t-il pas des choses plus importantes ? L’innovation de ce fameux siècle innovant se résume-t-elle à la qualité d’une icône. Le XXIe siècle est donc probablement bien vide pour monopoliser l’attention de millions de gens sur des choses si futiles.

Le 21e siècle, soyons provocateur, n’est probablement pas un siècle innovant

Celui-là, est arrivé il y a 200 ans, quand tout ou presque était à inventer, quand les hommes ont tout découvert et développé, les déplacements sur terre, sur rail, dans les airs, et même la mécanisation au travers des premiers métiers à tisser, qui ont donné déjà lieu aux premières manifestations d’opposants aux changements technologiques, celle des Luddites. Tout a été inventé à cette époque-là. Même la dégradation de l’environnement, l’industrialisation, la mécanisation, jusque dans ce déluge de fer, de feu et de sang de la guerre 14, et même l’exode rural (notre village d’Ariège s’est vidé dès 1900).

Si le XIXe siècle a été le siècle de l’innovation, le XXe siècle, a été celui de la modernité, de l’industrialisation, de la mécanisation et de l’automatisation à outrance. Toutes les innovations du XIXe siècle y ont été agrandies, améliorées, renforcées, développées… sous la poussée de 3 guerres qui, au travers de leur macabre recherche de l’efficacité, ont poussé l’innovation (j’inclus 1870 qui est déjà annonciatrice de la guerre moderne, cf. la débâcle de Zola). Remarquez que je n’ai pas dit progrès.

La R&D ne fonctionne plus… quoi d’étonnant à cela ?

Le XXIe siècle, lui, est le siècle de la parabole (au sens du réseau, mais aussi au sens du symbole, de ces analystes symboliques que nous sommes devenus) et de l’hyperbole ; de l’excès et de la massification (cf. l’hypermodernité de Lipovetsky). L’innovation n’y est plus fondamentale, elle y est utilitaire, pratique et massive.

Alors, quoi de surprenant, comme nous le dit Pierre Yves Chaltiel que la R&D ne fonctionne plus. La R&D est affaire d’assemblage, d’ « intégration » (au sens informatique du terme), et le Marketing de l’innovation est donc de plus en plus un marketing de projets. Scott Berkun conseille aux innovateurs, de ne jamais utiliser le mot d’innovation; c’est vrai qu’il est pratique car il permet se raccrocher à quelque chose, mais ce terme n’a pas beaucoup de signification intrinsèque.

Il exprime dans cet article que le véritable innovateur parle de nouveaux produits, de projets, de jalons, mais il ne perd pas de temps avec des concepts abstraits. Quoi d’étonnant ainsi à ce que les marketeurs qui réussissent soient de bons chefs de projets ?!

Alors, le 21e siècle est-il si innovant que cela ?

Le 21e siècle est le siècle de la massification

Le XXIe siècle n’est pas le siècle de l’innovation, c’est le siècle du perfectionnement et de la masse. La véritable différence, c’est la montée en charge et l’impact des masses touchées par cette révolution digitale.

D’ailleurs, nous ne devrions plus parler d’innovation, mais de rénovation peut-être. Alors, si je ne devais prendre qu’une innovation high-tech à titre symbolique, ce serait une méta innovation celle du Cloud computing, aboutissement de 20 ans de tâtonnements, sur les réseaux et de déplacement du monde logiciel vers le tout numérique et tout connecté ; il faudra attendre probablement encore 5 ans au-moins pour atteindre l’état suprême du ubiquitous computing, celui où nos données et nos SI sont disponibles partout et en tout lieu.

C’est que le Cloud computing logiciel (SaaS) est en passe de changer non notre rapport au logiciel, mais notre rapport au monde. Voici comment se matérialise ce changement au travers de mon usage de ces logiciels. Muni d’une simple tablette connectée, 3G/Wifi, aujourd’hui, il est possible de :

  • avec Skydrive (ou Dropbox, Google drive etc.) d’emporter nos données partout ;
  • avec Cloudon (icône ci-dessus), de les modifier en tout lieu (de façon encore assez maladroite mais ça s’améliorera sans doute) ;
  • avec Slideshark, d’afficher mes cours en temps réel (là encore c’est perfectible mais on progresse) ;
  • avec WordPress, de publier et de parler au monde entier ;
  • avec Evernote, d’écrire des articles sans clavier en temps réel avec ma tablette ;
  • avec Penultimate de prendre des notes manuscrites, de les stocker et même d’effectuer des recherches ;
  • avec Paper 53 de dessiner partout et en tout lieu même dans le métro ;
  • et avec les médias sociaux, de diffuser partager les infos dans le monde.
  • etc. etc. la liste n’est pas close, adaptez-la à votre goût …

Note : certaines de ces « innovations » n’ont rien de nouveau. Dès 1999, j’avais une ardoise électronique (j’en ai possédé au moins 5 de 1999 à 2007 qui progressaient régulièrement) qui permettait de prendre des notes manuscrites en mode de reconnaissance de l’écriture. En somme, il y a même eu régression technologique très nette sur beaucoup de points depuis 2000.

Entendez-moi bien, je ne fais pas la promotion ici d’une application, qui sera probablement remplacée par une autre et une autre et une autre encore. Je vous expose un mode de vie, mais aussi un mode de travailler, une façon d’interagir avec le monde et le réel, de vivre et de respirer digital à chaque moment de votre vie, c’est cela qui me fait dire que l’univers digital qui nous entoure et que d’aucuns maîtrisent avec aisance, ils sont de plus en plus nombreux, est un véritable changement de paradigme.

Ce changement de paradigme change notre attitude notre rapport au monde, au travail, au temps. Voilà une véritable « innovation ». Plus qu’une simple icône. À supposer qu’ IOS 7 soit vraiment très mauvais, nos utilisateurs migreront sur un autre système d’exploitation, et il est fort à parier que ces systèmes d’exploitation n’aient plus aucune importance dans un futur assez proche de la téléphonie, et que l’intelligence se déplace, comme d’habitude, dans le réseau via Internet.

Ce changement de paradigme, je vous inviterai bientôt à le découvrir en détail dans notre prochain ouvrage, la communication digitale expliquée à mon boss, qui sortira en septembre 2013 (si tout va bien, nous avons pris un peu de retard, c’est qu’il faut relire cet ouvrage massif de près de 500 pages !).

Un siècle pas si « innovant » que cela

C’est cette innovation incrémentale, aboutissement de décennies de perfectionnements qui à mon avis constitue le niveau actuel de l’innovation marketing haute technologie d’aujourd’hui, bien plus que l’innovation d’une paire de lunettes … qui intégrera peut-être un jour avec force modifications notre univers, et qui rejoindra et sera englobée, dans ce cas, cette méta innovation.

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »
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