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9 conseils pour mettre en œuvre le changement

La conduite du changement est un sujet souvent débattu de manière théorique. Je dois avouer que mon expérience est beaucoup moins savante. J’ai au contraire forgé ma méthode sur le terrain, projet par projet, année après année. Il y a quelques années à Exeter, au Royaume-Uni, je livrai ce discours d’ouverture à la conférence Like Minds sur ce sujet de la conduite du changement. Déjà publié en anglais, je vous en livre ici la traduction et l’adaptation françaises. Il est intitulé « confessions d’un intrapreneur », et est constitué de neuf anecdotes et conseils que j’ai utilisés pour décrire mon approche fétiche de la conduite du changement.

9 conseils pour la conduite du changement

Conseils pour la conduite du changement
Conduite du changement : loin des incantations nous proposons une vue pragmatique du changement, basée sur sa mise en œuvre, une mise en œuvre qui va prendre nécessairement du temps — Image produite avec Midjourney en mode personnalisé

Conduite du changement et médias sociaux

Le sujet de ce séminaire était « comment mettre en œuvre les médias sociaux en entreprise » et je me suis vite rendu compte que mon expérience permettait d’aborder le sujet sous un angle différent que celui de mes confrères, car je vivais cette problématique de l’intérieur, que j’ai mis en œuvre des innovations côté client pendant des années que le fait que cela n’ait pas concerné toujours les médias sociaux, qui sont encore relativement récents, n’avait aucune espèce d’importance.

Faire un blog pour soi c’est facile, pour une entreprise…

Il est plus difficile de mettre en place le changement dans une entreprise que pour soi-même . Faire un blog pour soi pour une TPE ou même une PME n’est pas bien difficile. Vous allez sur WordPress.com, cliquez sur quelques boutons et hop ! Il n’y a plus qu’à être célèbre, tout cela en à peine quelques minutes…

Si j’étais Nestlé ou Danone

Il n’est pas possible d’agir ainsi lorsqu’on est le représentant d’une grande entreprise cotée ! L’approche est plus complexe, il y a des règles à respecter et des obstacles à surmonter. Il est facile aussi de regarder le problème de l’extérieur et de se contenter d’émettre des recommandations. Si j’étais Nestlé ou Danone, je ferais ci et je ferais ça ! On l’entend assez. Mais voilà, tout est dans le « si ».

Je le sais bien, car j’ai été aussi de l’autre côté de la barrière, comme consultant, pendant de nombreuses années. Il est facile, du moins en surface, d’émettre les recommandations. Et pourtant j’ai toujours éprouvé personnellement de la frustration par rapport au fait que celui qui émet ces recommandations est rarement celui qui les met en œuvre. Vu du client, être conseilleur n’est pas pas payeur, et ces conseils à l’emporte-pièce peuvent être particulièrement irritants ; intrinsèquement les consultants n’y sont pour rien, mais cela mérite d’être dit.

le sens du terrain et de la conduite du changement

Alors voici ma « confession », si on accepte ce terme, c’est-à-dire, les quelques leçons que j’ai apprises sur le terrain — volontairement simplifiées pour être mises dans un discours — pour mettre en œuvre le changement et devenir un intrapreneur. Pour chacune de ces leçons, je fournirai une anecdote, tirée de mon expérience réelle.

Dans cette conférence donc, je présentai ma vision de la conduite du changement, intitulée « confessions d’un intrapreneur ». Il y a 9 de ces anecdotes et conseils, qui servent tous à décrire par l’exemple mon approche de la conduite du changement, telle que j’ai pu la mettre en œuvre sur le terrain dans mes 35  (et plus) années d’expérience professionnelle.

Ceci est le synopsis de l’introduction de la présentation

Pas de slides…

J’ai délibérément choisi ce jour-là de ne pas présenter de slides. Les applaudissements de la salle m’ont d’indiqué clairement que je n’étais pas le seul à être lassé de ces présentations fortement imagées, où la projection n’ajoute rien à ce qui est dit. Place donc à l’expérience…

le problème des Français

« le problème des Français c’est qu’ils n’ont pas de mots pour “entrepreneur” ». Telle est la phrase qu’on attribue à George W. Bush lors d’une discussion sur l’économie française qu’il aurait eue avec le Premier ministre britannique Tony Blair, bien que cette phrase soit certainement le résultat d’une rumeur et qu’il n’est aucunement prouvé que le président Bush a dit cela (même si on ne l’aime pas et qu’on le trouve stupide, c’est quand même un peu gros !). Ce « Bushisme » a été recyclé à l’envi sur Internet : tant bien que même les gens de bonne foi finissent par donner plus de crédit au faux qu’au vrai…

Ceci étant, le mot « entrepreneur » est bien français, à la différence de « impossible », comme tout le monde le sait. Il existe aussi un mot, dérivé du premier, « intrapreneur », qui désigne ces femmes et ces hommes, qui sans relâche, tentent de mettre en place la nouveauté dans leurs grandes entreprises, de conduire le changement, de faire avancer les choses…

Je fais partie de ceux-là, et j’aime ça ! Peut-être est-ce le fait d’avoir rêvé et tenté plusieurs fois d’être mon propre patron (je finis par mettre mon plan à exécution mais seulement au bout de 30 ans). Quoi qu’il en soit, le changement fait partie de mon travail de tous les jours, j’aime changer les choses, j’ai toujours aimé cela et l’aimerai toujours. Cela doit être une deuxième nature, je suppose.

Je ne peux m’empêcher de penser que parfois, il serait plus confortable de laisser les choses telles quelles, que cela serait moins risqué et compliqué . mais je ne pourrais pas vraiment m’en persuader moi-même.

Mes 9 conseils pour mettre en œuvre le changement
Mes 9 conseils pour la conduite du changement — ma présentation à Like Minds

Être intrapreneur…

  • Être intrapreneur c’est faire le pont entre les stratèges, les chercheurs, les développeurs et les opérationnels qui font tourner la boutique au jour le jour ;
  • les intrapreneurs sont des faiseurs qui aiment faire aboutir les projets, et qui aiment quand les idées se frottent à la réalité du terrain ;
  • c’est comme cela que je conçois mon travail.

Scott Gould (organisateur de la conférence et cofondateur de Like Minds) a décidé de nommer mon discours d’introduction « confessions », et de l’orienter sur les anecdotes qui ont fait mon quotidien professionnel pendant près d’un quart de siècle.

Pourtant, ce mot de « confessions » évoque, si j’en crois les dictionnaires, qu’on a commis un crime ou un péché ! Je ne suis donc pas sûr que ce soit un titre approprié. Je vous l’accorde, bien des fois, un intrapreneur doit batailler contre les règles établies, les résistances au changement, surmonter les obstacles difficiles…

Mais les vrais entrepreneurs ne sont pas des fauteurs de trouble, car ils savent toujours agir pour le bien commun.

Conseil no.1 : le changement commence par une prière…

La prière dite de la « sérénité » pour être précis. Ne croyez pas à une crise mystique, je l’ai rencontrée pour la première fois dans « slaughterhouse five » (abattoir 5 en français) du célèbre romancier américain Kurt Vonnegut.

Conduite du changement

Dans cet ouvrage, le personnage principal, Billy Pilgrim a accroché un cadre au-dessus de son bureau, qui contient le texte suivant :

 Dieu m’accorde la sérénité nécessaire pour accepter les choses que je ne peux pas changer ; le courage pour changer celles que je peux changer ; et la sagesse qui me permettra de discerner les premières des autres.

Il semblerait même que les alcooliques anonymes en aient fait leur devise.

Anecdote : alors que je mettais en œuvre le tout nouveau système d’automatisation des forces de vente (SFA) que j’avais moi-même conçu au début de 1992, mon nouveau patron européen me dit « tu peux avoir ce job, mais je ne t’autorise pas à changer la méthode de travail de ton prédécesseur ». Je choisis donc de me conformer à ses directives, de laisser le projet capoter, ce que la mauvaise méthode choisie promettait de faire puis, en repartant de zéro, de mettre en œuvre ce système d’information dans 11 pays en à peine 4 mois avec ma méthode. J’ai évité soigneusement de changer ce que je ne pouvais changer, et me suis contenté de proposer une solution à un problème, une fois seulement que mon patron avait touché ce problème du doigt. Aucune critique ne fut nécessaire. Nous sommes toujours amis, 30 ans plus tard !

Conseil no.2 : pensez grand, démarrez petit… Une des erreurs les plus communément commises est celle qui consiste à essayer de tout changer en une fois… trop vite, trop grand, trop tôt.

La plupart des gens détestent le changement, malgré le lyrisme de la littérature managériale traitant de l’innovation (si on omet les vrais livres d’innovation comme « the myths of innovation » de Scott Berkun).

Laisser les choses telles quelles est rassurant tout le monde ; car le changement, le fait de bousculer les habitudes, provoque chez la plupart des gens l’anxiété, la peur de ne plus retrouver ce qu’on connaissait, le risque de ne plus savoir ce qu’il faut faire, d’être mis de côté pour cette raison, de sortir de sa zone de confort et d’aller dans la zone « rouge », celle où on n’apprend plus, mais où on prend conscience de ses propres manques, de perdre pied et de devenir incompétent, voire même en fin de compte… de craindre de se faire écarter, même s’il n’y a aucune raison objective pour que cela arrive.

Pour cette raison, le changement doit se mettre en œuvre par étapes, en commençant petit, pour ne pas effrayer, et allant croissant de façon à permettre aux femmes et aux hommes qui vont vivre ce changement de se rassurer qu’ils peuvent faire partie du changement et non pas en être les victimes impuissantes

Note : il existe cependant des cas extrêmes qui contrediront ce que je viens d’écrire, mais vous connaissez le dicton sur les exceptions qui confirment les règles…)

Anecdote : dans le cours du processus d’évolution du site Internet d’un grand opérateur, j’avais mis le cap bien au-delà d’une simple refonte de sites. Mon but est véritablement d’établir une gouvernance du Web de notre Groupe tout en préservant la liberté et la créativité de toutes les entités avec lesquelles nous travaillions. Mais il était stupide de commencer par les plus gros sites et de tenter de convaincre les partenaires les plus difficiles. C’est pour cela que nous avons démarré, malgré notre ambition, avec quelques petits sites Web qui ont été ravis de nous rejoindre, à qui nous avons fait bénéficier de notre expertise. Forts de leur succès, ils sont allés évangéliser autour d’eux.

Conseil no.3 : choisir le chemin le plus direct

 … ou « chemin de moindre résistance » pour une traduction littérale

La résistance au changement est un des passages obligés de la conduite du changement. Plutôt que d’affronter ses détracteurs, il est préférable de faire comme s’ils n’existaient pas et de les éviter en concentrant vos efforts sur les acteurs de changement positifs que vous aurez identifiés. Ainsi vous serez plusieurs à évangéliser. En fin de compte, vos détracteurs, conscients de votre succès, finiront bien par vous rejoindre.

Lorsque des conflits surgissent, c’est là qu’il faudra se souvenir de cette règle, même si elle paraît peu naturelle. J’ai ainsi constaté à maintes reprises que refuser le combat était la meilleure tactique possible et la plus efficace pour se débarrasser d’un détracteur agressif. Lorsque le conflit devient franchement désagréable et se déplace même sur un plan personnel, je prends systématiquement la tangente et n’hésite pas à quitter la salle, voire à laisser le champ libre jusqu’à ce que la personne agressive qui me veut personnellement du tort finisse par se lasser et partir ailleurs pour faire autre chose. Et c’est ce qui se passe. Il y a une vertu à l’attente, au « lâcher prise ». Il s’agit même d’une mesure qui permet de garder son intégrité morale en cas de stress !

Les personnes les plus agressives finissent toujours par se faire tellement d’ennemis qu’en fin de compte elles sont les propres victimes de leur agressivité et qu’elles vont ensuite ennuyer d’autres personnes, en d’autres lieux, voire en d’autres entreprises. Plus les victimes de leur agressivité sont tenaces et résistantes, plus les pervers se trouvent comblés ! Il ne faut donc pas leur donner de grain à moudre. Il vaut mieux se concentrer sur ses propres résultats, rester professionnel et courtois, prendre du recul, éviter de confronter les zélotes et aller de l’avant !

Je dois aussi souligner qu’il faut toujours rester courtois et amical, même avec ses pires ennemis (ce qui les mettra encore plus en colère). Soyez affables, ne les attaquez jamais et restez positifs. Souvenez-vous de cette citation de l’évangile selon Saint Mathieu : « Et moi, je vous dis de ne pas tenir tête au méchant ; mais si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. » Loin d’être un aveu de faiblesse, cette posture est preuve de réelle force de caractère.

Anecdote : alors que je travaillai pour une grande banque britannique dans le milieu des années 90, dans le cadre de leur stratégie sur Internet, et que j’interviewai diverses personnes dans le cadre de mon enquête, je découvris un groupe de cadres qui avaient démarré leur propre projet. Je leur proposai donc de se joindre à nous et que nous promouvions ensemble ce projet, et l’étude qu’ils avaient menée, comme tête de pont pour le projet global et de mettre leur initiative en vedette auprès de la direction générale que nous représentions. À l’inverse de nos attentes, ils devinrent agressifs et cachottiers, refusant de partager leurs informations, et de prendre part au projet global ; ils disparurent donc avec celui-ci. Le projet Internet, le nôtre s’entend, se poursuivit sans leur aide, et ne profita pas de leur (prétendue) avance ; ils ne se firent pas d’amis et ne furent d’aucun secours à leur entreprise. Ils s’étaient juste fait plaisir avec un projet secret. Il est inutile de confronter ce genre d’individus, qui veulent jouer perso et se tirent très bien une balle dans le pied tout seul. Une configuration que j’ai rencontrée de nombreuses fois, le sens du bien commun n’est pas universel. Hélas !

Conseil numéro 4 : montrer l’exemple

Si vous dites à vos collègues de faire quelque chose, il est bien possible qu’ils vous croient si votre force de persuasion est grande, mais si en plus vous montrez l’exemple vous-même, alors le changement en sera d’autant plus facile à mettre en œuvre ;

Si en plus vous demandez à votre patron de montrer l’exemple lui aussi, cela aura encore bien plus de force et aura au moins deux conséquences positives :

  1. votre patron lui-même se sera convaincu du bien fait le votre action et vous soutiendra encore plus ;
  2. à son tour, il deviendra un évangéliste de votre programme et du changement que vous voulez mettre en œuvre et vous aidera à en parler autour de vous.

Anecdote : lorsque j’ai démarré le projet des blogs d’Orange business Services, force est de constater que tout le monde n’était pas convaincu, ce qui est tout à fait normal. J’ai démarré le projet avec quelques acteurs de changements qui m’ont aidé à avancer, mais c’est uniquement lorsque j’ai demandé à mon patron de nous aider en bloguant sur son activité préférée que j’ai réussi à passer un palier dans la mise en œuvre du changement. En effet, à partir du moment où je lui ai demandé cela, il a compris quel était le retour sur investissement de nos blogs d’experts, parce qu’il avait saisi l’usage qu’il pouvait en faire lui-même, et donc ce que cela pouvait signifier pour les autres ; ce qui l’a amené à devenir un véritable supporter de ce que nous faisions et à encourager d’autres collègues à faire de même. Quatre ans plus tard, il était encore le plus grand avocat de notre cause. Ce blog existe encore, 15 ans après et nous sommes restés amis également.

Conseil no.5 : ne pensez pas selon le modèle hiérarchique

conduite du changementPour ceux qui ont un niveau de compréhension assez vague de la conduite du changement, il pourrait sembler une bonne idée de demander à la personne la mieux placée dans la hiérarchie d’écrire un relevé de décisions et de partir de l’hypothèse que cela suffit pour que chacun dans l’entreprise change sa façon de faire.

Bien que cela fonctionne parfois, la plupart du temps il ne s’agit pas d’une méthode efficace et il y a de meilleures façons d’utiliser le temps précieux des responsables de direction dans le but de mettre en œuvre le changement.

La meilleure façon d’utiliser le top management à cette fin est d’obtenir d’abord des résultats, de les mettre en exergue, et ensuite de chercher le support du top manager qui utilisera ces premiers résultats pour souligner la nécessité du changement, et vous donner un mandat pour le mettre en œuvre. Et si vous avez déjà un mandat, ne soyez pas complaisant et faites comme si de rien n’était…

Anecdote : alors que j’étais responsable de la mise en œuvre d’un nouveau système d’automatisation des forces de vente (SFA : Sales Force Automation) en Europe au début des années 90, chez Unisys, je me suis rendu compte que mon prédécesseur avait initié ce processus en demandant au directeur exécutif de la division Europe Afrique d’envoyer une lettre et un mail à tous les responsables de pays. Le résultat fut absolument désastreux. Personne ne prêta attention à cette lettre, car il y avait d’autres choses beaucoup plus importantes à traiter à ce moment-là. La bonne méthode était d’initier le changement au niveau du terrain, de montrer quelques résultats concrets, puis de venir et de négocier face à face avec chaque responsable de pays, en démontrant la nécessité du changement, le caractère impérieux de la nomination de ressources idoines dans chaque entité, et une fois que quelques-uns de ces pays avaient été convaincus (en évitant soigneusement les plus récalcitrants au début) d’aller ensuite voir le directeur exécutif de la division Europe Afrique qui confirma la décision et le plan d’action. Le système fut déployé dans toute l’Europe avec une organisation adaptée et les ressources suffisantes en moins de quatre mois, alors que le processus précédent avait mené à près d’un an d’atermoiements.

Conseil numéro 6 : toujours privilégier les rapports humains

On devrait toujours penser à utiliser le courrier électronique en dernier recours. La bonne méthode est de favoriser par-dessus tout les discussions entre personnes humaines.

En cas de désaccord, il faut laisser les personnes s’exprimer ouvertement sur ceux-ci   plutôt que de laisser dégénérer la situation en batailles de clochers, menant à des discussions inutiles et désagréables par courrier interposé, qui font perdre à tout le monde son temps et pourrissent l’ambiance !

Anecdote : alors que je travaillais sur un sujet très important lié à la gouvernance de nos domaines Internet chez un grand opérateur mondial, un problème particulièrement aigu avait mené — avant mon arrivée — à des débats entre personnes pendant près de deux ans. Nous étions alors dans une situation où les personnes négociaient sur leurs positions, plus que sur les faits [1], et complètement en dehors de la considération du bien commun. J’ai passé donc plusieurs mois à parler à chacune de ces personnes individuellement, en les convaincant que nous devions converger vers une solution qui conviendrait à tout le monde, et que lorsque nous n’étions pas d’accord, il valait mieux exposer la raison de ce désaccord clairement, en en débattant et en discutant face-à-face ou par téléphone, humainement et non par écrit, surtout électronique. Les détracteurs furent donc amenés à exposer leurs vues en face du groupe tout entier, les décisions furent mises au vote, et finalement, ces mêmes détracteurs vinrent à moi la fin de la réunion, en me disant, en substance : « cette décision était exactement celle que je voulais ». Il est pourtant à préciser que la décision en question, était exactement à l’opposé de celle défendue par ces mêmes personnes au début de nos discussions des mois plus tôt.

[1] pour des précisions sur ce point, voir le classique de la négociation : Getting to Yes de Fischer et Ury

Leçon numéro 7 : adopter la loi de Murphy comme principe de base

conduite du changementCe point est particulièrement délicat, car il est souvent mal interprété.

Les bons chefs de projet, et responsables de la conduite du changement sont capables de prévoir non pas le futur, mais du moins les différentes voies que le futur pourra emprunter (par rapport à leurs projets, s’entend).

C’est ce que j’appelle gérer un projet par la loi de Murphy dont je rappelle ici le principe : « si quelque chose avait une chance de mal se passer, partons du principe que ce sera le cas ! »

Les bons chefs de projet de ce fait, sont capables de prédire les mille et une façons dont leurs projets risquent d’échouer, de façon à prendre à l’avance les précautions qui leur permettront d’éviter ces problèmes.

Les mauvais gestionnaires de projets, au contraire de la croyance la plus répandue, sont ceux qui sont à 100 % positifs, entièrement optimistes, et sûrs que leur projet se déroule parfaitement, oubliant ainsi de diriger leur attention vers les choses qui pourraient aller mal ; ils sont donc mal préparés à la résolution des problèmes au moment où ceux-ci se révèlent.

Les bons chefs de projet qui utilisent la méthode de la loi de Murphy sont souvent victimes de mauvaises interprétations selon lesquelles ils sont négatifs ou pessimistes alors qu’en fait ils sont juste précautionneux, attentifs et professionnels.

Anecdote : il est difficile pour moi de citer une anecdote en particulier sur ce sujet, car c’est une méthode que j’emploie en permanence. J’ai un sixième sens pour sentir les projets qui vont partir dans le décor, identifier les mauvais signaux, et comprendre les problèmes qui pourraient mener à l’échec du projet. Ceci me permet de prendre des mesures de précaution à chaque fois que cela est nécessaire. C’est aussi pour cela que je tends à mettre beaucoup de pression sur un nouveau projet dès le début de son lancement plutôt que vers la fin de sa mise en œuvre, car alors, il est trop tard. Très en amont, je pose tout un tas de questions à mes chefs de projets à propos des choses qui pourraient aller mal, et sur les façons dont ils pourraient se protéger des problèmes éventuels, ce qui me permet de livrer mes projets souvent en avance et dans tous les cas sans mettre une pression indue sur les équipes. Je n’ai jamais vu un de mes projets générer de tension vers la fin des livrables, comme c’est malheureusement le cas sur la majorité des projets qui sont mal gérés.

Leçon numéro 8 : agir promptement

 

La plupart des entreprises dans lesquelles j’ai travaillé au long de ma carrière tendaient à se réinventer tous les six mois, ce qui ne me paraît pas exagéré, même si cela peut se révéler fatigant à la longue. J’ai vu cependant très peu de gens s’habituer à cette idée, alors que c’est un fait contre lequel on ne peut rien, et qu’il vaut mieux apprendre à faire avec et essayer d’en dégager les opportunités les plus intéressantes.

Ceci veut dire que si vous voulez mettre en œuvre le changement, vous avez environ une fenêtre de six mois, trois mois étant l’optimum. Ceci vous permet ainsi de montrer en un minimum de temps les résultats effectifs de votre conduite du changement, avec preuves de concept et chiffres d’exemples en témoignage, de façon à vous préparer et à aider le management à préparer la réorganisation suivante.

Si vous préparez vos équipes et vos projets de cette manière, vous ferez en sorte que vous êtes toujours de la partie lorsqu’une nouvelle organisation est décidée, plutôt que d’avoir à la subir ; il est préférable de mener le changement plutôt que d’avoir à en subir les conséquences.

Anecdote : alors que je mettais en œuvre le nouveau blog sur la sécurité de l’informatique chez Orange business Services en 2008, mes premières instructions étaient de ne pas toucher aux blogs. En fait, je réussis à trouver quelques agents de changement dès les quatre premières semaines de mon mandat, ce qui me rendit possible la mise en œuvre de la nouvelle vision très rapidement. Je vendis l’idée du blog d’experts quelques semaines plus tard (un discours dans un ascenseur y suffit) puis parvins à mettre en œuvre ce changement très rapidement, en soulignant l’importance des livrables et du contenu, plutôt que de passer des années à inventer une solution informatique parfaite qui de toute façon n’existe pas. De façon à aller encore plus vite, je choisis de trouver une solution de blogs sur étagères (Typepad), même si ce n’était pas la meilleure solution technique (nous l’avons migré vers une meilleure solution un peu plus tard), mais c’était une solution qui permettait d’avancer rapidement, suffisamment bonne, et qui permettait de réaliser une preuve de concept, montrer des résultats positifs et immédiats, sortir une annonce de presse, et mettre en œuvre le changement d’organisation rapidement afin de s’inscrire dans une démarche de long terme autour d’une politique de contenus de marque qui dure encore aujourd’hui, quinze ans plus tard.

Leçon numéro 9 : si la route est bosselée, roulez plus vite !

conduite du changement
Conduite du changement : les temps difficiles sont propice à la conduite du changement au contraire de ce que croient la plupart des gens
  • La plupart des apprentis es conduite du changement pensent qu’il faut s’arrêter dès que l’environnement devient incertain et chaotique ; c’est une erreur grossière, car le chaos est au contraire à la source de toute création ;
  • L’utilisation du terme chaos dans la langue anglaise par exemple, dans le sens de « état de désordre total et de confusion » n’apparaît qu’à la période élisabéthaine, date à laquelle (XVIe siècle), où la pratique de l’anglais moderne s’instaure. Mais le sens originel de ce mot, issu de la mythologie grecque et d’autres écrits hiératiques postérieurs, en est la description de l’état du monde avant que celui-ci prenne forme ;
  • Le chaos n’est donc pas synonyme de désordre, mais décrit au contraire la période où tout est possible avant qu’on puisse appréhender la situation dans son ensemble ;
  • Les visionnaires, au contraire, cherchent toujours à mettre en œuvre le changement dans les périodes les plus agitées, car ce sont celles où tout devient possible et où la créativité a le plus de chances de s’exprimer. Quasiment tous mes projets de changement ont été démarrés à des périodes difficiles, où ma position hiérarchique était la moins claire et qui se sont à chaque fois révélées être le moment psychologique pour rebondir au travers d’un nouveau projet.

Lancer un nouveau projet au moment où une organisation est en phase de redéfinition est en fait la vraie bonne idée, car c’est le moment où les directeurs exécutifs cherchent ardemment des solutions à leurs problèmes, et sont donc plus ouverts aux innovateurs qui sont à même de les aider dans cette tâche.

Anecdote : peut-être l’une des périodes les plus délicates de mon activité professionnelle fut celle où, revenant du siège européen d’Unisys, je rejoignais la toute nouvelle division-conseil de la filiale française, dans le milieu des années 90. Cette période pleine de bouleversements, sur fond de crise économique, ne laissa pas beaucoup de chance à cette nouvelle entité. Mais juste à ce moment, le Web commença à devenir populaire et je sus saisir cette chance de mettre mes compétences marketing au service d’une innovation et de devenir un des pionniers de cette discipline dans mon entreprise. Alors que, peu avant j’avais du mal à savoir à qui je reportais, je multipliais, de ma propre initiative, les visites aux clients, départements et sites, afin de promouvoir ces compétences Internet (somme toute assez fraîches) et je finis par rencontrer Steve. J’avais à l’époque, il y a 28 ans (!) conçu un petit site Web qui existe encore (visionarymarketing.com) et qui a donné naissance à ce blog. Lorsque Steve le vit, il me demanda immédiatement de le suivre à Londres pour mettre en œuvre un projet similaire dans l’entité qu’il était en train de créer, dédiée à la banque sur Internet, et qui devint http://internet-banking.com. Immédiatement après, c’est la filiale française qui ne voulait plus me laisser partir, et je retrouvais une (très bonne) place dans la hiérarchie, une nouvelle affectation et un nouvel objectif professionnel qui en fin de compte me permit de progresser rapidement par la suite, d’abord chez Cap Gemini puis chez Orange. Si j’avais décidé d’attendre de laisser passer cette période de chaos, j’aurais certainement été grossir les rangs des nombreux camarades d’Unisys dont les effectifs mondiaux sont passés de 120  000 en 1988 à 30  000 en 1997 et bien moins encore aujourd’hui !

Voici la version originale de ce discours en anglais :
Télécharger les confessions d’un intrapreneur en anglais


en mémoire de Trey Pennington

conduite du changementL’origine de ce thème et de ce discours est une discussion initialement entamée sur le sujet lors d’un séminaire Like Minds organisé à Bovey Castle (dans le Dartmoor) en mars 2010, alors que nous étions réunis avec quelques-uns de nos amis américains et britanniques, dont notre regretté confrère Trey Pennington, disparu en 2011 et à qui je dédie cette présentation.

Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »

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