Etat de l’art de l’influence et des influenceurs en 2024
Une professionnalisation en demi-teinte
Podcast: Play in new window | Download (Duration: 10:23 — 9.7MB)
Subscribe: Apple Podcasts | Spotify | Android | RSS | More
Cette année, la conférence Reech sur l’état des lieux de l’influence en France en 2024 était encore plus intéressante que les années précédentes. Elle marquait un véritable changement non seulement dans l’influence, mais aussi dans les réseaux utilisés par les influenceurs en B2C. En 2023, Reech a interviewé 1300 influenceurs en se concentrant sur leur point de vue en contrepoint de l’étude miroir de l’an dernier. Cette étude décrit un monde en voie de professionnalisation où les stars de télé-réalité sont les arbres qui cachent la forêt et où les craintes du lendemain chez les créateurs de contenus commencent à se faire sentir. On y voit aussi le décrochage de X et de Facebook, le règne sans partage d’Instagram et de TikTok et les impacts, pas toujours positifs, d’une loi destinée à encadrer les publications sur les réseaux sociaux.
État de l’art de l’influence et des influenceurs en 2024
L’étude Reech 2024 présentée hier à Paris a abordé les tendances actuelles et les profils des influenceurs au travers d’une étude centrée sur les créateurs de contenus (1300 représentatifs du B2C). Cette étude a mis en avant les nombreux stéréotypes qui entourent encore les influenceurs, montrant ainsi que si le marchéLa notion même de marché B2B ou B2C est au cœur de la démarche marketing. Un marché est la rencontre d'une offre et d'une demande bouge les préjugés restent.
Il s’agissait de la huitième étude sur le sujet et les statistiques ont également montré les évolutions de manière graphique. Voici un résumé de ce que j’ai noté lors de la conférence, présentée par Guillaume Doki Thonon. De quoi peupler et rajeunir mon cours annuel sur le marketing du bouche-à-oreilleLes recommandations, le marketing du bouche à oreille et les réseaux sociaux pour être incontournable. et des médias sociaux.
Profil des influenceurs en 2024
L’âge moyen des influenceurs est de 34 ans et 78 % d’entre eux sont des femmes. Le monde de l’influence s’ouvre à de nouvelles tranches d’âge et, fait remarquer le patron de Reech, on observe un « vieillissement de cette population ». Reech fait remarquer que ce vieillissement s’observe également sur TikTok.
Les hashtags les plus populaires utilisés par les influenceurs varient en fonction de la plate-forme. Cela démontre bien comment chacun de ces réseaux s’est spécialisé et ces hashtags sont très instructifs pour bien comprendre à quels sujets ces plates-formes sont dédiées et à qui elles s’adressent.
Instagram met ainsi en avant des hashtags tels que #photographie et #love, tandis que TikTok utilise des hashtags tels que #humour (une évolution depuis les débuts de la plate-forme dans les contenus dansants) et #booktok.
Le nombre moyen de followers des influenceurs est de 70 000 sur Instagram. TikTok a dépassé Facebook en termes de popularité auprès des influenceurs, tandis que X (ex-Twitter) est en net déclin. La plate-forme de Musk n’est qu’à 5 % le réseau primaire des influenceurs. Voilà qui est assez frappant et parlant. On pourra bientôt faire un postmortem de ce réseau qui fut le préféré de beaucoup d’influenceurs pendant longtemps même si son positionnement était bien loin (politique, journalisme, B2B, entreprises…) de celui de TikTok et Instagram. La plate-forme ayant régulièrement dégoûté le cœur de son audience, et n’étant pas présente sur l’influence B2C, on peut raisonnablement prédire qu’elle finira par décliner totalement.
Les opportunités de collaboration se sont multipliées pour les influenceurs, qui sont nombreux à recevoir des propositions de la part des marques.
Cependant, la confusion et l’incertitude entourent encore la nouvelle loi sur les partenariats avec les influenceurs. L’étude a également révélé que 61 % des influenceurs ont été victimes de cyberharcèlement, les hommes étant ciblés à un plus jeune âge.
L’avenir du marketing d’influence semble prometteur, et 70 % des influenceurs souhaitant qu’une entité représentative les soutienne ce qui est signe de structuration de la profession. Toutefois, les influenceurs éprouvent également des craintes et un manque de confiance quant à leur avenir.
Plus que jamais les choses ont changé en 8 ans. Si la profession se structure, elle reste néanmoins une occupation d’appoint. 24 % des influenceurs pratiquent cette activité à temps plein, cela commence à devenir conséquent, notamment en comparaison des 15 % de 2021. Néanmoins, on fera remarquer que 75 % des influenceurs continuent à pratiquer cette activité de manière complémentaire.
Leurs sujets de prédilection n’ont pas tellement changé, on retrouve les mêmes thèmes (dans l’ordre) :
- Lifestyle
- Loisirs
- Culture
Cela ne change pas avec 2021.
Les influenceurs interrogés pratiquent en moyenne trois réseaux : un réseau principal et deux autres, où ils « recopient les contenus automatiquement ».
L’étude faite également ressortir une évolution des demandes de partenariats. Les marques ont « peur de travailler avec des influenceurs qui n’ont pas l’habitude de la nouvelle loi », explique Guillaume.
Cette loi qui n’est pas encore très bien comprise de tous d’ailleurs.
« Les marques recherchent donc des professionnels qui travaillent avec des agents ». Guillaume, à juste titre, n’est pas d’accord avec cela, car il trouve que cela cantonne la production de contenus dans un certain conformisme, tuant ainsi la diversité et la créativité. Sans doute que cette loi va accélérer la « peoplisation » du secteur de l’influence en condamnant les petits créateurs de contenu et en se focalisant sur quelques vedettes assez stéréotypées. Comme Guillaume Doki Thonon, nous trouvons cette évolution assez regrettable. Heureusement, dans le business to businessEn réalisant ce glossaire Visionary Marketing s'est heurtée de front à un problème de taille : faut-il écrire BtoB ou B2B ?, une certaine créativité et liberté persistent, même si on remarque également un glissement très net, notamment sur LinkedIn, vers le divertissement et le selfie.
Trois types de partenariat existent :
- Placement de produit simple
- Production de contenu de marque (IGC)
- Co-création (produit/service)
La grande tendance est l’IGC (Influencer generated content)
Les revenus de l’influence en 2024
Comme expliqué précédemment l’influence est essentiellement un métier d’appoint pour la majorité (75 %) de ses adeptes. 66 % d’entre eux gagnent en effet moins de 5000 €/an. C’est déjà mieux qu’en 2021 cependant (80 %).
Mais pour les consommateurs, alors que ce marché de l’influence croît et que les médias en représentent souvent le côté bling-bling et télé-réalité, la rémunération type se situerait plutôt autour de 100 k€. Une grossière exagération d’autant plus que ce type de revenus est réservé aux très gros comptes. Et encore… ici on parle de CA et non de (j’ai posé la question à Guillaume).
Cela fait de petits salaires pour la plupart d’entre eux et qui plus est, dépendants des plates-formes et de leur bon ou plus souvent mauvais vouloir. Depuis que je connais Internet et que je pratique la création de contenus j’observe en effet la même chose : la plate-forme a besoin de l’UGC (ou IGC puisque c’est le terme à la mode), elle bâtit sa notoriété sur lui, promet monts et merveilles et permet à un créateur de contenus de vivre puis, quand le volume est suffisant et que la pression sur la marge se fait sentir, elle retire l’échelle. Par le passé avec Google Adsense par exemple ou l’affiliation, on faisait baisser les rémunérations. Le risque pour les influenceurs est les changements d’algorithmes qui peuvent faire disparaître des comptes importants en un rien de temps. Les influenceurs en B2B qui comptaient sur Twitter ou LinkedIn ces années passées commencent (certains finissent) à sentir le retour du bâton.
Et si le grand public pense toujours que les influenceurs sont payés par les réseaux sociaux, ils se trompent encore.
Les risques sont grands d’autant plus que l’environnement a beaucoup changé. D’abord avec la loi.
La loi influence de juin 2023
Si 75 % des influenceurs savent qu’elle existe, cela fait encore 25 % qui l’ignorent. D’où les réticences des entreprises à travailler avec les plus petits. Ce qui rendra plus fragiles les modèles basés sur les micro-influenceurs à l’avenir.
Cette loi donne l’obligation de mentionner « Publicité » ou « collaboration commerciale » dans ses publications. Selon Guillaume Doki Thonon, les études montrent que « pourtant, cela n’a pas d’impact sur les performances des contenus ». Mais les doutes subsistent. Une plate-forme qui vit, en partie, de la publicité peut-elle admettre que ses utilisateurs vivent sur son dos sans leur verser une contribution ? Chez les bisounours sans doute, chez les humains c’est moins crédible.
Si les médias couvrent abondamment ces obligations, j’ai remarqué que les journaux principaux comme le parisien étaient en bas de la pile et n’en parlaient quasiment pas. Par ailleurs, « 50 % des messages des médias sur cette loi se rapportent aux cryptomonnaies ». Or on a vu que les contenus produits sont sur d’autres sujets principalement. Des sujets qui font moins peur que les cryptomonnaies dans doute.
Guillaume, en écho à ce que je prédisais plus haut indique une « vraie responsabilité des plates-formes qui réduisent les vues des posts marqués « publicité » ». C’est ce qu’on appelle le « shadow-banning ». Mais cela est « très flou est-on n’est sûr de rien, c’est hors du radar », précise Guillaume.
Hier, un débat sur ce sujet sur LinkedIn entre experts et influenceurs a mené à deux camps qui s’opposent. Ceux qui croient au shadow banning et ceux qui n’y croient pas comme mon ami Bruno Fridlansky. L’avenir nous dira qui a raison, mais la logique économique est plus forte que tout.
Ces craintes et d’autres font que 20 % environ des influenceurs sont préoccupés ou très préoccupés par leur avenir.
Enfin l’amplification publicitaire. L’amplification sur les médias sociaux aux USA est de 1 dollar pour 1 dollar de contenu. En France, on est plutôt à 0,20 € pour un euro nous dit Guillaume. On pourra également regretter que le marché de la création de contenus évolue progressivement vers de la publicité payée à coup de budget, ce qui fait disparaître le côté spontané et tend à banaliser et standardiser ce travail et à le faire sortir de sa spécificité.
Toutes ces évolutions sont compréhensibles. Le marketing de plate-forme est impitoyable et l’Internet des potes et des bisounours est derrière nous et il ne reviendra pas.
Télécharger la 8e étude Reech 2024 sur l’influence