CRM et Expérience client

L’accélération fulgurante du Chat en service client pendant la crise

Le Chat (ou clavardage) dans un contexte de service client) a vu son adoption croître de manière fulgurante lors de la période de confinement. Ceux qui se posaient la question de savoir si cette crise avait amené des changements dans la transformation digitale des entreprises avaient bien le sentiment diffus qu’un déclic s’était produit. Mais encore fallait-il pouvoir mettre des chiffres sur cette impression.

Accélération fulgurante de l'adoption du chat en service client pendant la crise
Les trains se sont arrêtés mais pas le train de l’innovation ni de la transformation digitale

C’est chose faite avec cette interview de Maxime Baumard, directeur marketing d’ IAdvize que j’ai interviewé en direct de Nantes, pour qu’il nous parle des mutations du service client observées sur le terrain pendant cette crise du Coronavirus. Les chiffres et les anecdotes que Maxime a fournis à Visionary Marketing lors de cette interview sont autant de précieux indicateurs de cette accélération en cours.  

Iadvize a observé deux grandes familles de mutations autour du service client pendant la crise

Tout d’abord, les mutations liées aux décisions qui ont dû être prises de manière forte. Par exemple en liaison avec le télétravail forcé, car l’activité service clients est, par défaut, une activité qui se passe difficilement à la maison.

Le confinement a obligé à repenser le service client, et les modes de travail

En ce qui concerne le canal téléphonique par exemple, qui est le plus connu en matière de service client, il a été difficile pour les marques de déployer des stratégies par téléphone avec des conseillers clients, internalisés ou externalisés, travaillant depuis chez eux. Ceci avec les difficultés techniques éventuelles, et souvent un contexte familial radicalement différent de celui des centres d’appels assez aseptisés en terme d’écoute, ou une bande passante à partager, etc.

Tout ceci a vraiment eu un impact sur les stratégies de relation client, et on a vu des décisions prises sur des choix de canaux, qu’on a ouverts ou fermés, et qui ont été dictées par cette crise.

Des décisions dictées par le contexte économique

La deuxième famille de changement de comportement en termes de service client, est apparue quelques semaines après les premières décisions prises dans l’urgence

Elle a porté sur des décisions dictées par un contexte économique particulièrement tendu, incertain, avec un manque de visibilité sur les revenus, sur les budgets, et avec cette volonté de ne pas sacrifier la relation qu’ont les marques avec les clients puisque c’est un des aspects les plus importants.

Les marques se sont posé la question de comment se rendre tout autant disponibles pour leurs clients, voire même davantage, mais à moindre coût

Et là, on a vu des stratégies de service client beaucoup évoluer, avec des canaux qui ont vraiment su remonter en termes d’usages.

Des décisions qui étaient parfois reportées depuis des mois et des mois se sont prises très rapidement pendant cette crise

Nous avons pas mal d’exemples en ce sens. De nombreuses marques qui se posaient la question de proposer à leurs vendeurs en magasin de leur mettre un téléphone entre les mains pour voir s’ils seraient capables de répondre à des questions des visiteurs du site Web, ont accéléré leur décision du fait de la fermeture des magasins. Par exemple, chez Leroy-Merlin, une quinzaine de vendeurs en magasin ont, de chez eux, conseillé les vendeurs de la boutique online par messaging.

D’autres acteurs également, qui ont des millions de clients, et qui se posaient la question de remplacer un canal comme l’email par du messaging automatisé, ont déployé une stratégie conversationnelle en seulement quelques heures.

C’était très intéressant de voir vraiment à quel point les grandes entreprises peuvent être très agiles quand il faut prendre des décisions avec le couteau sous la gorge

Le déclin de l’email, « vieux » canal du service client, au profit du chat et du chatbot

L’email et le téléphone sont toujours là et les usages sont forts, mais ils perdent des points d’année en année.

Le contexte actuel accélérant toutes les décisions, il précipite également la perte de l’usage de certains canaux. L’email est un canal qui commence à être remplacé, de par l’automatisation, mais également avec la mutation de ce qu’est devenu le chat, qui devient progressivement du messaging.

Pour bien bien poser la différence entre les deux, le chat permet de poser une question et d’avoir la réponse en temps réel. Le messaging, porté par les apps de messagerie comme WhatsApp ou Messenger, permet de poser la question à une marque, et d’avoir la réponse maintenant ou dans quelques heures, mais toujours avec notification.

Le chat est adopté en masse par les marques, et il remplace l’email, puisqu’il est meilleur

L’inconvénient de l’email est qu’il nécessite 3 à 4 messages en moyenne, alors que par messaging on est en moyenne sur un délai de réponse à la question complète en 8 minutes.

En termes de coût, ce canal coûte deux à trois fois moins cher pour les marques. Ce qui vient également grignoter des points par rapport au mail, c’est la dimension automatisation du message par chatbot, puisque près de 20% des questions peuvent être automatisées. Dans le contexte de cette crise, ce pourcentage est passé parfois à 50%, du fait de la redondance des questions posées.

Est-on capable d’évaluer la baisse imposée par cette automatisation sur le nombre de mails ?

On constate généralement entre 15 et 30% d’emails en moins pour certaines stratégies conversationnelles très avancées.

Et on voit même des marques qui décident de couper complètement le canal email

Certaines l’ont fait d’ailleurs pendant la crise en choisissant désormais en points de contact les réseaux sociaux, puisque qu’on ne peut les fermer, le téléphone, et le messenging, car c’est un canal qui répond au besoin et avec lequel il est possible de lisser les réponses dans le temps et ainsi mieux gérer, en traitant plusieurs personnes en même temps.

Existe-t-il des ponts entre les médias sociaux, qui jouent un rôle très important dans le service client, et les outils de chat ?

Il existe des ponts, et il est très intéressant d’ailleurs de voir comment les entreprises les construisent d’un point de vue organisationnel. On a d’ailleurs vu émerger des fonctions qui regroupent un métier de responsable relation client, social media et chat.

Le parallèle existe puisqu’on est sur deux canaux instantanés de par leur vision première, car quand une personne s’exprime sur le chat, sur Messenging ou sur les réseaux sociaux, c’est pour obtenir une réponse assez rapidement.

De par ce besoin, les stratégies sont souvent pensées avec des ponts. Les ponts qui existent souvent sont ceux d’aller capter un flux de contacts potentiels sur les médias sociaux de manière à pouvoir ensuite les traiter de manière individualisée.

Ça peut être le cas sur certains social medias où on peut passer en messages privés. Mais c’est encore plus intéressant de capter ce flux pour l’emmener sur son site web, le traiter par messenging sur son site web, ce qui permet, sans mauvais jeu de mots, de confiner la réponse, et de s’assurer qu’elle est adressée en one to one.

Et puis, surtout, cela permet de s’adresser à la personne qui pose la question sur l’espace sur lequel elle va pouvoir agir

Si la question concerne l’avant-vente, elle va pouvoir réaliser son achat sur le site car elle est sur le site. Si la question est une question sur l’après-vente, elle peut en même temps naviguer sur son espace client et donc être beaucoup plus à l’aise pour pouvoir répondre au besoin.

Peut-on envisager que ce changement soit profond et durable ? Comment peut-on envisager l’avenir ?

C’est bien entendu très compliqué de répondre. On peut émettre beaucoup d’hypothèses. L’hypothèse du revenge shopping, envisage que la privation de consommation va entraîner une « vengeance » sur le porte-monnaie. Les premières tendances nous montrent que ce n’est pas forcément le cas. Ce n’est pas ce qui s’est passé en Asie, ce n’est pas forcément ce qui va se passer en Europe.

On peut imaginer une sous-consommation et une volonté d’épargner, d’être très méfiant. Je ne pense pas que ça sera une généralisation.

Nous allons vivre une vraie période d’incertitude

L’après crise ne va pas être brutale et on va très certainement vivre une période de plusieurs mois qui sera faite d’incertitudes, de pics de consommation, de pics de sous-consommation, dictés de temps en temps par les annonces gouvernementales, qui peuvent être amenées à nous reconfiner, à changer notre mode et nos lieux de fréquentation. Tout cela, bien sûr, aura un impact fort sur les consommations. Et cette incertitude là, malheureusement ou heureusement, nécessitera pour les marques de faire preuve d’une très grande flexibilité.

Quand on parle de service client, il est parfois difficile d’être flexible. Mais on voit des usages émerger en termes de flexibilité pour pouvoir disposer d’un stock de répondants par exemple en fonction de la fluctuation des demandes entrantes. Nous avons lancé il y a quatre ans un concept qui s’appelle Ibbü, qui permet à n’importe quelle personne passionnée qui a une expertise de pouvoir mettre cette expertise à disposition des marques, et d’être rémunérée pour donner des conseils par messenging, avec un statut auto entrepreneur.

Cet usage a explosé puisqu’il permet aux marques de faire appel à des experts sur une période donnée et puis ensuite de limiter le nombre d’experts disponibles. On a vu de gros acteurs et commerçants européens doubler leurs effectifs de service clients en quelques jours grâce à ce concept, puis le réduire quand le flux varie.

Ce type d’usage va évoluer.

En tout cas, les mots de flexibilité, de gestion budgétaire vont venir dicter vraiment les stratégies de service client pour faire face à cette incertitude qui nous attend encore quelques mois

En conclusion, pourrait-on dire que la crise a été un véritable accélérateur de transformation digitale ?

Bien sûr, et je pense qu’on est loin d’être les seuls à le dire. On a jamais vu des marques se décider aussi rapidement.

Il y a eu des décisions de pansements, des décisions prises dans l’urgence, sur quelques jours.

Mais on a vu des marques qui, tout de suite, se sont engagées sur plusieurs années, en reconnaissant prendre la décision dans l’urgence. Une décision qui aurait de toute manière été prise dans les mois à venir.

Ce contexte a accéléré la transformation digitale et les décisions au sens large.

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »

5 commentaires

  1. Bonjour,

    C’est interessant mais manque de neutralité. Il aurait été plus interessant d’avoir le témoignagnes d’entreprises clientes d’Iadvize.

    Pas d’étude à ce jour (a ma connaissance) sur les bénéfices / gains de productivités du tchat vs le telephone ou l’email.

    1. Merci de ce commentaire, même anonyme. Je ne pense pas que cela manque de neutralité mais je prends néanmoins votre point sur les témoignages de clients (je doute cependant qu’ils soient plus neutres). La remarque sur l’étude de productivité est intéressante. Avez-vous cherché dans les études académiques ?

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