Photographie : un marché mondialisé bouleversé par Internet
Nous avons rencontré Thierry Maillet, VP Business Development d’OOshot il y a peu, et nous lui avons demandé de témoigner pour Visionary Marketing afin de nous décrire un un marchéLa notion même de marché B2B ou B2C est au cœur de la démarche marketing. Un marché est la rencontre d'une offre et d'une demande à la fois connu et méconnu, celui de la photographie. Le marché de la photographie, tout le monde pense le connaître mais en même temps, sa vraie configuration reste largement ignorée et nombreuses sont les idées reçues entendues ici et là … sans fondement. Thierry nous a éclairé sur ce point, et nous a permis de comprendre ce qu’est vraiment ce marché, sa taille, ses caractéristiques et surtout, où il va. Ceci est d’autant plus important que la photographie est le marché emblématique de la révolution Internet, celui – qu’on cite tout le temps avec Kodak (en cours de relancement), Ilford etc. – où le numériqueDéfinition marketing digital, un terme utilisé en permanence et pourtant bien mal compris car mal défini a bousculé le plus profondément l’ordre analogique établi. Voyons donc la réalité des choses avec notre ami Thierry Maillet, un des pros du métier, également bien connu de Visionary Marketing pour ses ouvrages marketing.
Que représente le marché de la photographie aujourd’hui?
Le marché de la photographie est composé de trois grandes catégories.
- Tout d’abord celle que tout le monde connaît, la photographie d’information, destinée aux journaux et aux magazines.
- Ensuite, la photo d’art, que l’on retrouve dans des expositions et des galeries d’art.
- Enfin la troisième catégorie est la photographie de commande, à usage commercial, pour les publicités, les évènements etc.
On peut même dire qu’il existe une 4e catégorie où il y a un transfert de droits d’auteurs (ce qui n’est pas le cas dans les catégories précédentes), qui sont les photographies de mariage de portrait, faites par des artisans photographes.
Paris : capitale mondiale de la photographie, au cœur d’une rupture technologique due à l’Internet bien sûr ! (photo antimuseum.com)
Quel est le chiffre d’affaires du secteur ?
On peut parler de 400 000 photographes dans le monde, gagnant en moyenne autour de 30 000 euros par an. Cela équivaut donc à un chiffre d’affaires d’environ 12 milliards d’euros dans le monde. Mais il est important de savoir qu’il y a en moyenne 5 personnes travaillant autour du photographe : les mannequins, les assistants etc. Il existe ainsi tout un écosystème autour de l’activité de photographe : dans les faits, le chiffre d’affaires généré par cette activité peut ainsi être multiplié par 2 ou 3.
Dans ce système, Paris joue un rôle important ?
Oui, car c’est en 1840, à Paris, que la photographie fut créée. Aussi, plusieurs éléments confèrent à la France un rôle particulier, comme les droits d’auteur : le photographe est un auteur, alors que dans le monde anglo-saxon c’est l’éditeur ou l’acheteur qui possède le copyright.
Aussi, de grandes agences d’information ont été créées à Paris après la seconde guerre mondiale. Des photographes de talent y travaillaient également, dans la mode et dans le luxe, au début du XXe siècle. Dans le monde de l’art, Paris a été une place reconnue dès les années 70 et l’est encore de nos jours. La maison européenne de la photographie est située à Paris et de nombreux centres d’art sont aujourd’hui présents dans la capitale.
Le marché est en pleine reconfiguration, il y a une rupture technologique qui s’est opérée, comment les acteurs traditionnels se sont-ils adaptés ?
Internet constitue un formidable appel d’air qui regroupe tous les photographes attirés par ce nouveau réseau de distribution. Pour ceux qui savent s’y adapter, c’est une formidable opportunité qui est renforcée par le développement des supports mobiles (tablettes, smartphones).
Cette rupture technologique a contribué à faire baisser ce marché, et aujourd’hui on constate un nouveau regain, une nouvelle vigueur du marché.
Exactement, on est typiquement dans une démarche Schumpétérienne, une logique de destruction créatrice où internet a fait baisser les prix de la photographie, mais permet de constituer le marché de l’art avec des prix beaucoup plus clairs et de meilleurs canaux de distribution.
la Une de Ooshot
Quels sont les nouvelles voies de développement ?
C’est d’abord les nouveaux médias, les nouvelles applications de newsletter sur les supports mobiles où l’image ne vient plus en illustration mais en image principale. Concernant les plateformes de e-commerce, il y a de très fortes demandes d’images de qualité, car l’image est au cœur de la décision d’achat, en particulier lors d’un achat sur internet.
Ce marché est en pleine transition mais reste quand même relativement opaque.
La grande difficulté jusqu’aujourd’hui c’est qu’il y avait quelques grandes places où les photographes vivaient, comme Paris mais aussi New York et Londres. Sur ce marché là, des réseaux étaient établis, reliant les photographes aux studios, ce n’était pas un marché très accessible… De nos jours, avec internet il y a une ouverture : les photographes ont plus de possibilités de se faire connaître… Néanmoins, il reste une déficience dans le canal de distribution, de diffusion et de réservation de photos.
C’est sur ce créneau que la start-up Ooshot s’est positionnée…
Ooshot est un site qui permet d’organiser la prise de vue, de réserver des photos et de sélectionner les photographes pour organiser et préparer le shoot avec ce dernier, à travers une plateforme de discussion visuelle. Puis une fois que la photographie est faite, Ooshot livre le client et paie le photographe. Pour le moment, cette plateforme est unique. C’est un marché peu connu, et il faut venir de ce milieu (la fondatrice a 15 ans d’expérience dans la photographie) pour créer un tel site.
Que représente Ooshot aujourd’hui ?
Il y a plus de 400 photographes dans 38 pays. On est en train de faire un partenariat avec un site d’e-commerce américain, ceux-ci étant très intéressés dans la prise de vue.
Comment vous situez-vous par rapport à des sites comme Fotolia ?
Fotolia vend des photos déjà faites. Ooshot fabrique la photo. Nous sommes là dans un processus situé bien en amont. Beaucoup de clients sont ravis de cesser d’utiliser des photos que tout le monde peut trouver ailleurs, et développer leur propre photothèque à un prix abordable, ce qui était autrefois réservé aux initiés.