Georges Edouard Dias : « avec le digital, le chef de produits pourrait être chef de consommateurs »
Changer le marketing
On ne présente plus Georges Édouard Dias, ancien directeur digitalDéfinition marketing digital, un terme utilisé en permanence et pourtant bien mal compris car mal défini de L’Oréal, aujourd’hui consultant indépendant qui travaille sur un projet avec son ancienne entreprise.
La spécialité de Georges Édouard est bien entendu la transformation digitale, et surtout, j’aime l’angle sous lequel il aborde, c’est-à-dire non technologique ni technique, et éminemment marketing où l’on réinvente la relation avec le client, et la façon dont l’entreprise est organisée pour faire face à cette réorientation.
Vous pouviez difficilement attendre autre chose de ce grand amateur d’Apple, qu’une exhortation à « penser différemment ». Plongeons donc dans ce compte rendu de la 3e et dernière partie du social drink up d’Adobe, dont j’ai déjà relayé ici et là les 2 premières parties. Georges-Edouard Dias : think different!
Penser le marketing différemment avec le digital
Georges Edouard a entamé sa présentation en nous demandant de repenser notre travail de tous les jours : “en écoutant le discours ambiant [cf. EBG] on a l’impression que le digital est plutôt créateur de valeur mais le rôle du marketing n’est il pas de redonner de l’espoir et de redonner de la valeur, et notamment au consommateur au travers des produits que l’on vend ?!”. En cela, il fait écho à un article que j’ai écrit récemment sur le cercle d’Or de l’innovation.
“Est-ce que nous vivons la fin d’un monde ?” a demandé Georges Edouard à l’auditoire : “La FNAC, la Poste sont en mauvais posture face aux géants américains et on pourrait croire qu’il n’y à plus rien à inventer. Mais il y a 2 façons de réagir”, et de les décrire :
- La FNAC est emblématique (agitateur culturel) mais elle a continué à rester dans son monde et “ce n’est pas qu’il n’y à plus de modèle pour la culture, c’est qu’il a été pris par d’autres”. Et pourtant, la FNAC, en mettant le .com depuis 2000 sur ses sacs avait montré une volonté de bouger, mais elle a oublié le digital et surtout, elle a oublié quelle vendait de la culture et non des biens ;
- La Poste a lancé facteo, primé à NetExplorateur et a utilisé le digital pour recréer du lien.
Il y a donc dans ces deux vues opposées selon lui “une démarche qui se sclérose d’un côté, et de l’autre une démarche qui se récentre sur le consommateur”. Selon lui, “il faut se focaliser sur son marchéLa notion même de marché B2B ou B2C est au cœur de la démarche marketing. Un marché est la rencontre d'une offre et d'une demande pour être un leader et accepter de faire croître son marché pour croître avec le marché”. Un précepte bien connu des lecteurs de ce blog qui savent depuis longtemps que le marché n’est pas un jeu à somme nulle, et qu’un avantage concurrentiel commence avec son secteur (Michael Porter).
L’Oreal le vaut-il bien ?
Quant à L’Oreal, qu’en est-il ? Certes, le champion français du cosmétique n’a pas grand-chose à voir avec un agitateur culturel… Et les prémices sont bien différentes : “le cours de bourse est au pus haut, le marché fonctionne” nous rassure Geoegs Edouard, et pourtant … L’Oreal peut aussi aller plus loin, selon Georges Edouard, en embrassant la transformation digitale.
Dailleurs, selon lui, “la beauté est aussi dans le digital et il y aussi des signes de rupture” :
- Tesco à Sungapore a reproduit la complexité de son magasin sur un mur; la beauté, comme l’alimentaire, “apporte également constamment de la complexité sur son marché” ;
- Dans la beauté aussi il y a de nouveaux concepts comme Kiko, un groupe italien fondé par l’administrateur d’un club de foot et qui a “réinventé la façon dont il accompagnait la/le consommatrice/eur”.
“changer de peau” avec la digitale transformation Et si le digital était le moyen de réinventer le métier de L’Oreal ? a demandé Georges Edouard ? “Avant, la culture de la boîte était le double digit growth mais ce n’est pas la meilleure démarche pour satisfaire le consommateur” a-t-il posé comme préalable; même si on peut opposer à cela que la croissance à deux chiffres est sans doute quelque part le résultat d’une certaine satisfaction de consommateurs qui ont voté avec leur porte-monnaie ;
“L’Oreal ayant dépassé le milliard de consommateurs, a évolué d’une vue purement organisée sur le produit pour se réorienter entièrement vers le consommateur”. Cela pose dependant 2 problèmes selon notre orateur :
- L’axe RH et organisationnel : L’organisation est tout entière orientée vers le produit. Le chef de produitLe product management en B2B n'est pas nouveau mais évolue rapidement et en permanence, séduisant de plus en plus de sociétés devrait devenir le chef de consommateur ! Or, “le digital permet de réduire le circuit entre le consommateur et la marque et il doit pouvoir donc permettre cette transformation”. Et créer de la valeur pour le consommateur. Chez Kiehls il y a des customer representatives et non des représentants de la marque. John Kiehls a fondé cette entreprise, la plus ancienne du groupe, et il créait un produit en fonction des demandes de ses clients. Idem que la vision d’Amazon qui est capable de prévoir les attentes des consommateurs.
- Réfléchir aussi à la transformation du modèle financier : qu’est-ce qui fait la valeur de l’entreprise ? Ce n’est pas la lifetime product value, c’est la lifetime customer value !
C’est à plus qu’une liste d’aphorismes que nous propose Georges Edouard, mais à une reprogrammation du marketing, dont les dignes représentants nous noient ad nauseam de phrases toutes faites du style “mettons le client au centre de nos préoccupations” qui servent surtout à se trouver un alibi pour ne pas le faire. Le digital, au travers de côté direct, immédiat et interactif permet l’engagement avec le client et la transformation de cette relation client. “Les grandes entreprises ne sont pas dans ce modèle” Selon notre présentateur, “si on pense à ceux qui ont la logique des consommateurs, alors on pense aux startups. Les grandes entreprises établies ne sont pas dans ce modèle” :
- il faudrait voir comment le digital peut aider les grandes entreprises à se comporter comme des startups. Il faut ramener une part de risque car c’est le moyen de génèrer de la croissance et de l’innovationL'innovation va de la compréhension (intuitive ou non) du comportement de l’acheteur à la capacité d’adaptation à l'environnement ;
- Baxter of California a lancé aux US, une boutique de barbier. C’est un petit business, rattaché directement au CMO de l’Oreal US. Pourquoi ? “Car le groupe pense que son futur marché est celui des hommes donc ils ont lancé ce business afin d’observer patiemment ce nouveau marché” ;
- “Un des éléments du marketing c’est de lancer la conquête par le digital” selon Georges Edouard … ;
- “Il y a plein de manières de se réinventer et le digital oblige enfin les marketeurs de se mettre en face de ses consommateurs”.
Mettre les marketers face au consommateur … il était temps !