Yahoo! en guerre économique entre géants de la nouvelle économie
Le week-end n’a pas été très favorable aux vacanciers de la Pentecôte, mais comme ceux-ci s’ennuyaient ferme, ils purent lire leur journal et s’apercevoir que Yahoo! était passé à l’offensive en proposant de racheter Tumblr et en musclant, ce matin-même, Flickr. C’est le retour du Freemium. Accrochez-vos ceintures et comptez les milliards !
C’est officiel depuis ce matin. Si, comme moi (cf. mon compte ici), vous avez un compte Flickr, le service de partage de photos préféré des photographes, vous êtes un utilisateur heureux, et vous allez pouvoir ranger votre carte bancaire : Flickr passe au tout gratuit.
Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiig data
Le changement est spectaculaire, car le stockage y devient quasiment illimité (soit environ 537,731 d’une résolution moyenne de 6.5 megapixels) : “les autres mesures en gigabytes, Flickr vous en donne 1000 fois plus. Un plein terrabyte. Gratuitement” tel est le message. Et moi qui venait de renouveler ma carte bancaire pour Flickr le mois dernier et pour Google Storage hier ! On peut s’attendre à des alignements de “prix” vers le bas.
Changement de cible
Il s’agit aussi et surtout d’un changement de cible : alors que Flickr se spécialisait, en se focalisant sur les photographes et les partages plutôt haut de gamme, il se prémunissait aussi, par un modèle payant des partages bas de gamme (photos mobiles, filtres préfabriqués Instagram) et les conséquences en trafic étaient prévisibles. On les voit nettement dans ce graphique (non certifié) de Alexa.com, qui indique et confirme la tendance. Elle n’est pas bonne.
Yahoo! va donc recentrer son système de photos vers le mobile (la métrique est de 6.5 megapixels, un appareil haut de gamme, oscille entre 16 et 34 megapixels), et se détourner des amateurs de la photo qui risquent d’aller chercher un service plus stable … ou se contenter de Flickr mais en cessant de le payer ; car Yahoo! vous le propose : repassez au gratuit et la seule chose que vous perdez sont … les statistiques et les publicités.
Retour de la nouvelle économie : “le chiffre d’affaires vaut-il 1 milliards €”
C’est le retour de la bonne vieille “nouvelle économie”, et des questions idoines. Quand Yahoo! propose de racheter Tumblr pour 1 milliard de $, la question fuse “une entreprise d’à peine 150 personnes qui fait peu ou pas de chiffre d’affaires vaut-elle aussi cher” demandait en substance un journaliste de France Info ce week-end.
Ce qu’il manquera toujours à Yahoo! cependant, c’est un véritable réseau social à la Google+ ou Facebook. Doit-on s’attendre à un nouveau rachat (les restes fumants de Myspace, juste relooké pour l’occasion ?) à coup de milliards ? ou à la création d’un nouveau (bâillement !) réseau social ? En tout cas, rassurez-vous et prémunissez-vous des analyses à l’emporte pièce, Yahoo! est encore très très riche, car il dispose encore de beaucoup de parts de Alibaba, le géant chinois du e-commerce, part évaluée par Forbes à l’équivalent de la capitalisation boursière de Yahoo! elle-même.
Yahoo! peut donc encore se permettre des erreurs et des achats à coups de milliards.
La guerre économique des géants
L’enjeu va bien au-delà des intérêts et des passions de collaboration des photographes amateurs qui ont pourtant fait l succès de Flickr (admirez le talent de photographes comme Mike Mike Milkshakes par exemple). Certes, les snobs de l’appareil photo – dont je fais probablement partie – iront probablement se réfugier sur Behance, le nouveau service ouvert par Adobe (voir ci-dessous).
Behance.net, le nouveau bébé d’Adobe, futur refuge des amateurs de photos ?
Mais l’enjeu pour Yahoo! est ailleurs, il est de rester dans la course, voire de recommencer à la mener, course qui implique les 2 autres géants du Web : Google (avec Drive, que Google a fusionné avec Picasa et Google+), Facebook (et Instagram).
Les “nouveaux” tarifs de Google Drive vont sans doute être revus à la baisse
Une fuite en avant … la Police suit de près
Tout ceci donne le goût d’une fuite en avant, à un moment où le Web social s’essouffle, mûrit et, logiquement, la bataille se déplace sur le prix, sans cesse plus bas du stockage en ligne ; on se demande même si on ne va pas vous donner de l’argent pour stocker vos données ! (peut-être une idée de start-up ? après tout, c’est l’utilisateur qui crée le contenu, pourquoi n’est-il pas rémunéré, et autrement que par les clopinettes habituelles, si c’est lui qui génère la valeur ?)
Il est encore tôt pour dire si ces gesticulations de Yahoo! seront suffisantes pour lui redonner sa position perdue de la fin des années 90, mise à mal par Google (que Yahoo! rappelons-le, a refusé d’acheter en son temps, cf. l’anecdote narrée par Scott Berkun dans son livre sur les mythes de l’innovationL'innovation va de la compréhension (intuitive ou non) du comportement de l’acheteur à la capacité d’adaptation à l'environnement).
L’enjeu est plus que jamais sur les audiences, et l’inflation à la baisse pour les attirer n’a jamais été aussi incroyable. Mais tous ces sacrifices financiers mènent aussi à l’optimisation fiscale qui commence à irriter sérieusement les gouvernements, pas seulement français, comme ici au Royaume Uni, et c’est nouveau, même aux Etats Unis (en commençant par Apple).
à suivre …
Je dirais même plus : la taille de l’espace disque mis à disposition, et le prix, ne sont plus seuls à prendre en compte. Au récent Google I/O, une diapositive montrait un data center de Google avec le titre : ceci est votre laborataoire de développement. Autrement dit, la prochaine inflation sera du côté des fonctions de traitement/retouche/combinaison/filtrage/partage. La barre est déjà très haute pour ceux qui disposent de la puissance de calcul requise. A suivre, donc, et à plusieurs niveaux d’analyse.
Oui. Adobe travaille déjà dessus. J’ai mis le lien. Il va de soi qu’un photographe ne laissera pas son négatif digital dans les mains de Picasa fût-ce t’il en ligne. Mais ok pour les retouches de base.
Comme je l’explique la vraie bagarre est sur la photo bas de gamme/spontanée/partagée.
Google, Yahoo!, Apple, Microsoft, Amazon. 4 géants, 4 américains, à qui nous confions aveuglément nos données.
Le Patriot Act ne dérange personne.
« Dormez, je le veux ! », disait l’oncle Sam.
Ils sont tellement nombreux que j’en oublie mon arithmétique : 5 !
Pour ton Info, j’ai écrit un article sur le blog cloud d’une grande entreprise connue qui t’explique que le patriot act n’est pas un vrai problème et que tous les pays en ont un. Et l’Europe aussi.
Le problème, c’est que l’Europe est loin d’avoir les mêmes géants que les Etats-Unis. Quant à l’actualité récente avec Verizon (http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2013/06/06/e_3424889_3222.html), elle ne plaide pas pour l’inocuité du Patriot Act.