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Prendre la parole en public n’est pas un art, c’est un apprentissage. Telle est la leçon que j’ai apprise de Sophie Backer, autrice de Pour oser prendre la parole en public chez Eyrolles. Sophie a commencé sa carrière comme journaliste de radio. Entre autres choses, elle réalisait beaucoup d’interviews et elle « s’est rendu compte de la question de l’impact de la prise de parole en public ».
Conseils de pro pour prendre la parole en public
C’est ce qui l’a amenée à son deuxième métier, son métier d’aujourd’hui, celui de coach et de formatrice en prise de parole. Cette question de la prise de parole en public peut paraître simple, et pourtant « elle est compliquée pour tout le monde, y compris pour des personnalités politiques ou des intervenants ayant l’habitude de cet exercice », nous explique Sophie. On s’en était aperçu lors des dernières élections présidentielles. Loin de nous donner des recettes miracles, Sophie Backer nous enjoint de travailler et de pratiquer, car la qualité de cette prise de parole en public est essentielle à l’impact de nos discours.
Est-ce naturel de prendre la parole en public ?
La difficulté avec la prise de parole dans les médias, c’est qu’il faut être tout de suite intéressant. Ce n’est pas naturel pour tout le monde. De mon expérience de journaliste intervieweuse, j’ai tiré quelques enseignements et aussi une méthode, la méthode du losange, pour augmenter son impact le plus rapidement possible.
Vous parlez « d’affronter la société civile ». Pourquoi ce terme ?
J’ai inventé un personnage, Michel, qui est le prototype des personnes que j’accompagne. Pourquoi affronter la société ? Car la prise de parole est toujours engageante, elle oblige à sortir de soi. Et c’est en cela que c’est un exercice différent. Le parler sort comme il vient.
Mais dans la prise de parole, on a cet objectif d’impact. D’où cette notion d’affrontement. Et quand je parle de société civile, c’est parce que les collaborateurs de Michel, aujourd’hui, ne sont plus de simples collaborateurs.
Ce ne sont pas juste des personnes soumises à l’autorité d’un patron comme dans un modèle ancien. Ce collaborateur appartient à une société, il a des opinions, des émotions, des attentes, il a toute sa singularité. C’est en cela que pour un manager, s’adresser à son équipe, c’est déjà un exercice de prise de parole.
Et puis c’est aussi affronter la société civile
L’entreprise s’ouvre sans cesse davantage sur la société civile et de plus en plus souvent, les managers ou les dirigeants sortent du huis clos de l’entreprise et sont forcés de rencontrer des associations de riverains, d’usagers, d’intervenir dans des colloques, des conférences en tant qu’experts de leur domaine. Ce sujet de la prise de parole revient donc souvent.
Vous écrivez « nous sommes passés du début de l’ère de l’Encyclopédie de Diderot à celle de TikTok »
Alors oui, je parle volontiers de changement de paradigme à beaucoup d’égards quand je fais référence à cela. Quand Diderot a écrit l’Encyclopédie, on était dans un monde où le pouvoir allait à celui qui détenait le savoir. L’intention de l’Encyclopédie était justement de mettre cette connaissance à la disposition du plus grand nombre, pour une société plus égalitaire.
À l’ère de TikTok, la quantité d’information ne confère plus aucun pouvoir. Ce qui va donner le pouvoir aujourd’hui c’est la qualité de l’émission, la capacité à se faire entendre, à se faire comprendre.
Bien sûr, TikTok est à l’extrême opposé de cela. Je ne l’utilise pas ni n’en maîtrise les codes. Et c’est en cela que la prise de parole est compliquée aujourd’hui. C’est-à-dire qu’on navigue encore entre deux mondes.
Diderot, c’est certes un peu loin de nous. Mais à la fin du XXᵉ siècle, avant les médias sociaux, avant le smartphone, avant Internet, nous étions encore dans un monde où la quantité d’informations donnait du pouvoir, alors qu’aujourd’hui, c’est bien la manière dont vous allez délivrer une information, donc la capacité à la prise de parole et à avoir un impact qui va vous donner du pouvoir.
Pourquoi bien prendre la parole en public est-il difficile ?
Prendre la parole demande de se positionner de manière volontariste. Prendre la parole c’est prendre sa place.
Avant mai 68, la prise de parole était réservée à certains, mais depuis lors, n’importe quel manager ou collaborateur dans n’importe quelle réunion de service se trouve en situation de devoir prendre sa place et de prendre la parole.
À l’école, on nous apprend une fable de La Fontaine ou la vie de Jules César. Puis un professeur m’interroge et nous récitons notre leçon. Prendre la parole est un exercice totalement différent, il s’agit de parler en tant que personne. Quand je récite la leçon sur Jules César, je restitue juste un savoir appris par cœur.
En France, depuis 2021, a été instauré un exercice de grand oral au bac. Au début, il était supposé devoir se faire sans pense-bête, sans papier, sans slides.
Tout pense-bête ligote l’orateur et va l’empêcher d’être impactant. Pour avoir un impact, il faut être dans l’impulsion et non dans la restitution.
Vous écrivez que prendre la parole en public est toujours conditionnée par le trio émetteur récepteur et contexte. Que voulez-vous dire ?
pour oser prendre la paroleOn entend parfois des orateurs qui parlent pour eux-mêmes et se font plaisir. L’auditoire ne les comprend pas, il a du mal à suivre. Même si ce sont de grands experts. Jusqu’à la fin du XXᵉ siècle, l’orateur était en position de pouvoir, du fait que la parole publique était rare et réservée à certains. Dans le monde contemporain, c’est à l’orateur de devoir faire l’effort de se faire comprendre par son auditoire.
Également, en tant qu’ancienne journaliste, il m’apparaît que le contexte influe beaucoup sur les attentes de l’auditoire. On l’a vu par exemple pendant la séquence du Covid.
Le contexte de la crise
J’ai beaucoup travaillé à ce moment-là avec des managers qui me disaient qu’ils n’arrivaient plus à se faire entendre de la même manière. Le contexte de crise impactait les différents membres des équipes qui, du fait de la crise, réagissaient différemment.
Je constate aussi que quand quelqu’un, par exemple, va raconter ses vacances à son meilleur ami ou à son collègue de bureau, il va s’adapter au contexte, au lieu, aux moments, à l’ambiance. Et il ne racontera jamais ses vacances de la même manière.
C’est cela le trio émetteur, récepteur et contexte.
Vous démontez ce que vous appelez le mythe du charisme. Que vous voulez-vous dire par là ?
Quand je parle de mythe du charisme, c’est quand on croit qu’il y a des gens qui sont doués pour la prise de parole.
Or, je pose le principe qui est que la prise de parole est une compétence comme une autre, comme le piano, la guitare, le football ou le tennis. Certains sont peut-être effectivement plus doués que d’autres au départ. Tout le monde ne deviendra pas champion à Roland Garros.
Mais dans ma pratique professionnelle, ce qui compte, c’est de faire en sorte que chaque manager, dirigeant ou élu qui se trouve face à un public se fasse entendre de la bonne manière.
Donc il ne s’agit pas pour moi de travailler sur le développement d’une personnalité. Je me base sur les mots, sur la structure narrative, le registre lexical et c’est pour cela que j’ai créé une méthode.
Avec cette méthode, vous allez pouvoir apprendre et en apprenant, vous ferez baisser le stress. L’apprentissage vous donnera les codes, les processus de construction d’une prise de parole efficace.
Ceux qui veulent mobiliser des foules entières veulent qu’on les adore. Pour moi, ce n’est pas le sujet. C’est en cela que je parle d’un mythe, du mythe du charisme.
Vous parlez de glossophobie, qu’est-ce donc ?
C’est la hantise de prendre la parole en public qui touche la très grande majorité d’entre nous. C’est une situation dans laquelle on se rend compte du regard de l’autre, de son jugement.
Quand je discute au restaurant avec mes amis, les échanges se font facilement. Quand je prends la parole dans une réunion, normalement, les autres s’arrêtent de parler et les regards se tournent vers moi. Et on m’écoute. Et de ce fait, je sens ce regard des autres sur moi. C’est ça qui, de mon point de vue, est la cause première du stress.
Vous parlez d’un double jugement sur soi et ce qu’on dit. Comment s’y soustraire ?
On ne s’y soustrait pas, on le contourne.
Quand j’accompagne mes clients, je travaille toujours avec des enregistrements audio et vidéo. Très souvent, je me rends compte que les gens ne savent pas dire ce qu’est une bonne et une mauvaise prise de parole.
Ceux qui s’aiment bien, pour simplifier, trouvent qu’ils parlent bien et pour ceux qui ne s’aiment pas, c’est l’inverse. Mais la réalité est beaucoup plus subtile que cela.
On peut ne pas aimer du tout, par exemple, une personnalité politique pour laquelle on ne votera jamais, et trouver qu’elle a une prise de parole tout à fait efficace. À l’inverse, quelqu’un que j’aime bien, avec qui j’adhère, peut parfois passer complètement à côté.
Mon travail consiste à inculquer les critères objectifs de performance verbale et non verbale. C’est cela qui va permettre à l’apprenant de maîtriser l’exercice de prise de parole.
C’est cette maîtrise de l’exercice qui permet de faire baisser le stress. Il ne s’agit ni de s’y soustraire ni de le combattre, mais de le contourner, de faire autrement.
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