Transparence et confiance dans les médias sociaux
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La transparence est un des éléments clés dans la confiance dans les médias sociaux et l’influence marketing. Lors de la dernière conférence Reech, en ce début d’année 2023, j’ai rencontré Alain Hazan de chez TAoMa Partners. Alain est un avocat spécialisé dans l’influence marketing. Je l’ai interviewé sur la place de la transparence dans les médias sociaux, un sujet crucial. À l’heure où certains influenceurs sont montrés du doigt, l’étau se resserre. C’est pour autant un domaine moins abouti que ce que l’on pourrait croire.
Transparence et confiance dans les médias sociaux
Pourquoi se spécialiser dans l’influence ?
AH. Je suis avocat associé du cabinet TAoMA Partners, un des premiers cabinets à avoir réuni deux professions différentes. Les avocats d’un côté et les conseils en propriété industrielle de l’autre.
J’enseigne depuis longtemps le droit de la publicité que je pratique depuis plus d’une trentaine d’années. Avec l’une de mes associées, Gaëlle Loinger, on s’est intéressés à l’influence marketing et nous en avons fait une spécialité.
La transparence dans les médias sociaux, c’est facile, il suffit de dire qui on est et pour qui on travaille
Andy Sernovitz
Influence marketing : un travail pluridisciplinaire
Il fallait aussi faire appel à d’autres professionnels dans ce secteur pour compléter nos connaissances. Nous nous sommes donc tournés vers une fiscaliste, un expert-comptable, une experte en droit du travail. Bientôt, nous allons adjoindre une société de communication de crise à notre équipe.
Notre « vertical » a été surnommé la fabrique du droit des acteurs de l’influence marketing.
On y réfléchit à aux nouvelles problématiques du secteur et il y en a beaucoup. Il y a des textes de loi en préparation sur le sujet, il y a eu un peu de jurisprudence. Beaucoup de questions se posent sur comment on paye un influenceur. Ou comment on contracte avec un influenceur, qui est responsable de ses prises de parole, etc.
Transparence et confiance dans l’économie numérique : état des lieux législatif
AH. Il y a eu une fameuse émission Complément d’enquête sur France Télévisions en septembre 2022. Elle portait sur une partie assez bruyante des influenceurs. Ils sont 200 ou 300, issus du monde de la téléréalité. Leurs pratiques sont un peu douteuses, voire illicites, on parle même d’escroqueries et de contrefaçons. Cela a fait couler beaucoup d’encre. D’ailleurs, les propositions de loi dont je parlais sont issues de cela.
Une prise de conscience pourtant ancienne
Mais sur la question de la transparence, ce n’est pas vraiment cette émission qui a réveillé les esprits et qui a fait prendre conscience aux gens qu’il y avait des choses qui n’allaient pas dans le domaine de l’influence marketing. C’est une prise de conscience qui a eu lieu beaucoup plus tôt, je crois, dans les années 2009-2010*.
À l’origine, c’est la direction générale de la concurrenceLa notion même de marché B2B ou B2C est au cœur de la démarche marketing. Un marché est la rencontre d'une offre et d'une demande et de la répression des fraudes, la DGCCRF qui a remarqué un problème. Ils ont vu que des youtubeurs faisaient la promotion de jeux vidéo en citant des marques et en taisant le fait qu’ils avaient un lien entre eux-mêmes et les sociétés qui les payaient.
*NDLR Visionary Marketing milite sur ce sujet depuis 2009, d’abord dans le cadre de Socialmedia.org (né SMBC), puis celui de Media Aces.
La publicité déguisée, l’inverse de ce que doit être une vraie publicité
Le droit français a horreur de la publicité déguisée
C’est normal, parce qu’on trompe le consommateur. C’est le contraire de ce qu’est ce que doit être une publicité, à savoir quelque chose de loyal.
Quand on ne dit pas à une personne que ce qu’elle est en train de lire n’est pas forcément objectif, car c’est le fruit d’une rémunération, en argent ou en nature, c’est déloyal.
Une distinction déjà ancienne
Cette distinction existe dans le droit de la publicité depuis longtemps.
Si vous regardez un magazine papier, vous voyez de temps en temps cette mention « publi reportage ». Cela vient d’une loi de 1986 qui a fait cette obligation aux éditeurs de bien distinguer ce qui relève du contenu éditorial et de la publicité.
Ensuite, les mêmes dispositions se sont appliquées à la radio, et la télévision. Le décret de 1992 prévoit bien que la publicité clandestine doit être bannie de toutes les émissions.
On n’a pas le droit de citer des marques dans les médias parce que la publicité doit être circonscrite aux plages publicitaires. Après l’arrivée d’Internet, en 2004, le législateur s’est emparé du sujet dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique. Celle-ci a établi que l’on doit explicitement dire pour le compte de qui on fait de la publicité.
Après les premiers textes, les sanctions
Puis sont venus des textes sur les pratiques commerciales trompeuses, sur la publicité mensongère, assortis de sanctions
Après les lois de 1986, 1992 et 2004 sont venus les textes assortis de sanctions
Ces textes sont venus ajouter que cacher la nature publicitaire d’un message ou masquer le nom du commanditaire s’apparente à de la publicité mensongère. Cela est donc répréhensible.
S’il y a un véritable texte de loi sur la transparence, où le trouve-t-on ?
AH. On trouve cela dans les articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation. C’est un texte assez ancien qui trouve ses racines dans les années 60 et 70. Il a été réformé plusieurs fois et dans ses dernières versions, il prévoit même des listes de comportements qui nous intéressent.
À savoir le fait d’utiliser un contenu rédactionnel dans des médias pour faire la promotion d’un produit ou d’un service, alors que le professionnel a financé celle-ci lui-même sans l’indiquer clairement dans le contenu ou à l’aide d’images ou de sons clairement identifiables par le consommateur (voir le texte en référence en fin d’article).
Tout était déjà prévu par les textes.
Il faut rajouter à cela le travail des organisations professionnelles et en premier lieu l’ARPP. Elle a fait depuis longtemps un travail complémentaire de recommandation. C’est dans son intérêt et celui de ses membres d’offrir au public une position claire sur la question.
Si la loi est ancienne, pourquoi tant d’abus ?
AH. Pour que les voleurs soient rattrapés par la police, il faut que la police, en l’occurrence la DGCCRF, ait des moyens. C’est un organisme qui dépend du ministère de l’Économie, il faudrait que cette DGCCRF puisse surveiller ce qui se passe sur les réseaux pour remédier au problème.
L’ARPP fait aussi la police par rapport à ses membres et donc de ses membres qui sont des marques ou des agences de publicité. Comme toutes les organisations professionnelles, elle met en place une autodiscipline avec tout un système de sanctions.
Et puis, on pourrait se dire que naturellement, le public va perdre la confiance si la transparence et l’honnêteté font défaut dans cette relation entre marques et influenceurs.
Alors, où en sommes-nous vraiment de ces défauts de transparence ?
AH. Je pense que nous sommes dans une voie intermédiaire.
Il y a beaucoup de marques qui respectent, et quand elles ne le font pas c’est affligeant. Mais j’ai tendance à croire que les gros annonceurs prennent ce risque de plus en plus rarement.
D’abord parce que très souvent, ces annonceurs font partie d’organisations professionnelles comme l’ARPP ou l’Union des marques, qui sont des associations qui mettent en place ces recommandations et attendent de leurs membres qu’elles les respectent.
Par ailleurs, il y a de plus en plus de « name and shame » et les marques n’ont pas envie de se faire prendre la main dans le sac.
Le secteur de la publicité et des grandes marques a bien pris conscience que le côté attractif de cette confusion des genres qui intéressait les gens dans les années 2000 était finalement une mauvaise pratique.
Un problème en voie de disparition, mais encore présent
Toutefois, quand je discute avec Mohamed Mansouri de l’ARPP, je sais qu’il reste toujours très vigilant sur ces questions de transparence. C’est encore une préoccupation. L’ARPP rencontre encore des influenceurs qui ne respectent pas la règle.
L’ARPP travaille avec Reech pour vérifier si leurs recommandations sont appliquées, et il y a un pourcentage relativement important de cas où cela ne l’est pas
Cependant, il y a des signes encourageants. Au-delà de la transparence, pour l’ensemble des recommandations de l’ARPP, le taux de messages non conformes est passé de 36 à 9 %.
En tout cas, j’ai confiance dans le fait que la situation va s’autoréguler. Car les marques ne voudront pas être montrées du doigt. Et les influenceurs ne voudront pas perdre leurs communautés et être discrédités.
En conclusion, une note optimiste, mais encore du travail
Alain a donc clos cette interview sur une note plutôt optimiste. Notre pratique du terrain, y compris dans le B2BEn réalisant ce glossaire Visionary Marketing s'est heurtée de front à un problème de taille : faut-il écrire BtoB ou B2B ?, ne fait pas ressortir une énorme prise de conscience toutefois et nombreuses sont les fois où il faut expliquer les évidences à la fois à des marques ou des influenceurs. Notons néanmoins une encourageante prise de conscience, qui n’en est cependant pas encore au niveau de ce que nous avons connu aux USA dans le cadre de Socialmedia.org (et de Media Aces en France en son époque), il y a désormais près de 15 ans.
Note de référence
En référence à ce qui précède, voici un extrait du texte L 121-2 cité par Alain.
Détails du texte
Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :
1° lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;
2° lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :
a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, notamment au regard des règles justifiant l’apposition des mentions « fabriqué en France » ou « origine France » ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l’Union sur l’origine non préférentielle des produits, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;
c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix notamment les réductions de prix au sens du I de l’article L. 112-1-1, les comparaisons de prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;
Le service après vente
d) Le service après-vente, la nécessité d’un service, d’une pièce détachée, d’un remplacement ou d’une réparation ;
e) La portée des engagements de l’annonceur, notamment en matière environnementale, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ;
f) L’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;
g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;
3° lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n’est pas clairement identifiable ;
4° lorsqu’un bien est présenté comme étant identique à un bien commercialisé dans un ou plusieurs autres États membres alors qu’il a une composition ou des caractéristiques différentes.
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