Linkedin vs. Viadeo et Xing le déclin et la loi de Zipf
La sélection du jour est double : d’une part cet article de Tamas Banki, alias Dr LinkedIn, un consultant qui vend de la publicité sur LinkedIn (d’où le nom, et d’où l’article …) et d’autre part, cet autre article des Echos, plus financier celui-là, sur la descente aux enfers (non terminée) du titre Viadeo. D’où ma question : un champion français (ou allemand …) des réseaux généralistes B2BEn réalisant ce glossaire Visionary Marketing s'est heurtée de front à un problème de taille : faut-il écrire BtoB ou B2B ? peut-il encore exister ?
LinkedIn Viadeo et Xing : le déclin des réseaux sociaux locaux B2B est-il définitif ?
Les apparences peuvent-elle être encore trompeuses ? Les chiffres issus de l’infographie de Tama Banki (ci-dessous et en ligne sur infogr.am) laissent peu de place au doute. Les réseaux locaux généralistes, y-compris Xing, sont morts. Mais est-ce definitif ?
Nous avions déjà posé cette question il y a quelque temps sur ce blog, et la réponse, à l’époque (2011), était très différente. Pour nous, on enterrait Viadeo trop vite, et il suffisait de regarder le succès de Vkontakte en Russie pour voir qu’un champion local pouvait encore exister. Ce n’est sans doute plus le cas aujourd’hui, on peut le déplorer, et l’action Viadeo (les Echos recommandaient de ne pas participer à l’IPO) sont indiquées par le grand journal économique français comme valeur intéressante … uniquement à titre spéculatif eu égard à sa très faible valeur.
Quel gâchis ! Lorsqu’on pense que LinkedIn avait complètement raté son lancement en France … en oubliant de traduire son interface en français… un comble quand on pense que son CTO (et co-fondateur) à l’époque était français ; il a quitté la start-up au moment de son IPO en même temps qu’un autre co-fondateur allemand (Konstantin Guericke).
Pourtant, Viadeo n’a pas su profiter de son avantage linguistique. Plus que cela, et encore aujourd’hui, la plateforme française, qui avait une bonne longueur d’avance sous son nom initiale « Viaduc » dès 2006, est seule à proposer un CV bilingue anglais/français à ses utilisateurs. Pratique et original … et en même temps une sacré contrainte qui oblige l’utilisateur à maintenir deux fichiers.
Presque 10 ans plus tard et 12 ans après la création de LinkedIn, autant dire une éternité, le paysage a changé et s’est stabilisé autour d’une traditionnelle loi de Zipf (1 champion, 1 challenger, 1 figurant … et le reste du monde dans une longue traîne avec des acteurs de niche en Russie et en Chine – même si la niche chinoise est potentiellement très grosse …). En soi, rien de choquant. Tous les marchés de l’Internet finissent ainsi (et même en dehors de l’Internet). Alors pourquoi expliquer que les marchés russes et chinois restent si différents. J’avancerais la langue et la culture comme raisons principales, dans des pays qui gardent suffisamment de spécificité et d’indépendance culturelles par rapport au monde occidental américanisé. Ce qui, n’en déplaise à certains, n’est plus vraiment le cas ici. L’écriture est également une barrière non négligeable. Si vous êtes capable de lire – sans les comprendre – des langues slaves comme le Polonais ou le Tchèque, le Russe reste entièrement hermétique aux personnes non initiées au Cyrillique. Nous n’avons pas ce problème.
Les dernières années de Viadeo et Xing ?
Il est fort à parier donc que Viadeo – et nous le regrettons fortement – vive ses dernières années. Et sans doute que Xing – qui bénéficie de la plus forte résistance du monde germanophone – même avec un lectorat plus faible (les chiffres de l’infographie sont trompeurs car ils doivent inclure des chinois et des russes qui font grossir la masse mais ne constituent pas une masse comparable vu que Xing s’est retiré des marchés non germanophones) mais plus soudé, pourra-t-il survivre plus longtemps en l’état.
Sans doute que le salut pour Viadeo tiendrait dans la mise en œuvre de la stratégie que recommandait son concurrent Reid Hoffman il y a quelques années (et dont je ne peux hélas retrouver la source) : en substance, il disait qu’il n’y avait plus de place pour les réseaux généralistes mais qu’il en restait encore pour des réseaux de niches. Si LinkedIn va en effet truster tous le marchéLa notion même de marché B2B ou B2C est au cœur de la démarche marketing. Un marché est la rencontre d'une offre et d'une demande de la recherche d’emploi et du networking des 5-10 prochaines années dans les domaines internationaux/High-Tech/haut de marché … quid des employés, des emplois locaux, des artisans et des métiers manuels spécialisés, des emplois publics et para-publics etc.
Il y a encore une place à prendre pour ces marchés à mon avis et pour créer un réseau social qui s’éloigne de ce que propose LinkedIn en regroupant les publics qui ne peuvent logiquement se retrouver dans la promesse du réseau américain… avant que l’idée ne lui vienne et qu’il s’adapte à ce marché rapidement. Ce n’est bien entendu qu’une idée, mais elle me paraît plus jouable que d’essayer de rattraper ce qui est devenu irrattrapable.
Extrait de l’article des Echos
D’après Maxime Dubreil, analyste financier chez Invest Securities, en France, Viadeo devrait réaliser un chiffre d’affaires de 28 millions d’euros en 2014, puis 31 millions en 2015 et 38,5 millions en 2016. L’excédent brut d’exploitation, nul l’an passé (-0,1 million), passerait dans le vert cette année (+0,6 million) puis se hisserait à 4,9 millions en 2016. Sur ces bases, Invest Securities estime Viadeo France à 90 millions d’euros (9 euros par action).
VIADEO : Viadeo, une valeur massacrée, un pari à prendre
16/01/15 à 13:39 – Investir.fr 0 Commentaire(s)
Le réseau social, introduit en Bourse à 17,1 euros, ne vaut plus que 4 euros. Plusieurs annonces pourraient enclencher un rebond cette année.
Le réseau social professionnel n’en finit plus de chuter, avec une glissade de 35% ces cinq derniers jours et de 76% depuis l’introduction en Bourse à 17,1 euro il y a six mois. Des actionnaires historiques maintenant libérés de leur engagement de conservation pèsent sans doute sur le marché. L’ouverture du capital de la filiale chinoise Tianji pourrait faciliter un rebond, en montrant sa valeur malgré ses pertes. Rappelons que cette opération pourrait intervenir cette année ou début 2016, et non plus en 2017.
via VIADEO : Viadeo, une valeur massacrée, un pari à prendre, Avis d’experts – Les Echos Bourse
« quid des employés, des emplois locaux, des artisans et des métiers manuels spécialisés, des emplois publics et para-publics etc. »
leboncoin.fr est très bien positionné sur ce secteur il me semble…
En effet, Leboncoin remplit en partie ce besoin mais n’est pas spécialisé et en outre ils mélangent un peu tout à la « Craig’s list ». Enfin, ce n’est pas vraiment un réseau social mais plutôt une place de marché. L’un n’empêchant pas l’autre.
LinkedIn permet également le profil en 2 langues, et plus simplement que sur Viadeo.
Quant à la chute de Viadeo en bourse, rien de surprenant. Je l’ai écrit à l’époque de l’introduction (http://business-on-line.typepad.fr/b2b-le-blog/2014/06/la-france-vache-a-lait-de-viadeo.html) et après avoir lu dans son intégralité le rapport qu’ils avaient remis à l’AMF (Autorité des Marchés Financiers), Viadeo indiquait : « le Groupe n’a pas engagé d’action de monétisation concernant les 27 millions de membres répartis dans le reste du monde ». Sur une autre page de ce rapport, le trafic de Viadeo varie de 40% à quelques lignes d’intervalle. De plus, après quelques calculs, on comprenait que le réseau vivait de quelques 220 000 clients ayant un abonnement payant, sur… 65 millions d’inscrits officiels! Rien de très encourageant.
Les erreurs de Viadeo sont nombreuses, notamment d’avoir voulu garder un business model payant face à un gros américain gratuit. Je pense que l’une des erreurs principales est surtout de n’avoir longtemps pas compris leur concurrent ni qui ils étaient. En effet, d’une part Viadeo a longtemps (très longtemps) considéré que LinkedIn était payant et plus cher (alors que LinkedIn a toujours été gratuit). D’autre part, Viadeo a mis longtemps à comprendre (comme le dit si justement l’article) que c’était un réseau de TPE/PME.
Cyril Bladier
Merci Cyril de ces intéressantes précisions et merci aussi pour la dernière version du bouquin.
Je te contacte par message privé pour qu’on fasse une interview video.
J’ai vraiment été étonné pour ma part que Viadeo ne comprenne pas que ce qui était décisif, c’était sa capacité à agréger des contenus de qualité autour de ses fonctions centrales (trombinoscope, CV-profil, forums). Le fait que les membres ne puissent pas aussi facilement que sur Linkedin partager leurs contenus (blogs, tweets, articles intéressants) m’a tout de suite paru rédhibitoire. La page Viadeo est vide comparativement à la page LinkedIn, et le web – comme la nature – a horreur du vide. Autre point frappant : Viadeo – comme LinkedIn – ne sont guère innovants, que ce soit en terme d’usages ou en terme d’animation communautaire. LinkedIn devra nécessairement s’ouvrir davantage à l’innovation, sous peine de perdre son leadership et donc de disparaître à son tour.
Très bien vu. Linkedin avec pulse est devenu encore plus qu’avant une plateforme de contenus. C’est tres reussi.
Merci Yann pour cet article intéressant.
La capitalisation boursière est aussi un autre « bon » moyen de comparer les écarts entre ces 3 réseaux sociaux professionnels:
A la date du 03/02/2015:
Viadeo: 53 millions d’euros
Xing : 590 millions d’euros (soit 11 fois Viadeo)
Linkedin : 24,47 milliards d’euros (soit 461 fois Viadeo !!!)
Bonjour et merci Rapahel de cette précision très intéressante. Bien à vous et bonne journée.
Merci Yann pour cet article (j’adore l’analogie avec la loi de Zipf 😉
Au-delà de la technique (cf. comparer la 2 CV avec une 508) Viadeo a 2 points faibles : 1) le niveau de débats est trop souvent limité à de la présentation commerciale frontale 2.1) le nombre de revues en ligne qui ont un bouton LinkedIn mais pas Viadeo est important et 2.2) pour celles qui ont les 2 (ex. Les Echos) le nombre de clics entre LinkedIn et Viadeo est révélateur de l’influence de chacun de ces 2 réseaux sociaux professionnels.
Viadeo s’est en fait endormi sur ses lauriers quand LinkedIn n’était disponible qu’en anglais jusqu’au 25 novembre 2008… début du déclin à pente douce (au départ) et aujourd’hui c’est l’Alpes d’Huez 🙁
Merci Jean Philippe. En effet c’est une pente de plus en plus raide.
D’autant plus surprenant d’avoir coupé Scoop.it. Cela n’aurait rien changé auprès du grand public, mais ce n’était bon signe pour les community managers et autres pros du contenu
Je dois avouer que ça m’était passé complétement au-dessus de la tête, vu qu’à la base je l’utilise de moins en moins. A l’inverse de scoopit justement qui a pris une place très importante dans le monde de la veille informationnelle