Réflexions (à froid) sur la Fatigue Facebook et Facebook Home
Je vous livre ici quelques réflexions sur la fatigue Facebook. Il est triste de voir qu’un vieil outil est en train de mourir, et quand cela arrive, une séquence nostalgie s’ouvre … En essayant de mettre un commentaire sur le blog de Gregory Pouy qui est un des survivants de Typepad (dont je fus client, ainsi que de Movable Type, d’où la séquence nostalgie), et n’y arrivant pas, je me suis résolu à ajouter ce commentaire sur mon propre blog. Car il est tentant de toujours réagir à chaud à l’actualité, même s’il est bénéfique de savoir se hâter lentement (Festina Lente puisque nous sommes dans les citations, d’Auguste cette fois-ci, par la bouche de Suetone).
“La chouette de Minerve* ne prend son envol qu’à la tombée de la nuit” Hegel
Réflexions (à froid) sur la Fatigue Facebook et Facebook Home
Dans un article publié la semaine dernière au beau milieu de la folie Facebook Home – qui semble avoir été exterminée par l’affaire Cahuzac et achevée par la mort de Thatcher … Ah ! le temps médiatique ! – Gregory analyse lancement de cette nouvelle “page d’accueil” mobile en expliquant qu’elle se justifie par la “Facebook fatigue” (un thème mémétique). Or, j’ai écrit, il y a quelques mois, qu’il n’y avait pas de Facebook fatigue. J’ai donc dû me tromper.
à moins que …
[image tirée du blog de la HBR – du 26 Février 2008, traitant de la Facebook Fatigue]
Facebook ou Social Media Fatigue ? …
Je suis partagé sur cette histoire de « Facebook fatigue ». Greg avance que la publicité en est la raison, mais si nous devions jeter les services qui nous pourrissent de pub, on arrêterait immédiatement d’utiliser Google et Yahoo! mail pour commencer. OK, il y a une légère baisse d’utilisateurs Facebook (attention il y a des variations de mois en mois à cause des purges de faux comptes) mais je ne vois pas encore de challenger émerger. L’ouverture d’AppUne application mobile B2B offre la possibilité de moderniser les opérations interentreprises, avec une courbe d'apprentissage minimale..net s’est faite dans la discrétion la plus totale (on peut le déplorer, je le déplore moi-même), car l’investissement pour recréer un environnement de type Facebook sur un autre service est un fardeau trop lourd pour l’utilisateur… jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle révolution, ce qui finira bien par être le cas… un jour.
En attendant, ce n’est pas le cas … et Jérôme Tyerninck, fondateur de Smartrecruiters à San Francisco annonce fièrement déjà recevoir 40% de demandes via les médias sociaux. Dans cette passionnante interview (voir la fin de l’article), il explique aussi pourquoi c’est Facebook, et non LinkedIn, qui est considéré comme l’espace de vie des utilisateurs lambda… et pas seulement : c’est aussi le moyen de se connecter à tout et n’importe quoi. C’est l’effet plateforme, qui fait vraiment la force de Facebook. Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, et bien que je n’utilise pas beaucoup Facebook proprement dit, le Facebook connect est devenu mon Single Sign-on, à tel point que je suis connecté toute la journée via mon navigateur Firefox ! Alors, oui ! je passe moins de temps, voire pas du tout, sur mon mur, mais Facebook devient ma plateforme universelle. C’est imbattable (imaginez les données marketing et le chiffre d’affaires qui en découlera – je parle des données statistiques légales, et non des données personnelles).
Si la pub est la raison de la fatigue, Google+ va faire un carton … euh !
Tiens, prenons Google + – qui n’a pas de pub – ne fait pas vraiment flores et est un désert de partages (et encore, je l’utilise beaucoup, donc on ne peut pas m’accuser de mauvaise foi). Alors, peut-être devrions nous parler de Social Media Fatigue … Il est vrai que Brogan a déjà réglé son compte au Web social : qui est devenue “ch….t” selon lui.
En tout cas, que Facebook devienne une plateforme de pub et cherche à dominer le monde (et Google) ne me surprend pas. C’est leur but. Et ils ont plutôt su jouer de la pression publicitaire pour générer 4 milliards $ en 2 ans, en partant de rien, sans trop perdre de monde. Finalement, ce n’est pas si mal, pour de la fatigue !
Mobile first : en avant toute !
Le vrai challenge en fait, c’est que FB a la pression (boursière) pour devenir une « mobile first company » et qu’il fallait qu’ils frappent fort. Ils ont déjà amélioré leur app et ça ne suffit pas (en fait elle change tout le temps, ils ont compris le message). Alors ils ont fait un « coup » marketing en sortant du cadre et en proposant quelque chose qui n’est ni un OS ni une app, ni une Web app. Et Greg l’a dit : “l’annonce d’un Facebook Phone a fait courir les plus folles rumeurs”. Donc c’est plutôt réussi pour l’instant.
Les pays émergents sont-ils une cible possible pour Home ?
La question suivante, c’est « est-ce que ça va marcher ? » J’étais d’accord avec Gregory pour dire que – à première vue – le « sweet spot » serait plutôt les pays émergents où Facebook est considéré comme essentiel (et donc pourrait venir étouffer Android), si l’on en croit cette histoire de Facebook Fatigue, mais l’image de la HBR ci-dessus peut provoquer un tant soit peu de réflexion …
sauf que cette histoire de pays émergents ne tient pas vraiment …
Sur les marchés émergents, ce sont surtout les “feature phones” (téléphones classiques à touche) qui dominent ; pour des raisons économiques évidentes. Le vrai challenge dans ces pays, c’est de passer au Smartphone, mais avec des matériels bien meilleur marchéLa notion même de marché B2B ou B2C est au cœur de la démarche marketing. Un marché est la rencontre d'une offre et d'une demande et avec – probablement – des OS ouverts de type Firefox, Tizen ou Ubuntu ou Sailfish ( voir mon rapport sur ZTE à Barcelone en Février). C’est clairement le marché pour ces téléphones là, bien que j’aie été très déçu (et surpris) de la faible réception de la conf de Presse de Firefox/Ubuntu/Sailfish où les présentations n’étaient d’ailleurs pas de qualité (trop tautologiques : on est open parce qu’il faut être open … c’est un peu faible). D’ailleurs, je n’ai pas couvert cette conférence de Presse, mais je vais peut-être y revenir maintenant que l’oiseau de Minerve etc. etc.
Il y a mieux … mais moins spectaculaire
Donc tout cela ne me paraît pas, finalement, illogique. Si je suis franchement sceptique sur le fait de prendre la main sur le Smartphone de l’utilisateur et d’essayer de lui aspirer tout son temps de surf, cela ne veut pas dire que l’objectif à court terme n’est pas atteint par Facebook. Au contraire. Et le temps médiatique étant ce qu’il est (1 à 2 semaines), nous aurons vite oublié … Pas sûr qu’on ait même encore l’occasion d’en parler dans notre livre qui sortira en Juin … d’ici là tout le monde aura zappé.
Il y avait sans doute d’autres manières de faire. Comme Rockmelt (hélas défunt sur PC) et Yoono (Firefox) qui permettent de maximiser la connexion Facebook, sans intrusion.
… mais cela aurait été beaucoup moins spectaculaire.
- Pour lire l’article de Gregory Pouy du 05/04: “Facebook Home: contexte, enjeux et implications pour les marques”
à propos de Hegel
* en Allemand : “Die Eule der Minerva beginnt erst mit der einbrechenden Dämmerung ihren Flug” G F Hegel, Fondements de la philosophie du droit. La Chouette, emblème de Minerve (Athena chez les Grecs) est l’oiseau de la sagesse. La phrase veut dire que ce n’est qu’avec le recul que l’on comprend l’Histoire … une phrase que beaucoup de journalistes ont oublié de lire, hélas.
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Merci de me faire découvrir app.net ! Je n’en avais pas du tout entendu parler. Leur philosophie est intéressante !
je vais t’inviter. C’est un sujet que j’ai déjà couvert en 2012 sur http://visionarymarketiing.wordpress.com . Voir l’interview du fondateur Dalton Caldwell.
Je partage complètement ton point de vue. Je ne suis pas du tout convaincu de cette Facebook fatigue, et quant à Home, ça me fait plus penser à un hack qu’à la fonctionnalité principale de Facebook sur mobile. Laissons le temps au temps comme disait tontn…
🙂
Dalton nous avait bien vendu App.net : élitisme, qualité, pas de pub et donc un réseau fermé payant. Le retour aux origines de la philosophie de Twitter perverti par la pub et le nombre d’utilisateurs.
Moins de 6 mois après ils ouvrent le service à la gratuité (connexions limitées) et il ne se passe pas grand chose dans la communauté…
Survendu ?
Facebook va être dur à remplacer …
Billet particulièrement intéressant et j’adore pouvoir débattre.
Je pense que cela méritait un billet;
J’aurais l’occasion de répondre bientôt dans un billet également car la réponse serait trop longue et n’est pas totalement construite dans ma tête.
En 2 mots le titre de la note serait sans doute:
Home: Point de départ de l’abandon des médias sociaux.
(je ne parle pas de l’abandon de Facebook mais du vivons heureux vivons cachés ».
Ca me semble compliqué tant nous nous sommes habitués à partager mais j’ai envie de réfléchir dans ce sens en lien avec la tribune que j’avais publié au Figaro et l’article plus loin dans le livre de l’EBG
Et pour te donner rainson, je me connecte via Facebook pour laisser ce commentaire 🙂
Ça me rappelle un billet écrit il y a un peu plus d’un an où Hervé Kabla et moi échangions sur la fin des médias sociaux. Mais en fait, je pense que ce qui est mort c’est le bon vieux Web 2.0 son esprit de partage, son ‘whuffie’ factor … Reste une nouvelle forme de publicité mais c’est de la publicité. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas intéressant ni même que le marketing du bouche à oreille n’a plus lieu d’être. À contraire.
Cela signe tout simplement la mercantilisation de ce domaine, exactement comme je l’ai vécu à la charnière des années 99-2001.
La suite des explications dans notre livre en juin 2013.
Attention aux effets de mode : les blogs donnés morts tous les ans depuis leur arrivée médiatique en 2005, sont toujours là. Les usages ont simplement changé comme l’explique très bien cet article récent de Visionnary : http://bit.ly/SQwBrE 😉
Fluctuât nec mergitur pour continuer avec les citations. C’est la guerre, FB va morfler mais il n’est pas encore mort…
Facebook ne mourra pas plus que Yahoo ! Voir mon article sur innovation generation. Nous traitons abondamment de la fausse mort des blogs dans notre futur livre aussi.
Bonjour Yann,
tu ouvres une voie de réflexion intéressante en établissant une relation entre la fin de l’esprit de partage et la mercantilisation. Il faut sans doute chercher une pseudo social-fatigue de ce côté là. les cycles sont récurrents sur le web entre l’émergence d’une plateforme, l’enthousiasme des early adopters, la récupération marchande une fois la masse critique atteinte et la tendance entropique naturelle à suivre.
Pour Facebook, une étude comportementale pointue serait la bienvenue pour affiner toute critique. Quels usages au-delà du SSO ? A ce jour je n’ai pas trouvé d’étude vraiment convaincante pour élaborer une réflexion étayée au delà du seul empirisme et sa part de subjectivité.
Concernant G+, je suis agréablement surpris par les communautés. Pour le coup on retrouve la notion de partage très 2.0 et c’est plutôt agréable
🙂
Est-ce que cela va durer ? à voir.
Merci pour ton billet en tout cas
Merci Fabrice. Je trouve que les communautés sur G+ se sont déjà effritées.
Ceci étant, il paraît que dans la Silicon Valley il y a des gens qui l’utilisent (mais bon, c’est tellement grand et tellement spécifique !).
En discutant avec une agence hier, le responsable me disait que son sentiment était que Google allait se retirer à nouveau, et il disait cela suite au départ de tous les responsables de la première heure de G+. C’est que la collaboration n’est vraiment pas dans les gênes de Google qui est devenu un pure player de la pub.
D’ailleurs, pour cet esprit 2.0, il est à mon avis complètement mort.
Bien amicalement.
Yann
Article intéressant. Je pense au contraire qu’il y a une « facebook fatigue ». Je ne peux pas généraliser à partir de mes 150 / 200 « amis » mais j’ai vraiment l’impression que les utilisateurs dans mon réseau se connectent moins et ne publient pas autant qu’avant. Après l’enthousiasme des débuts, la lassitude s’installe et on prend conscience de certains problèmes : gestion de la vie privé, aspect chronophage, manque d’intérêt aussi.
Vous utilisez le « Facebook connect »qui est devenu votre « Single Sign-on ». C’est très pratique mais cela ne vous dérange de donner autant d’informations à une entreprise ? Sans être paranoïaque, je n’ai pas envie que ces données soient exploitées ou qu’elles apparaissent dans le flux d’actualités. Je ne sais pas quel pourcentage de gens est prêt à accepter cela. Vous avez des données sur ce point ?