IT du futur aujourd'hui

Robotique : des attentes, des difficultés, peu de business

La robotique exerce un fort pouvoir de fascination, surtout auprès des journalistes. Mais elle a bien de la peine à sortir de la « vallée de l’étrange ». En fait, le robot humanoïde est une idée très ancienne : le concept même de serviteur créé pour assister l’homme était présent dans la mythologie juive avec le golem, et les automates existaient déjà avant 1500, notamment le chevalier mécanique de Léonard de Vinci. La robotique a depuis progressé dans les usines, mais semble tarder à émerger auprès du grand public. 

Robotique : des attentes, des difficultés, peu de business

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Est-ce le fait d’une contrainte technologique, alors que l’on ne cesse de miniaturiser les composants électroniques ? Y a-t-il un rejet naturel des humains à l’égard de machines qui leur ressembleraient trop ? Ou simplement le constat que la robotique n’a aucune utilité pour le grand public ? Un peu de tout cela certainement. La technologie actuelle ne permet de produire que des robots très spécialisés, aux tâches limitées, et un robot grand public aurait pour l’instant peu d’utilité en comparaison de son coût.

Note : ce billet a été publié pour la première fois en 2018

Robots humanoïdes : Magicien d’Oz et vallée de l’étrange

Même si l’IA progresse à grands pas, elle ne remplit pas encore ce que l’on attend d’un robot : reconnaître quelqu’un, tenir une conversation, apprendre un ordre simple, etc.

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Plus un robot ressemble à un humain, plus le malaise est fort. Un phénomène connu sous le nom de « vallée de l’étrange ».

Aucun robot construit pour remplir ces buts n’est jamais sorti de la vallée de l’étrange, zone de conception où le robot suscite davantage de malaise que d’admiration. L’exemple le plus curieux est le robot Sophia, devenu (e ?) citoyen d’Arabie Saoudite. Ses réponses, programmées et énoncées d’une voix monotone, sont parfois accompagnées d’un humour dérangeant et un court sourire crispé sous des yeux écarquillés qui rendraient le visage de stars botoxées parfaitement naturel. L’engouement qu’il y a eu autour de ce robot (à qui l’on posait des questions comme s’il était le chef suprême des robots) était curieux, bien qu’il démontrait l’intérêt du grand public pour le sujet. Mais cela a également hérissé la communauté scientifique, en particulier Yann Le Cun, qui compara ce spectacle au Magicien d’Oz.

« Un robot, c’est comme un smartphone »

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Rodolphe Gelin, accompagné du petit dernier de la famille Softbank Robotics : Romeo

Nous étions en toute fin d’année 2017 lorsque s’est tenue au 21e étage de la tour Montparnasse une conférence sur la robotique. Invité à cette occasion, Rodolphe Gelin, EVP chez Softbank Robotique, nous a partagé sa vision sur le sujet. Et la vision de l’entreprise autrefois nommée Aldebaran Robotics avant son rachat par le géant japonais SoftBank est « d’apporter les robots à la maison ». De l’aveu de Rodolphe Gelin, « on ne peut pas encore le faire aujourd’hui ». Le vrai problème n’est en réalité pas celui de la mobilité du robot ni de sa capacité physique à saisir et manipuler des objets. « Un robot, c’est comme un smartphone : sans application il ne sert à rien », explique Rodolphe.

Un casse-tête de programmation, avec des ressources limitées

Et programmer un robot est une tâche bien plus ardue qu’on peut le penser. Une équipe de l’INRIA a par exemple cherché à donner à Roméo, le dernier venu de SoftBank Robotics la capacité à saisir des objets sur un plateau mobile (voir ici une interview). Comment ne pas perdre l’objet des yeux ? Comment ajuster ses gestes aux mouvements de l’objet ? Lorsque l’objet s’éloigne, à partir de quand allonger le bras, bouger le corps, utiliser ses jambes ? Les programmeurs se retrouvent vite coincés dans des problèmes complexes, qui doivent être résolus avec peu de moyens technologiques, l’informatique des robots grand public étant volontairement allégée pour en  limiter les coûts.

Concrètement, cela marque de fortes différences avec les attentes d’un humain et ce qu’un robot est concrètement capable de réaliser. Par exemple, la chute : nous pouvons distinguer en une seconde si une personne tombe volontairement, s’agenouille pour refaire son lacet, ramasse un objet, etc., ou s’il s’agit d’une vraie chute. « Pour reconnaître une personne qui tombe, le robot va devoir regarder des milliers de séquences de personnes qui tombent pour reconnaître des paramètres comme l’angle, la vitesse, la direction, etc., qui indiquent que la chute est involontaire et que la personne a besoin d’aide. ».

À l’inverse, certains gestes vont être appris rapidement et répétés à la perfection : « nous avons appris à notre robot Pepper le bilboquet », explique Rodolphe. « Il lui a fallu 100 essais pour réussir pour la première fois. Dès lors, elle a réussi systématiquement sur tous les essais qui ont suivi ». On a hâte de voir les premiers robots basketteurs en action…

Des hommes, des robots et des barrières pour l’instant infranchissables

Lucide sur les limites actuelles de la robotique, Rodolphe identifie trois barrières qui limitent aujourd’hui la mise sur le marché auprès du grand public.

  • Le monde est hostile aux robots : les robots vont prendre notre travail, vont remplacer les humains ou les détruire, plus ils nous ressemblent et moins on est à l’aise… L’image que l’on a des robots est plus proche de celle de Terminator que du gentil petit Nao…

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    Nao, ancêtre de Terminator
  • Capacités limitées : l’informatique en premier lieu, puisqu’il s’agit de robots tous publics légèrement équipés. Mais également la capacité de se mouvoir avec rapidité et fluidité. La recherche progresse, mais les robots ont encore cette lourdeur et rigidité qui les caractérisent.
  • On attend beaucoup du robot, dont des capacités humaines : ce point, empiré par les 2 précédents, est certainement la principale barrière. Les robots ne fonctionnent pas comme nous. Ils n’ont pas de conscience et n’exécutent que ce qu’on leur demande. L’apprentissage est celui d’un robot et non d’un homme : désignez une bouteille de lait à un robot en prononçant « lait », et il pensera que l’action de pointer le doigt vers quelque chose s’appelle « lait ». L’homme est capable de personnifier à peu près tout, de son portable à sa voiture, et le robot créé à ce but n’échappe évidemment pas à la règle, bien au contraire.

À qui vendre de la robotique non encore fonctionnelle ?

C’est un sentiment étrange de voir que ces petits bijoux technologiques, qui sont à la pointe du savoir, sont difficilement commercialisables. Softbank Robotics a eu l’idée de créer Pepper (celui de la vidéo ci-dessus), un robot sur roues avec une tablette pour guider les clients dans un magasin ou un centre commercial, afin de rentabiliser son activité. Nao, le tout premier créé, a trouvé usage dans l’éducation, notamment pour les autistes, où sa patience illimitée et sa confiance programmée pour être inébranlable permettent d’aider l’enfant à communiquer. Romeo est pour l’instant davantage un concept de recherche et développement qu’un projet destiné à être commercialisé à court terme.

L’assistance aux personnes âgées est également un objectif : « évidemment, c’est mieux d’avoir des personnes physiques pour s’en occuper », précise Rodolphe. « Le robot sera davantage utilisé en complément, pendant les absences, etc. ». Consultées à ce propos, les personnes âgées tiennent à garder une indépendance : « je ne veux pas que le robot fasse ce que je sais faire », « il ne doit pas décider pour moi ». Le premier but du robot est donc d’assurer la sécurité de la personne (chute, oubli de prendre un médicament, assister les déplacements, détecter les objets sur le passage), maintenir la connexion (rappeler les gens, maintenir l’activité de la personne, faire des jeux cognitifs), aider dans la vie de tous les jours (passer l’aspirateur, laver la vaisselle, aider à s’habiller, etc.).

En bref…

La robotique est un sujet passionnant, mais sur lequel le grand public attend beaucoup et sans doute beaucoup trop. Or, recréer une réflexion et des attitudes d’humain est d’une complexité inouïe. Nous n’en sommes pas encore là, même si l’IA progresse à grands pas. La généralisation du très haut débit mobile permettra peut-être dans un avenir proche de centraliser l’intelligence du robot, lui permettant d’accomplir des tâches bien plus complexes tout en allégeant son informatique. Chercher à dépasser la vallée de l’étrange est également une curieuse idée, sachant que tout ce qu’il y a à gagner est la confusion entre robot et humain, ce qui n’est peut-être pas la bonne solution pour faire accepter la robotique au grand public.

Cédric Jeanblanc

Cédric is a Web Marketing consultant at Visionary Marketing. He was named "Rising Star of Content Marketing" by the Content Marketing Academy in 2017, he specializes in the production of multimedia content, feature articles, videos and podcasts. _________________________ Cédric est consultant en marketing Web chez Visionary Marketing. Il a été nommé "Rising Star of Content Marketing" par la Content Marketing Academy en 2017. Il est spécialisé dans la production de contenus multimédia, d'articles de fond, de vidéos et de podcasts. More »

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