Netflix et la personnalisation par l’IA : comment ça marche ?
Il est des marques comme Frigidaire, Airbnb ou Uber qui ont préempté leur catégorie. On ne prend plus un taxi, on prend un Uber. On n’ouvre pas le frigo, mais le frigidaire. De même, quand on parle de personnalisation client, on cherche à devenir le « Netflix de sa catégorie ». Explications avec Stéphane Suisse, CTO de notre client Star 5, un outil de comparaison de marques par l’intelligence artificielle.
La marque Netflix est emblématique, elle a marqué les esprits, elle fait partie de ces objets de bouche-à-oreilleLes recommandations, le marketing du bouche à oreille et les réseaux sociaux pour être incontournable. qui n’ont même plus besoin de publicité tant elle est présente dans les esprits. À tel point que, quand on a voulu parler de mariage entre l’intelligence artificielle et la personnalisation client, avec Stéphane Suisse de mon client Star 5, l’exemple donné nous est venu immédiatement à l’esprit.
J’ai voulu donc passer un peu de temps avec Stéphane pour essayer de mieux comprendre comment fonctionnent les algorithmes de personnalisation dans un système comme celui de Netflix.
Mieux encore, je me suis posé la question également de savoir si on pouvait répliquer cette méthode pour les entreprises plus traditionnelles qui voudraient devenir justement le « Netflix de leur catégorie ».
Comment devenir, vous aussi, le Netflix de votre catégorie grâce à l’IA ?
Netflix est un succès mondial qui affiche fièrement 158 millions d’abonnés dans le monde, dont 60 millions aux États-Unis et près de 100 millions à l’étranger. On pourrait lui rajouter le qualificatif de fulgurant quand on pense qu’au moment de l’écriture de son article, en février 2019, l’Australien George Sams notait, en citant la même source, à peine 132 millions d’utilisateurs. C’est-à-dire qu’en à peine 9 mois, le service de vidéo à distance américain a déjà gagné 26 millions d’abonnés supplémentaires, dont près de 24 (soit plus de 90 %) à l’étranger.
En tout et pour tout, cela correspond à une augmentation de 20 % de sa base totale, alors que le service de streaming en ligne existe depuis 2007. Une progression éclair qui fait rêver et donne envie de suivre leur exemple. J’ai interviewé Stéphane Suisse, co-fondateur et CTO de Star5, afin de mieux comprendre les raisons d’un tel succès et de voir comment une entreprise lambda pourrait s’en inspirer, tout en analysant le rôle central de l’IA dans la personnalisation des produits et des services.
Netflix : retour sur un succès commercial et de la personnalisation
Le succès de Netflix en termes d’abonnés est indéniable. Mais qui sait encore aujourd’hui de quoi Netflix est né ? Et justement, c’est cela qui compte. Netflix n’est pas un pure-player. C’est une entreprise de l’Ancien Monde, celui de la VPC. Ce même monde qui a vu souffrir des monstres du commerce comme Sears Robuck aux USA ou les 3 Suisses en France (dont on saluera le lancement d’un nouveau catalogue en 2019, le premier depuis 2014).
La fameuse enveloppe rouge de Netflix, sujet de nombreux blogs et articles de nostalgiques
Même si la disparition du catalogue a été exagérée, force est de constater que le commerce à distance a beaucoup souffert. Il suffit pour cela de se rendre au nord de la France et de comparer la situation avec ce que nous avons connu il y a à peine 30 ans, où la quasi-totalité des écoles de commerce locales plaçait leurs diplômés dans ce secteur.
Il est donc possible pour un acteur traditionnel non seulement de survivre dans le monde à l’ère de l’Internet tout puissant, mais aussi de devenir un leader des nouvelles formes de commerce au point de créer la norme*.
(*ici nous taisons, mais n’ignorons pas les critiques qui sont faites en ce moment sur le modèle économique de Netflix et sa viabilité à court et long terme, qui pourraient faire l’objet d’un autre billet).
Le best-seller de Chris Anderson, la longue traîne (ici en version BD)
La stratégie de Netflix en quelques mots :
Netflix a créé son business de DVD par courrier en 1997, mais ce n’est qu’en 2007, soit 10 ans plus tard, qu’ils ont lancé leur nouvelle offre de streaming. Leur fonds de commerce a toujours été de s’appuyer sur les fonds de catalogues des studios et des maisons de production.
En gros, leur premier succès est basé sur une stratégie d’achats : acheter des licences pour des émissions de télévision et des films plus anciens qu’on ne trouvait pas ailleurs. C’est ainsi qu’ils ont constitué leur longue traîne. Le premier point dans une stratégie de personnalisation, qui doit obligatoirement s’appuyer sur un contenu riche et abondant. Le deuxième point était une politique de retour souple et avantageuse pour les clients.
Troisième raison de ce succès, le lancement du streaming en 2007 a coïncidé avec la crise de 2008 (réduction des budgets de sortie) et de la popularisation des écrans LCD.
Quatrième raison, en 2013, les experts de Netflix ont innové en produisant leurs propres séries originales.
Voilà la base, maintenant on peut passer à la techno et à la personnalisation
La base du succès de Netflix étant posée, voici venir la stratégie technologique, basée sur ce contenu original, mais aussi un logiciel intelligent. C’est ce que nous explique George Sams :
« En plus de créer son propre contenu TV, Netflix a investi dans un logiciel intelligent. Il suit les habitudes de visionnage des abonnés et leur fournit des recommandations sur mesure pour la suite du visionnage. Par conséquent, les utilisateurs de Netflix n’ont pas à perdre de temps à fouiller dans les catalogues. Ils se contentent de regarder le contenu recommandé ».
Voyons avec Stéphane Suisse de Star5 ses conseils pour adapter l’IA à vos propres besoins et mettre en place une logique de personnalisation à la Netflix.
La différentiation par la personnalisation, l’exemple Netflix
Interview de Stéphane Suisse, CTO et co-fondateur de Star 5 à retrouver dans le podcast
Ce qui fait tourner le business de Netflix est la personnalisation de ses contenus en fonction des spectateurs, son moteur de recommandation. Ce n’est pas nouveau. Il y a eu beaucoup de tentatives depuis nombre d’années, mais l’IA va permettre de fournir un dispositif de recommandation beaucoup plus performant.
- Le premier algorithme mis en place consiste à se focaliser sur le comportement des spectateurs et de noter ce qu’ils ont aimé ou non. Netflix regroupe ensuite les spectateurs par similitude de comportements, afin de pouvoir leur proposer de nouveaux films en fonction de ce que les autres membres de ce groupe ont apprécié. Mais si vous êtes nouveau sur la plateforme, l’apprentissage est vierge, il faut bien vous proposer autre chose.
- Ainsi un autre type de modèle vient s’ajouter au précédent, basé sur les informations que vous avez renseignées dans votre profil sur les thématiques que vous aimez. Très rapidement, Netflix est capable de vous proposer des films en accord avec vos goûts.
En résumé il y a deux grands domaines principaux à la base des algorithmes de recommandation : le premier domaine est basé sur des outils collaboratifs qui nécessitent une grande masse de données et donc d’utilisateurs, dont on essaie de tirer des similarités de comportements. L’autre domaine est celui du contenu.
- Troisièmement, un autre type de modèle basé sur le contexte vient s’ajouter aux deux précédents. Par exemple, si vous regardez Netflix et que vous êtes Parisien, Netflix pourra vous recommander plus de séries se passant à Paris qu’à Lyon. Et si vous voyagez aux États-Unis, avec votre abonnement Netflix sur votre ordinateur, le service de streaming prendra en considération ce changement pour vous recommander un contenu en phase avec votre déplacement. Cette notion de contexte est fondamentale et elle est transparente pour l’utilisateur.
Le machine learning n’intervient pas au début de la démarche de personnalisation. Au démarrage, Netflix va utiliser des modèles statistiques qui vont dégager des modèles (on parle de « patterns ») puis pour aller plus loin, il va prendre en compte des modèles d’apprentissage basés sur des données supplémentaires, plus contextualisées et qui vous amèneront des contenus plus ciblés. Et surtout, il faut noter l’importance de la dimension temporelle dans l’amélioration de ces systèmes de recommandation.
Netflix a été pionnier dans ce domaine et a ensuite été abondamment copié.
Un exemple concret sur la vente de voitures
Prenons l’exemple de la vente de voitures. Pour mettre en place une démarche similaire à Netflix, je vais passer par plusieurs étapes :
- Premièrement, je vais partir du parcours du visiteur sur la plateforme, sa présence signifiant un intérêt que je vais ensuite qualifier en fonction par ses critères de recherche (type de voitures notamment). Je vais ensuite les comparer à ce que recherchent les visiteurs dont les comportements sont similaires.
- Par contre, si je ne connais pas le visiteur, je vais initialiser un système avec les autres utilisateurs déjà présents et à partir des informations partielles en ma possession. Je vais initier une première proposition de recommandation, puis capter le retour du visiteur et enfin capitaliser sur cette information. Puis je raffinerai cette recommandation au fur et à mesure.
- Si ce visiteur est récurrent, je vais pouvoir lui demander plus d’informations et en en sachant plus sur lui, lui proposer des modèles plus pertinents et plus précis (couleur du véhicule, recommandation en fonction des fréquences d’utilisation, etc.)
Les fabricants en savent finalement peu sur nous, ceux qui connaissent nos préférences et nos besoins sont les acteurs majeurs de l’Internet que nous avons dans notre smartphone.
En conclusion si je suis un fabricant, et notamment un acteur premium de la grande consommation, l’avenir est à la connaissance client au travers des plateformes tierces. Les fabricants ont une expertise et des savoir-faire, mais ils les partagent peu. Ils doivent apprendre à les valoriser au travers de plateformes de l’écosystème où les clients seront présents. Ainsi, ils seront présents sur des hubs et la donnée leur sera accessible. Ils pourront ainsi l’utiliser pour développer de nouveaux business basés sur des services.
Les notions de service, de partage et de plateforme sont essentielles, et elles nécessitent de sortir d’un modèle traditionnel basé sur le produit.