Innovation et ouverture d’esprit : la leçon des Indiens du Mexique
4 regards sur l’ innovation avec Dieter Reichert de Censhare
InnovationL'innovation va de la compréhension (intuitive ou non) du comportement de l’acheteur à la capacité d’adaptation à l'environnement : le mot est sans doute le plus à la mode dans les salons, mais ses manifestations ne sont pas toujours à la hauteur de nos espérances. Car l’ innovation est avant tout matière de regard. La technologie – que nous devrions nommer technique – est souvent gratifiante et elle se diffuse rapidement, mais que veut-elle dire pour nous les humains, qui la comprenons si mal ? Tout se passe comme si nous, pauvres Frankensteins des temps modernes, avions inventé des créatures qui nous échappent. Alors que celles-ci prennent corps, nous nous apercevons que nous comprenons à peine ce qui se passe devant nos yeux. Comme le Suisse farouche effrayé par son monstre nouvellement né, nous avons du mal à saisir ce qui nous arrive. Nous nous échinons comme des damnés essayant d’adopter ces objets technologiques ou à tout le moins de leur survivre. Et si la réponse à ce dilemme pouvait se trouver dans le regard des Indiens, au cœur des tribus obscures du désert mexicain ? C’est ce que j’ai essayé de vérifier en interviewant Dieter Reichert, PDG et fondateur de Censhare, un nouvel éditeur de logiciels mondial dont l’ambition est de réinventer la façon dont nous traitons l’information. Et Dieu sait qu’il y a un besoin criant en ce domaine.
Dieter est venu me rendre visite il y a quelque temps. Nous avions convenu que je l’interrogerais sur un sujet proche du logiciel et de fil en aiguille nous en vinrent à parler de sa vie et de son expérience. Parler avec des entrepreneurs est toujours fascinant. On y apprend à comprendre comment ils innovent, comment ils mènent de front leurs affaires et leur vie de tous les jours, et comment ils surmontent les obstacles qu’ils rencontrent sur leur chemin. C’est une expérience toujours enrichissante, surtout lorsque vous êtes vous-mêmes un entrepreneur. En parlant à Dieter pendant quelques minutes, je me suis rendu compte que notre entrevue se déroulerait sur un plan complètement différent. Son expérience n’était pas celle d’un homme d’affaires banal, mais le véritable périple d’une vie, en pivot sur ses expérimentations, toutes sortes d’expérimentations pourrait-on dire.
1er regard sur l’innovation : ne soyez pas là où l’on vous attend
Dieter a commencé sa vie d’adulte d’une manière qui n’aurait pas convenu à la plupart des parents, en quittant l’école à l’âge de 18 ans. « [Il] n’était pas fait pour ça » m’a-t-il confié. Par « ça » il voulait dire lire des livres et apprendre en écoutant des professeurs en étant enfermé dans une salle de classe. Il était plus fait pour le grand large, et il s’enfuit ainsi en Inde. Là il apprit le Yoga et devint professeur et enfin, il se lassat car « il ne se passe pas grand-chose en Inde ». Dieter n’est pas très contemplatif, un feu-follet plutôt.
Il quitta donc l’Inde peu après, afin de vivre au milieu d’une tribu mexicaine. Christophe Colomb avait pris les indigènes pour autres qu’ils étaient, ce qui leur a au moins fourni un nom, et c’est avec ceux-ci que Dieter est allé vivre sa vie. Cela lui a beaucoup plu. En fait, vivre avec ces Indiens a façonné son regard sur la vie et l’innovation. Sa perception du temps et sa compréhension du cosmos. Il pense qu’il peut ainsi mieux comprendre l’innovation que nous. Voilà une expérience de vie fondamentale, pas n’importe quelle expérience.
Ainsi alla Dieter, de prise de risque en entreprise, des Indiens du Mexique à la création d’une agence événementielle qui organisait des séminaires avec le Dalai Lama et autres personnages célèbres, puis la création d’un centre de soutien aux drogués, et pendant tout ce temps, travaillant avec et pour Apple. La méditation, sans doute le point commun entre toutes ces expériences, enfin peut-être. « Think different » (pensez autrement), était une mantra qui convenait bien à Dieter. Car il n’est pas, c’est sûr, comme tout le monde.
2ème regard sur l’ innovation : un jour, les ordinateurs seront (un peu) moins bêtes
J’ai bien aimé son regard sur l’informatique également. Il est vrai que les ordinateurs ne sont pas bien intelligents. C’est un euphémisme. Plus on nous vend les dernières histoires de l’IA et des voitures autonomes, plus nous devons rebooter nos ordinateurs, combattre les bugs des logiciels, et même nous passer de certaines fonctionnalités qui nous plaisaient tant (où est donc passé le bon vieux logiciel Phatware qui se livrait à de la reconnaissance intelligente de caractères – ICR – sur nos PDA des années 2000 ?). Les ordinateurs ne sont guère que des versions miniatures de leurs encombrants aînés, même si nous avons fait bien du chemin, je le reconnais aisément, depuis ces temps protohistoriques de l’IT.
Quand bien-même, il y a exactement 26 ans jour pour jour, je tapotais sur un ordinateur exactement comme celui qui se trouve devant moi. Il est vrai, je faisais partie des privilégiés à être équipé d’un ordinateur portable, sa batterie n’excédait pas 1 heure 1/2 en autonomie et son écran était en noir et blanc (deux ans après je l’échangeais pour un toujours Zenith en couleur). Ceci étant, c’était bien un PC quand même, avec une version sensiblement plus âgée mais très fonctionnelle d’Office de Microsoft. Ni plus moins puissant que ceux que nous avons aujourd’hui et certainement moins bugués.
3ème regard sur l’ innovation : les ordinateurs seront implantés dans nos cerveaux
Dieter a ensuite porté un regard sur les ordinateurs du futur. Selon lui, nous n’en auront plus. Nous serons en quelque sorte reliés et connectés les uns aux autres. Les ordinateurs, ce sera nous, en somme ; nous serons des Cyborgs. Selon qui vous êtes, vous pourrez trouver l’idée plus ou moins attirante. Je ne suis pas un grand fan pour ma part, je l’admets. Mais c’est un fait que la communication par le cerveau est déjà une vielle découverte. D’un point de vue de chercheur j’entends. Dès les débuts de 1993 j’ai vu une personne handicapée, à la BBC, bouger sa souris par la pensée. Tout ce qu’elle avait à faire était de se concentrer à fond sur l’écran et la souris allait toute seule, au bout d’un moment, là où elle le désirait. Ce n’était pas une science exacte, et l’interface n’était pas une grande réussite mais on voyait que les bases étaient là.
4ème regard sur l’ innovation : nous ne la comprenons pas
Dernier point et non des moindres, le fait que nous ne comprenons pas l’innovation. Elle va trop vite pour qu’on puisse la saisir, nous a expliqué Dieter. Etonnamment, celui qui a traversé le monde pour vivre la vie des Indiens du Mexique avance avec force que ces derniers sont plus à même de comprendre le monde d’aujourd’hui que nous-mêmes qui en sommes responsables. Ils sont en effet les seuls à posséder cette vue à 360° du monde dans lequel nous vivons. Voilà un joli paradoxe, mais il est certain que Dieter a raison sur un point : nous inventons ces gadgets mais nous ne les comprenons pas. Nos cerveaux devraient être mis à jour à la dernière version de leur logiciel, ou plutôt, avec le vieux logiciel des Indiens. Comme eux, nous avons besoin de vivre en symbiose avec notre monde. Il y a tant à apprendre d’eux, et de Dieter aussi.
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