IT du futur aujourd'hui

Quand l’informatique quantique réinventera le marketing par les data

L’informatique quantique révolutionnera-t-elle le marketing de demain ? Avec les Big Data va sans dire. Telle est la question que j’ai posée – et quelques autres – à Bernard Ourghanlian, CTO de Microsoft et Pape de l’innovation technologique. J’avais assisté à sa présentation remarquable de 2017 à MS Experiences sur l’informatique quantique et j’avais été impressionné par ce sujet que je ne connaissais pas bien (même si nous avons travaillé sur le concept de marketing quantique avec notre client et partenaire GetQuanty et que je connaissais les grands principes). Il m’a semblé intéressant alors que le salon Big Data Paris, dont Visionary Marketing est partenaire média, s’annonce la semaine prochaine, d’interroger Bernard, qui y sera présent en tant que présentateur, afin de savoir si ce monde de l’informatique quantique avait progressé depuis lors.

L’informatique quantique révolutionnera-t-elle le marketing de demain ?

Et surtout, de comprendre si cette innovation encore largement méconnue, et largement absente des commentaires, aura un impact et à quel terme sur ce marketing dont on dit sans cesse qu’il va se révolutionner avec la data (et donc avec la puissance de calcul qui permettra de présenter ces données).

informatique quantique
L’informatique quantique était au menu de Ms Experiences 2017 (ci-dessus). Bernard Ourghanlian sera présent cette année au salon Big Data Paris pour nous partager son expertise.

Qu’est-ce que l’informatique quantique ?

L’informatique quantique (ou Quantum Computing en anglais) est une approche dans laquelle on essaie, au sein d’un ordinateur qui a des propriétés très particulières, de fonctionner en quelque sorte comme fonctionne la nature.

Les phénomènes quantiques sont des phénomènes que l’on observe, dont on sait qu’ils fonctionnent, qui permettent à un GPS ou à un laser de fonctionner par exemple, mais qui sont incompréhensibles pour nous les humains car leur échelle ne nous est pas perceptible.

informatique quantique
Un ordinateur quantique n’est pas un ordinateur ordinaire, vu comme ça c’est un peu une usine à gaz, mais nous en sommes encore aux balbutiements (photo Microsoft) d’une discipline prometteuse

Par exemple, l’ordinateur quantique va reposer sur un phénomène très étrange appelé la superposition. Même si c’est une analogie, on peut imaginer avoir des particules (puisqu’on est à l’échelle atomique) qui sont dans une infinité d’états en même temps. Avec un ordinateur classique on parlera de bits, qui peuvent être soit 0 soit 1. Sur un ordinateur quantique on peut être dans des états qui sont à la fois 0 et 1.

C’est ce phénomène de parallélisme intrinsèque, d’un ordinateur quantique, que l’on utilise pour permettre de paralléliser des calculs à très grande échelle. Ainsi, on peut obtenir, sur certains types d’algorithmes, une accélération exponentielle.

C’est l’informaticien Peter Shor qui a permis de populariser l’informatique quantique, en développant un algorithme quantique permettant de casser des clés de chiffrement.

La protection de nos conversations sur Internet ainsi que le protocole HTTPS utilisent des algorithmes de chiffrement. Ces algorithmes de chiffrement sont incrackables par un ordinateur classique, cela nécessiterait un milliard d’années. Avec un ordinateur quantique, une centaine de secondes suffirait.

On voit que, au moins intuitivement, la quantique permet de faire des choses qui sont totalement inimaginables sur un ordinateur classique même si on se projette dans 100 ans et qu’on tient compte de la loi de Moore (qui est cette capacité à doubler la performance des ordinateurs tous les dix-huit mois). On se rend bien compte que même en doublant les performances pendant encore 100 ans, on n’arrivera pas à être capable de faire ce qu’un ordinateur quantique serait capable de faire.

Quelles innovations en informatique quantique depuis 2017 ?

Paradoxalement peu de choses visibles alors qu’on travaille toujours d’arrache-pied à la fabrication d’un ordinateur quantique capable de passer à l’échelle de notre objectif.

C’est un objectif qui est difficile à atteindre car on a besoin à la fois de lutter contre les qubits qui peuvent interagir les uns avec les autres et aussi avec l’interaction de l’ordinateur quantique avec le monde qui est autour.

Un ordinateur quantique fonctionne à très basse température, aux alentours de 15 milli Kelvin donc des températures qui sont très proches du zéro absolu. Pour autant il y a des phénomènes d’interaction avec le monde extérieur qui peuvent entraîner un phénomène de décohérence qui fait que l’état quantique, qui existe à un instant donné, disparaît dès que cette interaction a lieu.

De notre côté on fabrique des qubits qui sont capables de résister à ces problèmes. Néanmoins, ces qubits sont très difficiles à fabriquer car ils reposent sur la mise en œuvre de nanotechnologies. Les problèmes théoriques sont aujourd’hui résolus. Maintenant il faut construire l’ordinateur quantique capable de fabriquer suffisamment de qubits de suffisamment bonne qualité pour être capable de les mettre ensemble.

Peut-on imaginer qu’un jour l’informatique quantique aidera le marketing ?

Informatique quantique
Bernard Ourghanlian sera un des speakers attendus au Big Data Paris 2019 (photo Microsoft)

La première question à se poser serait quel scénario utiliser ou mettre en œuvre pour aider le marketing.
En première analyse, même si je ne suis pas un expert du marketing, je pense que la capacité par exemple d’utiliser l’intelligence artificielle pour faciliter la prise de décision, être capable d’assembler des foules de données et de leur donner du sens en temps réel, font partie des choses qui a priori devraient intéresser le marketing.

La complexité en termes de perspectives est que l’analyse d’une très grande quantité de données nécessite d’alimenter l’ordinateur quantique d’une très grande quantité de données.
Donc aujourd’hui imaginer qu’un ordinateur quantique puisse travailler sur des algorithmes d’intelligence artificielle reposant sur de très grandes quantités de données est à mon avis une perspective encore relativement lointaine. Probablement une décennie au minimum.

Pour autant cela me paraît être une perspective tout à fait imaginable. L’intelligence artificielle fait partie des applications sur lesquelles on travaille, et plus précisément le Machine Learning, cette capacité qu’ont les ordinateurs d’apprendre à partir des données.

Le futur des Big Data dans le domaine du data marketing passera un jour par ces supercalculateurs quantiques ?

Ça me paraît être une hypothèse tout à fait raisonnable. Effectivement si on arrive à résoudre tous les problèmes qui sont aujourd’hui les nôtres, on peut parfaitement imaginer que l’on sera capable, dans des délais relativement significatifs encore, de fabriquer un ordinateur quantique suffisamment puissant pour être capable de traiter des données en très grande quantité.

Mais ça reste encore une fois quelque chose qui n’est pas pour demain matin. Cette innovation n’arrivera pas sur le marché la semaine prochaine.

Peut-on envisager que dans 15 ou 20 ans, mon directeur marketing sera un ordinateur quantique ?

Imaginer qu’on puisse totalement éliminer l’humain ne me semble pas réaliste, ni même souhaitable. Je pense que pour la prise de décision il est important que l’humain reste dans la boucle, que l’on utilise un ordinateur quantique, un supercalculateur, une simple tablette ou un PC de bureau.

Le fait d’utiliser l’intelligence artificielle ne veut pas pour autant dire que l’humain est complètement éliminé de l’interaction. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est extrêmement efficace pour être capable de détecter des corrélations dans des ensembles de données extrêmement vastes, des données qui vont bien ensemble ou qui a priori évoluent de la même façon. Ce que l’humain a des difficultés à faire.

Pour autant le fait de voir des corrélations entre des données ne permet pas de pouvoir relier cette corrélation à une causalité. Etre capable par exemple d’expliquer, dans le cadre du marketing grand public qui s’adresse à la compréhension des intentions d’achat des consommateurs, le fait qu’il y ait une corrélation entre des facteurs et les intentions d’achat, ça n’est pas pour autant que l’on comprend réellement la cause. Pour comprendre plus finement les grandes tendances de la société, un directeur marketing peut demander l’aide d’un sociologue par exemple. Je pense que cette aide sera toujours nécessaire même si demain on est capable de traiter des algorithmes à très grande vitesse par rapport à ce que l’on est capable de faire aujourd’hui.

Rendez-vous donc au salon Big Data Paris les 11 et 12 mars 2019informatique quantique et big data

 

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Ernest Margerie

Ernest a été consultant junior en Web Marketing chez Visionary Marketing en 2018 et 2019. Il est diplômé du master en digital business de Paris School of Business (PSB)
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