économie et numérique

Management : « pour réussir, il faut encourager les meilleurs »

Pour un bon management, faut-il apprendre à encourager les meilleurs (et peut-être décourager les autres) ? Cette assertion même serait propre à me faire clouer au pilori sous prétexte de manque d’empathie.

Et pourtant. En partant d’un constat (apparemment) simple, Denis Fages nous incite à récompenser les résultats statistiquement satisfaisants et de décourager les autres.

Les débats récents dans la société civile sur les tentatives de rémunérations liées aux résultats statistiques dans la fonction publique et la Police ont cependant mené à des passes d’armes héroïques.

Seule la mémoire éphémère des hommes nous en a fait oublier l’existence, à peine un an après.

D’un point de vue purement économique, peut-on au contraire estimer que tout doit être mesuré et récompensé à sa juste valeur ?

Management : « il faut encourager les meilleurs pour réussir » (tribune libre)

encourager les meilleurs
L’objectif et sa mesure, la base d’équilibre du management qui doit apprendre à encourager les meilleurs selon Denis Fages

D’aucuns argumenteront, pas toujours à mauvais titre, que certaines personnes ne sont pas motivées (totalement) par l’argent. Et même que la pression fait baisser leur productivité.

D’autres ajouteront aussi que mesurer la « quantité » de travail d’un individu n’est pas toujours chose aisée, notamment dans les fonctions support, qui ne sont pas les moins nombreuses dans certaines entreprises.

La dure réalité du management

Par contre, les chefs d’entreprises, aux prises avec la dure réalité (jamais manichéenne) du management, savent aussi que les objectifs, les mesures et les correctifs sont l’obligation d’une bonne gestion.

D’autres prétendront encore que les objectifs fixés à un groupe sont plus efficaces que ceux fixés à un individu.

Pour l’avoir vécue, la plus grosse pression sur les résultats ne vient pas d’en haut, mais de ses pairs. Surtout lorsque leur rémunération dépend de votre travail.

À la moindre défaillance de votre part, ils sauront vous rappeler que vous leur coûtez de l’argent.

Une expérience propre, pour mon cas personnel, à m’avoir fait apprécier les objectifs individuels en comparaison.

Encourager les meilleurs : avec un peu d’encouragement, les meilleurs peuvent se dépasser. Doit-on au contraire abandonner les autres ?

Fermons cette parenthèse en faisant référence à un petit fascicule édité par l’INRA, et écrit par un spécialiste du domaine, Christophe Dejours, qui ne porte pas les entretiens individuels dans son cœur.

Ainsi vous aurez les éléments en main pour juger de ce cruel dilemme ; place donc à Denis Fages dans cette Tribune libre, qui ne manquera pas encore une fois de susciter des réactions dans le lectorat

Encourager les meilleurs (et décourager les autres ?)

Commissionner des vendeurs sur leurs ventes, c’est-à-dire sur les statistiques issues de leurs chiffres d’affaires, tout le monde trouve cela normal et acceptable. Mais peut-on appliquer le même concept à tous les employés ? Est-il intéressant et possible de le faire ? Sans parler forcément de bonus-malus au niveau de la paie, est-il envisageable de produire une statistique mesurant la production de chaque employé ? Enquête…

Management : encourager et récompenser pour réaliser les objectifs

L’idée fondamentale de récompenser les bonnes statistiques est un principe qui repose sur cette vérité fondamentale : « On obtient ce sur quoi on met son attention, on obtient ce que l’on pousse… » En d’autres termes, si on encourage des statistiques qui montent, de bonnes statistiques, si on en fait la promotion et qu’on les récompense, on devrait donc obtenir des statistiques hautes. Cela paraît simpliste et c’est pourtant tellement vrai. Inversement si l’on encourage les mauvaises statistiques, on devrait au contraire obtenir des statistiques basses…

Une statistique mesure l’évolution dans le temps d’une quantité. En l’occurrence, on s’intéresse ici à la « quantité » de travail ce que font les gens, à leur « production ».

Ce que mesure une statistique

Une statistique mesure l’évolution dans le temps de la production d’une personne. Une « bonne statistique » est donc un volume de production qui monte à un volume satisfaisant.

Exemples de statistiques que l’on peut mesurer dans une entreprise :

  • Combien Jean a-t-il servi de clients dans la semaine ?
  • Combien Robert a-t-il peint de m2 de peinture hier ?
  • Combien d’articles Sylvie a-t-elle écrits ce mois-ci ?
  • Combien de CA Christine a-t-elle généré aujourd’hui ?
  • etc.

Mesurer les employés ?

Généralement, un entrepreneur ne mesure pas la production de TOUS ses employés avec des statistiques.

Et l’erreur sous-jacente est d’être d’accord pour dire que ce n’est pas possible « avec tous les employés »… et du coup l’entrepreneur limite la mesure quantitative à ses commerciaux et à la direction générale. C’est une erreur qui, à mon avis, est la source d’un grand mouvement de « dé-responsabilisation » dans les entreprises. Cette erreur peut être corrigée, voyons pourquoi :

Chaque employé produit quelque chose de valable. Et ce « quelque chose » doit être correctement nommé et mesuré. Si ce n’était pas le cas, cet employé serait donc totalement inutile à l’entreprise.

Quel est le fruit du travail de chaque employé ? À quoi sert-il ? Que « fabrique-t-il par son travail ? Ce résultat peut forcément être quantifié, mesuré. Il peut toujours l’être. Chaque employé, de la femme de ménage qui rend les bureaux propres et agréables au cadre qui obtient le chiffre d’affaires, chacun réalise un produit qui a suffisamment de valeur pour être désiré, et utile à l’objectif global de l’entreprise. En conséquence, il doit, selon moi, toujours être possible de mesurer la quantité de “produits créés” par chacun au fil du temps et donc d’en sortir une statistique simple.

Encourager les meilleurs performers ?

Pourquoi en effet serait-il acceptable de mesurer le CA des vendeurs et pas le nombre de colis préparés ou le nombre de plaintes clients correctement traitées ?

L’exercice suivant, consistant à découvrir quelle statistique vous devez choisir pour chaque employé, afin de mesurer sa production réelle et efficace est riche d’enseignement :

Quel risque courez-vous à vous essayer à cet exercice ? D’une part, il est vrai que vous risquez de découvrir que certains employés passent un temps fou à réaliser des tâches en fait peu utiles à l’entreprise. Inversement, vous allez vous donner les moyens de faire prendre conscience à certains salariés de l’importance et de la réelle valeur de leur travail. Le jeu en vaut donc bien la chandelle.

Rien que le fait d’assigner une statistique “utile” à chacun concentre les efforts de chaque employé sur son but véritable. Le vendeur sait bien que ce qui compte est son chiffre d’affaires généré ! Pourquoi pas la standardiste, le comptable ou le chauffeur ? Définir de vrais buts, une véritable production, sous leur contrôle et qui dépend d’eux motive les employés.

Le jeu naturel de tout employé

Le jeu naturel pour tout employé est de chercher à bien travailler et donc à faire monter sa statistique…

Cependant, un entrepreneur doit veiller à ne pas faire l’erreur d’assigner à un employé une statistique sans son consentement. Impliquer chaque employé dans la définition de sa ou de ses statistiques d’objectifs est absolument vital pour que le système de management par statistique soit utilisé et opérationnel.

Une autre erreur, après celle de ne pas avoir de statistiques pour tous, est de ne pas récompenser les bonnes statistiques ! Or, souligner cela, impose cependant qu’on se rende compte que ce qui en découle, c’est aussi la nécessité de pénaliser les mauvaises statistiques. Prenons un exemple. Que désire un entrepreneur ? Que cherche un employé ? Ils veulent une bonne production. Ils veulent des statistiques qui montent, et qui soient élevées (posons l’hypothèse que peu d’individus désirent l’échec, à moins d’être pervers).

Certains critiqueront

Certes, certains critiqueront, se plaindront, utiliseront des arguments qui auront l’apparence de la rationalité. Ils montreront leur désaccord avec le fait de récompenser les bonnes statistiques et de pénaliser les mauvaises.

Ces employés qui ne souhaitent pas faire monter les statistiques de l’entreprise. Ceux-là, en fait, ne sont pas vraiment dans votre équipe.

On pourrait dire que leurs objectifs divergent de ceux de l’entreprise et qu’il serait préférable pour tous qu’une négociation intervienne.

Posons donc l’hypothèse que dans le cadre professionnel, le moral est lié à sa production. La satisfaction de chacun étant déclenchée par son sentiment d’être utile au groupe, productif, et ses bonnes réalisations.

L’hypothèse inverse veut que moins une personne produit, moins bien elle se sent. Partant de ces deux hypothèses, la vraie question de fond change. Elle devient : “Comment obtient-on plus de CA, de résultat, de trésorerie ?”

Comment faire croître les statistiques ?

Une solution qui me paraît simple est celle qui consiste à demander à chacun de définir ses propres métriques. Ainsi, c’est l’employé qui se motive lui-même par son propre objectif et non l’employeur. En encourageant le groupe à atteindre les statistiques positives, il y a de fortes chances que vous les obteniez.

Ce qui accompagne cette action, ce n’est pas facile, c’est aussi la sanction des mauvais résultats mesurés par la statistique.

Encourager les meilleurs ou les plus mauvais ?

Une erreur courante de management consiste à encourager les mauvais résultats au lieu de les réprimer, sous un prétexte social.

“Travailler moins” n’est pas qu’un mauvais objectif en termes de production. C’est aussi un objectif incompatible avec ceux de l’immense majorité des actifs.

Pas seulement les entrepreneurs, mais aussi les cadres, les professions libérales, les artisans, les commerçants.

Et surtout ces nombreux employés qui s’investissent dans leur travail. Et qui se dédient à leurs tâches professionnelles plus de 50 heures par semaine.

Rémunérer les bons résultats n’est pas un programme compliqué à mettre en œuvre. Cela vous attirera l’adhésion de vos meilleurs éléments.

Au final, les cadres et les employés seront bien plus heureux lorsque la production est bonne. Sans oublier que dans ce cas, le moral est haut et l’équipe est soudée sur des objectifs communs.

Le management doit encourager les bonnes statistiques partout autour de nous !

6 commentaires

  1. « Les stratégies absurdes « comment faire pire en croyant faire mieux ,M.beauvallet, seuil/points complète l’éclairage de la question.Une pyramide d’in dicateurs cohérents compris et partagés demande en temps de construction le temps de faire mourir l’entreprise …

    1. Heureusement, il existe des entreprises qui arrivent à mettre en œuvre de grands changements sans mourir… ou en faisant appel à des coach en management du changement 🙂

      1. En effet Denis. C’est heureux 🙂 mais le commentaire de notre lecteur est révélateur de la façon dont le changement est souvent perçu, par le plus grand nombre, c’est a dire comme une agression. Un peu de méthode Coué fait du bien (c’est une méthode très sérieuse que j’ai déjà décrite sur ce blog, bien qu’elle soit souvent moquée par les ignorants)

  2. Une philosophie du travail et de l’entreprise très intéressante. J’ajouterais que le management par statistiques amène un facteur de justice non négligeable car, non seulement il est facile à tout un chacun de voir qui travaille dans le même sens que le groupe , mais aussi on ne saurait se baser sur des rumeurs ou de vilaines rancunes pour renvoyer, rétrograder etc … Merci Denis. Cette idée devrait faire son chemin.

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