Quand l’IA combat la fraude en magasin (et sur les sites Web)
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Les reporters de Visionary Marketing se sont rendus à l’événement Paris Retail Week 2024, dont nous sommes partenaires média, afin de faire le point sur la fraude et le rôle de l’IA. Nous avons passé en revue quelques retours d’expérience sur cette menace (en magasin et pour l’e-commerce) et les parades proposées par l’intelligence artificielle. Pour cela, nous avons rencontré Gilles Bijaoui, responsable de la CX chez Fujitsu (CX étant le nom de la division « retail »). Dans cette interview réalisée dès l’ouverture du salon, il nous a fourni de nombreuses informations sur les chiffres de la fraude et a décrit les solutions IA destinées à la combattre. Des solutions qui sont désormais bien déployées depuis 2 ans.
Quand l’IA combat la fraude en magasin (et sur les sites Web)
On entend parler de réduction de fraude par l’IA depuis très longtemps…
Gilles Bijaoui. En effet, cela a été un sujet récurrent ces cinq dernières années, que ce soit à la NRF ou à la Paris Retail Week. Mais ce n’était pas réellement en production sur le terrain. Mais depuis deux ans environ, cela a complètement changé. Post Covid, on trouve ces solutions en production dans beaucoup d’enseignes de toutes tailles.
Il y a plusieurs types d’IA qui sont concernés, dont l’IA générative. C’est en production dans plusieurs grandes chaînes et les retours sont excellents. Sur le plan de la performance, de réduction des vols réalisés par des salariés ou de la démarque inconnue. Que ce soit pour le commerce physique ou l’e-commerce.
Pouvez-vous décrire d’abord la menace ?
GB. Il y a deux types de fraudes aujourd’hui :
- D’abord, la fraude dans les magasins physiques qui est pour un peu plus de la moitié liée au vol dans le magasin et pour à peu près 40 % aux employés.
- Quant à l’e-commerce, il s’agira plutôt de fraudes liées aux mouvements électroniques, soit des fraudes aux paiements, soit l’usurpation d’identité (ou phishing). C’est plus complexe et cela cause aussi plus de dégâts.
La fraude sur les plateformes e-commerce pèse presque 20 % du chiffre d’affaires du e-commerce dans le monde. C’est énorme ! Si on compare ce chiffre avec le vol ou la fraude en magasin, on se situe entre 2 et 3 % seulement.
Donc, on voit qu’on est sur une autre échelle avec le e-commerce. C’est lié aussi au volume des transactions qui a explosé durant et après la crise du Covid.
Mais il y a une bonne nouvelle, c’est que grâce aux technologies de l’IA, depuis deux ans environ, on observe une diminution de la croissance de ces fraudes. Auparavant, la croissance de cette fraude électronique était d’à peu près 20 % par an, et grâce à l’IA on est passé en dessous de 15 % par an d’augmentation. Et cela s’améliore encore avec l’éducation des particuliers et des entreprises.
Y a-t-il des différences notables entre pays ?
GB. Pas en Europe, tous les pays sont à peu près pareils. Un seul pays fait exception, c’est le Royaume-Uni, qui a encore plus de fraudes, comme aux États-Unis, que ce soit sur le physique ou l’e-commerce.
C’est un différentiel d’à peu près 10 points de différence au-dessus de la France. Avec en outre une inversion des chiffres. Le vol en commerce physique aux États-Unis et en Grande-Bretagne est plus élevé que dans le reste de l’Europe. Et inversement, l’e-commerce y est mieux maîtrisé que sur le continent. Certainement, car ils ont dû déployer ces solutions avant nous.
Par contre, au vu de la fraude massive en magasin aux États-Unis, beaucoup de produits de consommation courante sont sous clé.
Parlons maintenant de la parade et de l’intelligence artificielle
GB. Pour les points de vente physiques, il y a eu deux époques, et deux systèmes différents.
Auparavant, l’intelligence artificielle était basée sur la donnée. Plus on avait de données, et plus cette intelligence artificielle apprenait, et était capable de ressortir des schémas qu’elle avait déjà vus. Cela a changé dans la mesure où maintenant, on s’appuie plutôt sur des définitions d’attitudes, de mouvements qu’on a pu reproduire.
Aujourd’hui, il est des solutions qui ont enregistré 100 attitudes humaines qui permettent à coup sûr de savoir l’intention de la personne. À partir de ce qu’on appelle des « patterns », des attitudes, on est capable de dire, avec le système de caméra en magasin et cette intelligence artificielle, de dire si la personne a une intention d’achat, de vol, ou juste une envie de se balader. À partir de là, l’intelligence artificielle est capable de générer des actions de promotion sur site physique.
En fonction de l’attitude détectée, on pourra vous pousser des informations, des conseils.
Par exemple, si vous êtes devant un rayon de lait maternel dans un supermarché et que vous hésitez, l’intelligence artificielle va vous conseiller par rapport aux informations dont on dispose. Elle peut également vous fournir des recettes en fonction d’un aliment ou vous proposer d’essayer virtuellement des vêtements également.
On peut aussi proposer des promotions adaptées à la personne en fonction de sa carte de fidélité, et vous offrir instantanément un coupon de réduction sur un article que vous êtes en train de regarder.
Ces actions de marketing et de merchandising qui auparavant se faisaient uniquement sur les sites marchands sont également possibles sur le point de vente physique. Et cela, grâce à l’intelligence artificielle.
Comment éviter les hallucinations sur ces recommandations clients ?
GB. Il faut s’enlever de l’idée que l’humain disparaît. Ces systèmes ne sont pas autonomes. Ils ont besoin d’être cadrés et vérifiés. Certains mots sont proscrits par exemple. La façon dont on s’adresse aux gens doit être calibrée pour ne pas blesser, i être trop intrusif. Tout cela doit être encadré strictement.
Les messages sont calibrés en permanence, à la fois par nous et par nos clients.
Prenons un exemple. Actuellement, on travaille sur les salons d’essayage qui sont un point de vol très important. À la fois par les clients, mais aussi par les employés. Le RFID n’apporte pas vraiment de solution pour cela.
Nous avons donc couplé plusieurs solutions et identifié un problème si une personne est rentrée en rouge et qu’elle ressort en noir. Si elle est rentrée en faisant une taille 40 et qu’elle sort avec un 52, c’est également un problème. Son attitude est scrutée également, comme je l’ai dit tout à l’heure. Mais c’est toujours le client qui décide où il met le curseur. Il y a les lois aussi qui encadrent les usages de ces technologies. Par exemple, on n’a pas le droit de reconnaître les visages.
Pouvez-vous citer quelques exemples frappants dans des enseignes ?
GB. Prenons une enseigne allemande de hard discount très connue pour laquelle nous avons déployé des solutions antivol en sortie de caisse. La solution permet de reconnaître les fruits et les légumes de façon pertinente. Si vous prenez une bouteille de vin et que vous en changez l’étiquette ou que le code barre n’est pas le bon, le système est capable de le détecter.
Nous avons réussi, avec cette solution, à faire baisser les vols de 60 %. Et à cela, il faut ajouter la capacité d’améliorer la communication dans le magasin, vers les employés ou les clients, qui permet aussi de faire baisser les vols d’à peu près 20 %. –
Comment cela fonctionne-t-il concrètement ?
GB. Pour les caisses automatiques, on dispose une caméra au-dessus, couplée à des senseurs qui permettent de mesurer non seulement le poids, mais la typologie du produit, sa fermeté, sa taille, sa couleur et même la densité du produit. Les progrès réalisés avec les caméras sont considérables. On est capables de repérer le bon produit avec 90 % environ de réussite.
Et c’est la même chose en caisse physique, c’est-à-dire que cela évite aussi à certains employés, je rappelle que c’est 40 % de la fraude, de passer des produits qui ne seraient pas les bons, ou d’oublier de passer un produit. Si c’est le cas, une alarme retentit.
Et à partir d’un certain nombre d’alarmes, une intervention humaine est nécessaire. On sait en outre que les fraudes à la caisse se passent dans les deux dernières heures avant la fermeture. Le rythme s’accélère énormément à ce moment-là, parce qu’il y a plus de monde et que les employés indélicats se disent que cela va être plus facile à faire passer.
Or c’est justement là que l’on va renforcer les contrôles, que les alarmes seront plus fréquentes, il y a plus de vigilance sur la réconciliation des données et une accélération du processus. Ce qu’il est très important à chaque fois de garder à l’esprit, c’est que tous ces systèmes sont contrôlés et validés par des êtres humains.
En cas d’erreur ou de problème, l’intervention humaine permettra soit de s’excuser, soit de revenir sur une identification qui n’était pas bonne. L’intelligence artificielle est un allié du commerce, mais elle n’est pas inhumaine, si elle est bien mise en œuvre.
Qu’en est-il de l’e-commerce ?
GB. Sur les systèmes d’encaissement d’e-commerce que nous déployons, nous observons que ce sont souvent les mêmes montants de fraude qui sont répertoriés. L’intelligence artificielle peut aider à recouper ces informations. La fraude vient souvent des mêmes IP, des mêmes zones géographiques. Souvent, la fraude est liée à un premier échec au passage de la carte bleue ou du paiement. Cela permet de déclencher des alertes.
En réponse, on va soit bloquer le paiement, soit avertir la banque du client final. La puissance de calcul est telle qu’il est désormais difficile de passer à travers. Et les banques aussi ont fait des efforts en ce sens avec le 3 D Secure et la confirmation des achats par l’application mobile, le mail ou le SMS.
Tous les commerces en ligne, même les plus petits sites, sont équipés de ces solutions qui permettent d’éviter les attaques, de se faire voler leurs fichiers clients, d’éviter le phishing.
La fraude pourrait-elle disparaître un jour ?
GB. Nous n’en sommes pas si loin. D’autant plus que nous développons de nouvelles technologies, notamment d’empreintes, de lecture des rétines et même de la paume de la main. Probablement que beaucoup de sites d’e-commerce ou d’ordinateurs personnels en seront bientôt équipés.
Nous avons développé, en partenariat avec Ingenico, un système qui reconnaît uniquement la paume de la main. Le système veineux est en effet unique pour chaque individu. Et on ne peut pas le reproduire avec une photo. À cela, on ajoute la mesure de la chaleur. C’est un système ultra-sécurisé qui permettra de faire encore diminuer cette fraude.
À propos de Fujitsu
Fujitsu est une société à la fois connue et mal connue. Il s’agit d’une grande entreprise japonaise technologique qui a démarré il y a plus de 100 ans avec les télécommunications et a basculé vers les services dans les années 2000. Elle emploie un peu plus de 130 000 personnes dans le monde, et réalise 33 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Sa division retail (alias Customer ExperienceLe marketing expérientiel consiste à faire vivre au prospect ou au client une expérience mémorable lors de chaque point de contact avec une marque) pèse un peu plus de 20 % du chiffre mondial d’affaires de l’entreprise nipponne. Ses activités sont désormais orientées autour des services et des plateformes, pour les points de vente et l’e-commerce, sans oublier les services d’intégration, le conseil et l’infrastructure autour des activités des distributeurs. Fujitsu est même la 8e société de service de technologies dans le monde.
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