Vente et marketing

Vente complexe en B2B : comment convaincre les acheteurs en 2021

L’autre jour, j’échangeais avec des analystes américains, sur le sujet de la vente complexe et de ses acheteurs. Je leur posais des questions quant aux différents types de ventes en B2B. Ils ne semblaient pas comprendre ce que je leur disais ce qui m’a paru étrange. Pour quiconque a pratiqué ce métier, c’est un peu mon cas depuis environ une trentaine d’années (soit côté vente, soit côté MOA en appui des forces de ventes, soit dans le marketing en partenariat avec les vendeurs), il est acquis qu’il n’y a pas deux types de vente similaires en B2B. Pour bien comprendre les enjeux de la vente complexe dans le contexte actuel, j’ai interviewé Yves Blandiaux de Wave4growth.

Vente complexe en B2B : comment convaincre les acheteurs en 2021

Le monde réunit et contient tout dans son étreinte écrivain Cicéron. La vente complexe aussi. Voici comment bien la maîtriser
Le monde réunit et contient tout dans son étreinte écrivain Cicéron. La vente complexe aussi. Voici comment bien la maîtriser

Notons tout de suite que « complexe » ne veut pas dire « compliqué », c’est un mot issu du latin (complexus = embrasser, entourer — Mundus omnia complexu suo coercet et continet [« le monde réunit et contient tout dans son étreinte » – Cicéron] ) et qui signifie qu’un phénomène est relié à beaucoup d’autres par un grand nombre d’interactions.

Note : ici, le mot « acheteurs » est à prendre dans son acception la plus large et non en tant que « membre du département achats »

La vente complexe et son avenir, nous y reviendrons bientôt dans un article que Visionary Marketing a écrit pour son client Sparklane sur le blog Sales and Marketing insiders.

En attendant, pour mieux comprendre ce qu’est la vente complexe, il faut bien la définir. Pour cela j’ai convié mon ami et partenaire Yves Blandiaux de Wave4growth, expert du domaine, et avec qui j’ai eu la chance de travailler dans le cadre d’un partenariat avec Cisco où il officiait anciennement.

La vente complexe à l’épreuve du terrain

Ce partenariat a généré pour l’opérateur dont j’étais le représentant, un business incrémental de 60 millions d’euros par an. Rien à dire, Yves est un champion de la vente complexe, il en connaît toutes les arcanes notamment dans le domaine des télécoms et de l’IT, et depuis peu aussi sur d’autres domaines.

Il officie aujourd’hui auprès de PME de TPE en Belgique et en France, car la vente complexe n’est pas réservée, loin de là, aux grandes entreprises. Il s’agit d’une question de nature que de clientèle.

Avec cet article, vous saurez tout sur ce sujet passionnant, et plein d’avenir car comme je le dis souvent, le B2B recèle un grand nombre d’opportunités pour les professionnels et les cadres. En ces temps troublés, il faut s’en souvenir, le B2B souffre moins, sur bien des sous-secteurs, voire continue à se développer avec la crise.

Interview d’Yves Blandiaux que vous pourrez retrouver en podcast sur notre chaîne et dans ce billet.

Vente complexe : des acheteurs insatisfaits

Vente complexe
Yves Blandiaux de Wave4growth

Le premier, certainement le plus en transformation ces dernières années, est comment créer de l’impact chez son client lorsqu’on a quelque chose d’assez compliqué à lui vendre.

Quand on interroge les acheteurs sur les meetings qu’ils ont pu avoir avec des vendeurs sur les derniers mois, la plupart du temps ils expriment un sentiment d’insatisfaction.

Ils ne sont pas très contents de l’interaction qu’ils ont avec les vendeurs qui viennent les démarcher.

9 fois sur 10 les clients sont pas contents, voire même frustrés de l’interaction qu’ils ont eu avec les vendeurs

A l’origine de cette déception : le fait que les vendeurs ne leur apprennent rien. Ils ne les ont pas surpris, ne sont pas venus challenger ler point de vue. Ils ont simplement « servi leur soupe », sans essayer de présenter des idées créatives et innovantes pour les aider à résoudre des problèmes différemment.

Le monde, et pas seulement la vente, est-il devenu plus complexe ?

Le monde devient effectivement de plus en plus complexe.

Les clients sont également de plus en plus informés sur ce qu’ils pourraient envisager comme solution innovante, le niveau d’attente du client lorsqu’il rencontre son vendeur potentiel est donc beaucoup plus élevé qu’il l’était par le passé.

D’autre part, les fournisseurs de ces solutions complexes biberonnent encore bien souvent les vendeurs à leur portefeuille, leur solution, leur architecture, leur programme.

Les vendeurs sont beaucoup trop centrés sur eux-mêmes et pas assez sur leurs acheteurs, leurs clients

Ces vendeurs arrivent dans les réunions devant un client qui a déjà un point de vue bien arrêté sur ce qu’il peut attendre de ce fournisseur.

C’est là que le vendeur doit vraiment être formé à de nouvelles techniques pour pouvoir renverser ce point de vue tout en créant la surprise et en suscitant un intérêt inattendu pour le  client.

En 2021, il y a des gens qui n’ont pas encore compris ce qui était déjà connu dès 1982

En 1982, Michael Bosworth a écrit Solution Selling, qui devenu un des piliers des méthodes de vente.

A cette époque là, on disait exactement les mêmes choses : arrêtez de parler de vos fonctionnalités produits : dans la vente complexe il faut s’intéresser aux acheteurs, voire même à l’écosystème du client. Il faut se pencher sur les pain points (les douleurs) du client.

Or, si le vendeur en vente complexe veut être perçu comme un fournisseur de solutions et non comme un vendeur de boîtes, cela prend du temps et demande des efforts. 

L’acheteur a peut-être aussi accepté cette possibilité que le vendeur soit un fournisseur de solutions. Mais maintenant, son attente est beaucoup plus importante. Pour être vraiment un fournisseur de solutions, il va falloir assurer, et sortir de la vente du produit sur étagère.

Pas mal de vendeurs sont en train de revenir de ce positionnement solution selling, et se demandent s’ils savent vraiment faire de la vente de solutions.

Vente complexe : surprendre les acheteurs dans un contexte de plus en plus difficile

Par le passé on s’appuyait fortement sur le relationnel dans la vente complexe. On connaissait son client. On s’entendait bien avec lui et on avait accès à des informations privilégiées qui nous permettaient peut être de faire la différence et de faire du business.

On voit maintenant les clients s’éloigner de ce modèle, alors qu’il est toujours fort prisé par beaucoup de fournisseurs.

Dans le nouveau modèle, les clients s’attendent à ce que leurs fournisseurs viennent beaucoup plus les perturber, les déranger, les challenger et, à la limite, les déstabiliser

Un fournisseur avec lequel ils sont bons copains et avec lequel ils ont une bonne relation, c’est un plus, mais ce n’est plus suffisant.

Le vendeur doit réussir à formuler un problème que le client a mais qu’il ignore

Il faut sortir le client complètement de sa zone de confort et pour ça, les forces de vente doivent être beaucoup moins centrées sur le relationnel et beaucoup plus centrées sur la provocation et la déstabilisation.

Vente complexe acheteurs
Les acheteurs en vente complexe s’attendent de plus en plus à être challengés et qu’on leur montre les problèmes qu’ils ne connaissaient pas (douleurs latents [1] selon la pyramide de Bosworth)

Une nouvelle panoplie de compétences pour des forces de vente nouvelles normes

Les vendeurs doivent s’intéresser davantage à comment ils vont vendre plutôt qu’à ce qu’ils vont vendre.

Pour investir dans le « comment on vend » il existe deux composantes fondamentales, et toutes les entreprises qui vont investir dans de nouvelles compétences qui vont dans ce sens, réussiront à dégager un avantage concurrentiel durable pour leur société.

Deux points sont importants à garder en tête pour convaincre ces acheteurs et leurs nouvelles exigences :

1. Construire des histoires qui vont résonner dans chaque réunion client

La première compétence est le fait de construire des histoires qui vont devoir à la fois surprendre et challenger le client.

Il ne s’agit pas d’histoires génériques, de solutions, de produits, de programmes que les fournisseurs distillent chez tous leurs vendeurs, mais d’histoires qui vont résonner.

2. Co-créer l’histoire avec le client autour d’une conversation plutôt que tout simplement faire une présentation

Il va falloir apprendre davantage à conduire des conversations convaincantes plutôt que de simplement présenter l’histoire.

Faut-il donc licencier les anciens commerciaux et en prendre de nouveaux, ou les faire évoluer, ou les deux ?

Il faut les deux.

Tous les commerciaux ne vont pas pouvoir évoluer. Tous n’auront pas l’envie non plus. Ceux qui sont uniquement habitués à prendre la note du restaurant et à travailler uniquement le relationnel, même si c’est un modèle qui a créé beaucoup de valeur par le passé, vont avoir certainement du mal à évoluer et à savoir brusquer leurs clients.

Il faut donc engager de nouvelles personnes.

Et puis, il faut former et développer ceux qui pourront devenir ces vendeurs challengeant leurs clients.

Il y a des compétences que l’on peut apprendre, et cultiver par la suite. Comme comme toute nouvelle compétence que l’on souhaite acquérir, il faut de l’apprentissage, mais surtout beaucoup d’entraînement pour devenir champion du monde en matière de vente complexe au 21ème siècle.

Il faut beaucoup d’entraînement pour devenir champion du monde en matière de vente complexe au 21ème siècle

Les offres standards sont vouées à l’automatisation

On n’a plus besoin de vendeurs qui passent les plats, et qui apportent peu de valeur.

On a besoin de vendeurs qui vont aller extraire la valeur du marché, et ça devient une fonction très noble, qui a parfois été moins valorisée.

Dans une société, il y a la création de la valeur liée au développement des produits et solutions, la R&D, tout ce qui se passe en amont.

Mais cette valeur créée est virtuelle tant qu’elle ne s’est pas confrontée au marché. Pour aller extraire cette valeur du marché, on a de plus en plus besoin de vendeurs très affutés.

Il y a 20 ans les CEO des grandes entreprises avaient plutôt une formation financière. Aujourd’hui, ils ont souvent une forte coloration commerciale et ecommerce. Cela demande aux vendeurs de s’adapter.

La vente reste un métier du futur

La vente est en train de changer, dès le moment où en tant que vendeurs, on va apprendre à challenger son client, à l’écouter vraiment, à le questionner, à savoir répondre et à savoir surtout co-créer avec lui l’envie de travailler avec la société qu’on représente.

Et la bonne nouvelle, c’est qu’on peut apprendre la vente complexe avec ses nouvelles règles. Mais comme tout, il faut transpirer pour s’entraîner et devenir bon dans la discipline.

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »

5 commentaires

  1. Bonjour, je ne sais pas si il y a de nouvelles règles, mais en tout cas il y a toujours
    – un processus achat qu’il faut connaitre, maîtriser et suivre,
    – une analyse des besoins fines à réaliser, qu’elle devienne de plus en plus fonctionnelle et collaborative
    – un bénéfice pour les deux parties vendeurs et acheteurs
    Comme quoi pour moi les achats complexes n’ont pas vraiment changé

    1. Intéressant. Merci Olivier pour ton commentaire constructif. Le débat est intéressant, je ne suis pas en désaccord avec toi sur le fait que le changement est à relativiser. Je pense qu’il faut que nous creusions cela avec Yves. Sur les autres points, j’ai quelques remarques (et c’est un ancien client qui parle) : le processus d’achat est en effet un point important, quand on est dans le cadre d’un achat borné par les achats, mais beaucoup passent en dehors, d’ailleurs je crois que le bon vendeur en vente complexe sait – dans une certaine mesure – identifier les cas où la négociation peut s’effectuer en gré à gré. C’est même le graal. Là encore je crois qu’il faut qu’on fouille avec Yves. Sur les besoins, là je nuancerai. Sur ces points y compris sur les changements de comportement de l’acheteur je renvoie sur notre glossaire : https://visionarymarketing.com/fr/glossaire/comportement-de-l-acheteur-b2b/

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