IA et Big Data

Cédric O : En IA il y a un risque pour l’Europe de sortir de l’Histoire

J’ai assisté à la keynote de Cédric O sur l’ IA ce matin en ouverture de AIParis 2019 dont Visionary Marketing est partenaire média. J’ai donc écouté avec attention cette présentation qui nous parlait de l’Europe, de la France, de nos forces et de nos faiblesses et qui, en fin de compte a aussi été un moment très révélateur du rapport du politique à la technologie et à l’innovation, à la faveur d’une question fort bien posée : « Qu’est-ce que l’IA pour vous ? » 

Cédric O a été conseiller du Président Macron pendant 2 ans. Il n’a pas travaillé que sur le digital, mais aussi sur l’implication des états et une chose l’a marqué pendant ces 2 ans à l’Elysée, c’est le côté financier de la technologie qui fait que les deux premières puissances dans ce domaine sont indiscutablement la Chine et les États Unis. 

Cédric O IA
Vue panoramique sur un panoramique par Cédric O sur l’ IA. Entendu, mais de quelle IA parle donc Cédric O ?

Cédric O : « En IA Le risque est grand que l’Europe sorte de l’Histoire »

Le risque est grand a dit le ministre, c’est que l’Europe pourrait « sortir de L’Histoire ». 

l’IA n’est pas la seule techno en jeu a-t-il précisé (il y a notamment la blockchain) mais c’est une des technologies cruciales. 

La preuve de ce décalage et de ce risque, on le trouve dans les chiffres :  « En 2016,  30 à 40 MM € étaient investis dans l’IA par les GAFA et un montant équivalent en Chine ; alors que l’Europe ne dédiait que 4-5 MM € par an seulement à ce sujet ». 

D’où un sentiment d’urgence : « le risque se mesurera en pertes d’emplois et de souveraineté » et c’est ce qui a motivé, a expliqué le ministre, la mission de Cédric Villani.

Le ministre a ensuite exposé ses convictions principales :

  1. La bataille pour l’IA est une bataille pour l’intelligence humaine : c’est à dire qu’il faut former, garder et attirer les talents. Comme aux USA et en Chine. Chez les GAFA et partout, en Corée er ailleurs, il n’est pas rare de trouver un responsable de l’IA qui est français. « Il faut les retenir ici » a expliqué le ministre et c’est pour cela que l’Etat a décidé d’investir 1,5 MM € d’argent public, les 2/3 sur la recherche (Grenoble, Paris, Toulouse…) et payer les chercheurs au bon niveau pour qu’ils restent ici.La loi Pacte a d’ailleurs été modifiée afin de permettre aux chercheurs de passer 50% de leur temps dans le privé. « Il faut que les meilleurs reviennent, et cela a déjà commencé ». a déclaré le ministre. Et les résultats arrivent déjà avec des ouvertures de labs par des GAFA, mais aussi Orange et d’autres. Il y a aussi NABLA, une startup créée par d’anciens de Facebook qui sont revenus et ont fondé leur entreprise à Paris.
  2. Deuxièmement, une action transverse et verticale est nécessaire : l’IA dépend de l’ensemble de l’écosystème 1) Plus de financements d’abord car on l’a vu c’est la finance qui propulse l’innovation. Mais pas seulement. 2) Il faut aussi plus de formations. C’est selon le ministre, le premier facteur limitant des startups françaises. Et non la finance comme on pourrait le croire.Mais ce sont moins les formations haut de gamme qui sont concernées que les BT et les BTS. Car selon Cédric O les élites sont bien formées en France, c’est au milieu et en bas de l’échelle que le bât blesse a-t-il dit en substance. Autre point important selon lui, l’Europe ne pourra pas rattraper son retard sur les GAFA ni les BATX dans les domaines où la masse est concernée tant notre retard est grand. Par contre, nous pourrons nous refaire sur des sujets plus fins, des niches où nos chances sont plus grandes.
  3. Le ministre a cité parmi celles là la santé, les systèmes critiques (où 100% de fiabilité est requise), l’énergie. Mais avant toute chose il faut taper au bon niveau nous a-t-il averti : «  le bon niveau est le niveau européen » a-t-il prévenu.  « En 2017, l’Europe ne représentait que 10% de l’investissement des US et de la Chine. Le gap n’a pas été comblé, mais aujourd’hui ce chiffre est monté à environ 30-35% ».
  4. Un tableau quand-même tempéré par le secrétaire d’Etat par le fait que ce chiffre reste très en dessous de ses concurrents et que la relation franco-Allemande n’a pas permis de dégager un avantage concurrentiel pour l’Europe. « Ce que nous avons réussi à faire ensemble est décevant » a-t-il déclaré. La coopération industrielle est loin de ce qu’elle devrait être, même si sur le papier elle semble intéressante. 
  5. Les questions d’Ethique et d’IA au centre des préoccupations de l’Etat et de Cédric O : On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de problème ( « il suffit de lire Weapons of Math destruction » a argumenté le ministre).Il faut que donc que « l’Etat s’en charge ». Mais il faut aussi « s’en occuper sans rien lâcher de l’innovation, sinon on perdra pied, car le numérique s’impose toujours par les usages ». Le vrai problème et le vrai concurrent a déclaré le Ministre vient de la Chine un pays avec lequel « il faudra faire du judo ».
  6. Car il y a un problème commercial avec un pays qu’on « ne peut pas laisser faire car il a des valeurs opposées aux nôtres ».
IA Cédric O
Cédric O ce matin : « Qu’est-ce que l’A pour vous ? »

Le ministre en fin de compte reste optimiste en tablant sur cet écosystème qui se met en place et avec cet investissement qui est réalisé par l’Etat malgré « l’investissement privé qui pèche ». Et de blâmer la désindustrialisation de ce pays notamment face à l’Allemagne. Malgré aussi un classement PISA qui est mauvais pour la France, classée 26ème, loin derrière la Corée du Sud, un pays que le ministre, dont le père est coréen, connaît bien et qui est parti de très loin en misant tout sur l’éducation. 

Un optimisme un peu tempéré par la salle, qui a soulevé quelques interrogations lorsque un membre de l’auditoire a demandé « qu’est-ce que l’IA pour vous ? » Une question qui a placé le ministre dans l’embarras. En fin de compte il s’en est sorti par une pirouette en déclarant que « l’IA n’existe pas vraiment », en citant Luc Julia et Yann Le Cun. 

Comme quoi l’avenir de l’Europe peut dépendre de quelque chose qui n’existe pas, ce qui permet de jeter un doute sur la validité de certaines politiques et des moyens qui y sont mis. D’autant plus que ce pied de nez d’expert n’est pas forcément à prendre au premier degré et que les choses ne sont pas aussi simples que cela.

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »
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