Transformation digitale

Grands groupes startups et l’Omerta de la transformation digitale

Grands groupes et startups : voici un sujet qu’on voit revenir depuis de nombreuses années et encore plus depuis 5 à 6 ans que la transformation digitale est à l’ordre du jour. Lors d’une réunion récente chez « les cousins » mon confrère Rodolphe Roux s’époumonait sur scène pour s’insurger contre la distortion entre le discours et réalité de la « transformation digitale » (le terme en soi n’est pas neutre, on y reviendra).

Grands groupes startups et l’Omerta de la transformation digitale

Grands groupes startups : un grand groupe m'a tuer !
Grands groupes et startups : un grand groupe m’a tuer ! un article de Cyril Bladier qui méritait de figurer dès l’ouverture du musée des horreurs de la transformation digitale

Et voici la transition rêvée pour annoncer un nouveau site qui nous tient à cœur, sur lequel nous travaillons d’arrache-pied depuis le début de l’année, pour le compte de notre client iRevolution [transparence], j’ai nommé (Tadaaaaa!) : Le musée des horreurs de la transformation digitale. Un « musée » qui n’est pas un musée bien entendu, et que nous avons voulu aussi ludique que formateur, en puisant dans la connaissance du terrain d’experts reconnus en France et à l’étranger et les « aigles » de iRevolution (on reviendra sur ce terme).

Grands groupes et startups une histoire entre l’amour et la haine ?Les paroles de Rodolphe Roux des « cousins » étaient bien appuyées et les marques qu’il a citées n’ont pas été épargnées. Par pudeur, on ne les répétera pas ici, mais nombre de vrais innovateurs (les « cousins » pour reprendre le vocabulaire de The Family) ont acquiescé en les entendant et en découvrant les anecdotes croustillantes de Rodolphe. 

Grands groupes et startups Musée des horreurs transformation digitale
Le musée des horreurs de la transformation digitale ayant hélas fermé ses portes pour cause de Covid-19, nous avons repris cet article de Cyril Bladier du fait de son importance.

Remettre les pendules de la transformation digitale à l’heure

Grands groupes et start-ups
Cyril Bladier a écrit le 1er billet sur le musée des horreurs de la transformation digitale

Il était donc temps de faire quelque chose pour remettre les pendules de la transformation digitale à l’heure et c’est pour cela qu’avec iRevolution que nous avons pris les devants en créant le musée des horreurs de la transformation digitale.

Voici donc le premier article d’une longue série qui traitera de divers sujets de la transformation, de façon brute et directe, en bons « cousins » que nous sommes pour paraphraser Rodolphe. Et pour cela nous avons fait appel à un autre « cousin » et ami, Cyril Bladier, qui lui non plus ne mâche pas ses mots, c’est bien connu.

Le billet inclut une longue interview de Kevin Palop, expert chez iRevolution qui nous a partagé son expertise client et terrain. Que du vécu, des conseils du terrain, pas de bla-bla.

« On recrute des Mbappé du digital et après ça fait Pschitt » – Rodolphe Roux

Rodolphe
La photo n’est pas terrible mais le slide casse la baraque, j’en suis presque tombé de ma chaise. Rodolphe donne l’impression de s’échapper mais dans la réalité il a livré un superbe plaidoyer pour l’innovation en dressant un tableau hyperréaliste de la relation entre grands groupes et startups

Pour résumer les paroles de Rodolphe, tapées à la va vite sur ma tablette pendant qu’il parlait tant je n’en croyais pas mes oreilles, les grandes entreprises « recrutent des Mbappé du digital et après, ça fait Pschitt » nous a-t-il déclaré.

Mais « après, il n’y a pas de volonté » ce qui traduit selon lui un « vrai problème d’adaptabilité, dû à des organisations pyramidales » impénétrables et surtout impossibles à dynamiter.

Résultat, même avec les Mbappé sus-nommés, pas de résultats. Mais, poursuit Rodolphe, « Personne n’ose dire cela » il y a, une Omerta de la réalité de la transformation digitale. Personne n’ose parler.

Et Rodolphe d’annoncer qu’il « est temps de frapper un grand coup ».

Grands groupes et startups : mais quel est le rapport avec votre business ?

Ainsi mes pérégrinations m’ont amené il y a quelque temps dans un lieu superbe créé par une grande et honorable institution financière : énorme salle de travail créative, sofas, sièges et tables repositionnables, écrans géants et startups à tous les étages, bref tout le décorum de l’accélérateur a la sauce grande entreprise.  

musée des horreurs
Le musée des horreurs de la transformation digitale, ludique et informatif à la fois

Au cours des discussions et des présentations on vient à y évoquer les succès concrets de l’incubateur. La start-up X était à l’honneur car elle avait réalisé beaucoup de travaux sur place, jusqu’à provoquer une levée de fond et à voler de ses propres ailes.

Voici l’échange en substance entre la représentante de la grande banque et moi-même.  

_ « […] Et vous avez des résultats concrets ?

_ « Oui ! la startup X a réussi une levée de fonds

_ « Génial ! et vous l’avez accompagnée financièrement je suppose, comment cela s’est-il passé ? Quels sont vos plans pour le futur ? »

_ « Ah non, c’est la banque Y [ndlr : un concurrent] qui a financé et ils ont rejoint leur pool de startups »

Voici qui résume tout.

Et maintenant place à l’article de Cyril sur le musée des horreurs de la transformation digitale

Grands groupes et startups : un grand groupe m’a tuer !

Vendre sa start-up à un grand compte n’est pas un objectif de tout entrepreneur. Certains en rêvent, d’autres veulent au contraire créer une licorne qui entrera dans les livres d’histoire.

Néanmoins, de gré ou de force, c’est une situation qui peut un jour se présenter.

Au-delà de l’aspect purement financier qui peut finir par séduire les plus récalcitrants, la pérennité de l’entreprise créée et la gestion de l’ego qui l’accompagne sont des sujets qui ne laissent pas indifférents les entrepreneurs.

 Des annonces… au départ

En effet, ces rachats s’accompagnent d’annonces retentissantes où des chiffres qui donnent le vertige marquent les esprits sans pour autant être une garantie de succès :

Ce ne sont que quelques exemples, mais la liste est longue. Les success stories à la Instagram ou WhatsApp sont assez rares. Bizarrement il y a nettement moins de communication sur les succès et / ou les impacts positifs des intégrations réussies.

 Fini l’effet de comm

De nombreux grands groupes ont créé des équipes innovation, des LAB, des incubateurs… pour se rapprocher de l’écosystème des start-ups. Derrière ces initiatives, il y a souvent eu un alibi « comm ». Ce n’est pas une critique gratuite. Paul-François Fournier, Directeur Innovation de BPI France a déclaré en interview : « derrière le rideau de l’open innovation, il n’y a plus seulement de la comm mais des projets réels ».

 Innovation et grands comptes ? Une antinomie ?

L’une des difficultés vient du fait que l’innovation ce n’est pas réellement l’ADN des grands groupes. On ne parle pas là des géants américains du web qui sont nés de l’innovation et l’ont inscrite dans leurs gènes. On parle ici des groupes industriels traditionnels, et dans ces cas-là les américains ont moins de leçons à nous donner.

Back to basics

En fait, le rachat de start-up, c’est comme n’importe quel projet de transformation. Une fois de plus la nouvelle économie n’échappe pas aux règles qui font les fondamentaux du monde de l’entreprise. Le marketing digital ? C’est avant tout du marketing. Le social selling ? ça reste de la vente.

La gestion de crise ? les réseaux sociaux accélèrent la diffusion de l’information, mais cela reste une crise à gérer. Il faut arrêter de considérer que dès qu’on ajoute « digital » ou « numérique » à un terme, il perd son sens. Cela m’a d’ailleurs souvent surpris, dès qu’on met digital dans une phrase, de nombreux professionnels perdent tout sens commun. Ce mot a un réel pouvoir de déstabilisation.

Le rachat de start-up, c’est la même chose. C’est une forme de transformation, qui doit s’accompagner. Peu importe le programme IT qu’on met en place ou les outils dans lesquels on investit, le succès repose dans l’accompagnement des équipes. Peu importe la start-up rachetée, son métier, sa notoriété, sa puissance, le succès ou l’échec réside dans l’accompagnement du processus.

Le rachat d’entreprise n’est pas toujours couronné de succès et les start-ups n’échappent pas à la règle.

Comment éviter ces échecs ?

Il faut commencer par un retour à la base : le Why ? Pourquoi un grand groupe envisage d’acquérir une start-up. Souvent c’est déjà à ce niveau que le bât blesse. Or on sait que ce n’est pas sur des fondations instables qu’on va réussir à construire quelque chose de solide. La start-up est souvent une mauvaise réponse à un vrai problème. On pensait il y a quelques années compenser ses lacunes par des optimisations de processus ou des programmes de réduction des coûts, on pense aujourd’hui rachat de start-up. Ce qui est d’ailleurs surprenant, c’est que l’acquisition est souvent l’unique piste envisagée au détriment d’autres leviers tels que la création ex nihilo d’une structure spin off.

 Le choc des cultures

Écueil fréquent : le choc culturel. Là encore le terme « digital » a frappé et tout le monde perd ses moyens. Tout chasseur de tête de dirigeants et de cadre supérieur dira que son rôle est notamment de valider l’adéquation entre un futur collaborateur et la culture de l’organisation qui l’accueille. Donc, du savoir être. Quand je pense que certains ont écrit que LinkedIn allait tuer les cabinets de chasse !

En revanche, quand il est question de rachat de start-up, ce point ne semble plus être un sujet. On en oublie que les cultures sont intrinsèquement différentes et qu’avec le rachat, la start-up perd une partie de son ADN (flexibilité, souplesse, prise de décision rapide, focus business, pas moins de politique…).

 Y aller pour de bonnes raisons

La start-up est aussi l’arbre qui cache la forêt. La start-up est envisagée en tant que telle alors que sa valeur réside dans son équipe. Beaucoup de BA ou de VC s’attachent essentiellement à l’équipe qui compose la start-up dans lesquelles ils investissent.

Le rachat n’est pas la seule option possible. Il y a notamment des modes de collaboration entre start-ups et grands comptes. Il existe notamment les POC (Proof Of Concept). L’intention est louable : dans un deal entre un grand compte et une start-up, le POC permet au grand compte d’affecter un budget à des initiatives de test.

Un budget est défini par POC, charge à la start-up de faire entrer les éléments d’un test pertinent dans cette enveloppe. Mais il y a de très nombreuses dérives qui elles aussi peuvent tuer des start-ups : POC non rémunérés, POC sans plan de déploiement, POC non mis en œuvre. D’ailleurs, BPIFrance dit « non aux POC gratuits ». Le POC, lui aussi, peut être destructeur pour la start-up.

 A droite ou à gauche ?

Complexité supplémentaire, selon BPIFrance, les clés du succès ne sont pas du tout les mêmes selon qu’on se place du côté des grandes entreprises :

  • clarté
  • vision et culture communes
  • conviction, réactivité et respect

ou des start-ups :

  • Bien identifier le rôle et la stratégie du groupe, persévérance, compétence
  • Avant tout une aventure humaine, respect du travail

A quand un dictionnaire start-up / grand groupe pour apprendre à parler le même langage ?

Place maintenant au point de vue de Yahya El Mir, le patron de iRevolution

Le point de vue de l’expert : « Les grands groupes ne peuvent ni ne doivent travailler comme des startups !

Pour illustrer mon propos, je suis allé échanger avec Kévin Palop, Business Innovation Expert chez iRevolution. Selon lui, il est nécessaire de ne pas chercher à dénaturer la start-up ni le grand groupe. Le rapprochement doit au contraire tenir compte des points forts des deux entités, sans chercher à les fusionner à tout prix. 

« Un projet d’absorption de start-up est un projet complexe. En vingt ans, les grands groupes se sont beaucoup améliorés à ce sujet : ils savent désormais en gérer de nombreux aspects, et en maîtrisent certains rouages, notamment financiers. Ils évitent ainsi quelques écueils (comme le rachat de « coquilles vides » qui peuvent se créer après le départ des équipes et des fondateurs, les bulles de valorisation, la présence d’actionnaires majoritaires…). Leurs méthodes financières sont donc bien rodées et éprouvées.

Mais au-delà de la finance et de l’actionnariat, c’est souvent l’angle sous lequel est abordé le rachat qui nécessite encore d’être travaillé. L’apparition de la start-up au sein du grand groupe crée parfois des velléités de changements de fonctionnement qui ne sont pas forcément bénéfiques.

Par exemple, il peut être tentant d’aborder le rachat d’une start-up sous le prisme de l’hybridation. En essayant de faire fusionner les deux univers du grand groupe et de la start-up, on espère en obtenir un nouveau, imaginé comme nécessairement plus fort et plus adapté à son nouvel environnement digital ! Mais les deux entités sont de natures si différentes, avec leurs propres fonctionnements, leurs ADN respectifs, des besoins et des objectifs distincts, que cette projection peut finalement s’avérer infructueuse et stérile.

Il est également impossible pour un grand groupe de se comporter comme une start-up en adoptant ses codes, sa culture, ses façons de travailler…Un grand groupe, par nature, ne peut pas travailler ni se comporter comme une start-up. Et il ne doit pas chercher à le faire ! Sa force réside justement dans ses spécificités propres, qui le définissent. Comme par exemple, un fonctionnement avec des processus cadrés, qui nécessitent un temps bien défini. C’est justement cette forme de lenteur et d’inertie, totalement à l’inverse du fonctionnement d’une start-up, qui lui donne paradoxalement une vraie assise et de la puissance.

Vouloir être un bœuf qui court aussi vite qu’un guépard ne fonctionne pas… et ce n’est pas souhaitable.

Alors comment aborder un projet de start-up ? Plutôt que de le penser sous l’angle d’une hybridation, les grands groupes peuvent l’aborder sous l’angle d’un écosystème. Au sein d’un écosystème, chaque espèce peut se développer indépendamment, avec sa propre nature et ses propres façons d’être, tout en rendant possibles de vraies synergies avec les autres membres. Cet univers est vertueux lorsqu’il s’agit de faire cohabiter le grand groupe et la start-up : ils pourront s’apporter l’un à l’autre, s’enrichir mutuellement et croître, chacun à sa façon. Il est donc nécessaire d’organiser la gouvernance de façon à ce que la start-up conserve une totale autonomie.

Penser et organiser un écosystème de ce type est véritablement un métier à part, si l’on veut qu’il soit stable et qu’il puisse accueillir ultérieurement d’autres parties prenantes, dans une dynamique vertueuse. Cela nécessite un équilibre subtil sur le plan financier, sur le plan des participations, parfois sur le plan industriel et enfin, sur le plan stratégique. Lancer ce type de projet sans être accompagné est donc encore, aujourd’hui, un vrai défi !»

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »
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