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Uberisation : mythe ou réalité de la transformation digitale

L’ubérisation est-elle un mythe ? Nous reprenons ici le cours de notre publication comme indiqué dans le dernier billet de lundi dernier, l’émotion et la colère ne devant pas prendre le pas sur la vie normale, même si tout peut nous paraître futile en ce moment, au regard des événements de la semaine dernière.

Mythe et réalité de l’ubérisation

Mythe ubérisation
Pas la peine d’aller chercher dans la bibliographie d’Alfred Tennyson, ce mythe-là, celui de l’ubérisation, n’a pas encore eu les honneurs de la littérature

« FNAC et Darty fusionnent pour résister aux e-commerçants* » la nouvelle est tombée vendredi midi sur BFMTV alors que je mangeai mon escalope de veau à la normande, au café du Ranelagh. Elle avait l’air innocente, cette nouvelle, les voisins de table n’ont pas levé la tête et pourtant… Au-delà des jugements à l’emporte-pièce qu’on entend répéter à l’envi sur l’uberisation, un phénomène de fond, beaucoup plus profond, est en train de se produire.

Et ce n’est pas forcément ce qu’on croit. Cette nouvelle, quoiqu’il en soit, à la fois impressionnante  et banale, de cette résistance organisée aux « e-commerçants » était-elle symbolique d’un monde qui change. D’ailleurs, quand on parle de résistance aux e-commerçants, devrait-on dire à Amazon, qui vient d’ouvrir son magasin à Seattle et qui s’apprête à croquer le commerce phygital tous azimuts ? Pourtant, cet e-commerce triomphant que d’aucuns ont refusé de prendre au sérieux à ses débuts, on le voit venir depuis longtemps.

Zoom sur la transformation digitale, ce bouleversement qui nous attend tous, cette révolution probablement pas 100% digitale, mais où le digital va jouer un rôle de plus en plus évident. Cet article aurait dû me servir d’introduction à une présentation que je devais faire dans le cadre de la conférence sur la transformation digitale à l’IAE de Paris, du 19 novembre à 19h15 qui a été reportée pour les raisons qu’on sait. Ce n’est que partie remise bien-sûr.

* ce titre est de BFMTV

Ubérisation : arrêt sur image

L’image est dans toutes les mémoires. Elle fut même projetée par David Shing (@shingy) le 5 novembre au SAS Forum qui s’est tenu au palais des congrès : « vous y allez les gars ! » S’est exclamé le « prophète digital » australien (sic) d’AOL. « J’aime bien ça ! » : il a dit cela car il est atypique, mais les critiques contre la France, dont la violence de rue n’est plus à démontrer, ont fusé. Ceci, même si les luttes ont eu lieu, parfois aussi violemment, dans tous les coins du monde. Et le truculent et excellent Maurice Lévy d’en profiter pour parler d’une ubérisation du monde. Et que faut-il en penser ?

Le spectre et le mythe de l’ubérisation a mis la trouille à tout le monde mais la peur n’évitera pas le danger

uberisationCeci me rappelle les débuts du Web, ou les évangélistes décrivaient les nouveaux acteurs de l’Internet naissant comme les « hordes barbares » qui tels Attila supprimeraient tout sur leur passage. En 96, on ne donnait pas cher de la peau du commerce physique ni des rues commerçantes, et encore moins des banques que Bill Gates traitait de dinosaures. 20 ans plus tard, les choses n’en sont pas tout à fait là, mais beaucoup a changé depuis. Je n’ai jamais été un fan de ces exagérations, et je ne me sens pas non plus très enthousiaste quand j’entends parler d’uberisation. Pourtant, tout cela n’est pas (complètement) faux, même si c’est simplificateur. Mais au-delà de cela, c’est surtout qu’il y a toujours la même idée, archaïque et bien ancrée dans les têtes, que l’économie est un jeu à somme nulle.

Or, la réalité est bien plus complexe, et bien éloignée de la simplicité de ce jeu gagnant / perdant. Mon côté optimisme tend plutôt à m’intéresser à  un jeu gagnant-gagnant où ceux qui perdraient (conditionnel de mise) leur job, pourraient très bien en profiter pour se former, apprendre, évoluer, changer de spécialité, voire même créer, inventer, entreprendre. Certes, mais ces bouleversements sérieux qui sont en cours et que l’on ne peut pas forcément ramener à une société de taxi, ne vont pas simplifier les choses pour les moins qualifiés d’entre nous.

L’ubérisation, énième symptôme d’une discussion de sourds

C’est que cette uberisation est le symptôme d’une discussion de sourds qui perdure depuis 20 ans. D’une part les technolâtres qui pensent, il en est, qu’il faille mettre la peur au ventre au vulgum pecus en croyant que c’est là un arguberisation - économieument de vente.

Souvent les prédictions hâtives et exagérées (ne tenant compte ni du temps long de l’économie, ni des corrections régulières de la bourse) de ces apôtres de la « disruption », souvent démentis par les faits comme l’a démontré Joanne Jacobs, se prennent une claque dès qu’une bulle a un peu trop grossi.

Alors l’exagération se retourne contre eux. Nous avons déjà vécu cela une ou deux fois, et sans doute que l’éclatement de la bulle, qui ne manquera pas d’arriver un de ces jours, viendra nous le rappeler.

De l’autre côté, les goguenards qui ricanent en écoutant les technolâtres sus-cités, qui savent que les faits sont têtus et qui voient bien le monde qui change – quand même – mais qui préfèrent que le monde les change plutôt que de changer le monde.

C’est moins risqué, du moins à court terme, et comme me le faisait remarquer le DG d’une grande institution que je ne nommerai pas  » que voulez vous qu’ils se risquent à changer quelque chose ? Ils ont bien compris mais ils sont prêts de la retraite. Ils n’ont pas envie de reclasser massivement des personnels pour ensuite se prendre un coup de fil de Bercy« .

La vérité de la transformation digitale est ailleurs

En témoignent de nombreux travaux déjà menés sur des secteurs divers (la banque, les experts-comptables, les télécom, autant de métiers qui sont tous à leur manière bouleversés) on retrouve à chaque fois les mêmes ingrédients : réglementation/déréglementation, organisation du travail, aspirations contradictoires des populations et des marchés et enfin, cerise sur le gâteau, spécialisation des nations sur leurs points forts économiques (à l’image du concept des avantages comparatifs développé par Ricardo).

Tels sont quelques-uns des points les plus fréquemment rencontrés sur la scène économique actuelle. Et le « digital » (« car celui-ci reste difficile à délimiter précisément) dans tout cela ?

Le terme de consommation digitale est probablement impropre, on devrait parler de transformation avec le digital, ce digital qui n’est pas la cause unique de ces ruptures mais qui en est indéniablement l’accélérateur et le facilitateur. Les philosophes, à l’instar de Bernard Stiegler, parlent de Pharmakon, ce remède qui est aussi un poison. Qu’on me permette de me focaliser sur le remède et de mettre d’accord technologues et techno-sceptiques. Il est possible d’inventer les jobs de demain, il ne tient qu’à nous de le faire. Pour cela j’interviendrai à l’IAE à Paris  sur ce thème (à une date qui sera précisée ultérieurement sur ce blog) et je développerai 7 points, 7 injonctions paradoxales qu’il va nous falloir comprendre et avec lesquelles nous allons devoir vivre, pour mieux appréhender les changements en cours et rester positifs.

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »
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