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pour développer l’innovation il faut tuer des idées !

Et si pour développer l’innovation il fallait tuer les idées ? Martin Duval de Bluenove n’est pas seulement un entrepreneur qui a réussi ni un simple évangéliste acquis à la cause de l’innovation ouverte. Il est également un auteur de textes marketing de l’innovation capable d’aller à rebrousse-poil.

Pour développer l’innovation Martin Duval recommande de… tuer des idées !

Innovation
Martin Duval préconise de tuer les idées pour innover plus. Une démarche proche de notre méthodologie

Alors que la plupart des apprentis innovateurs passeraient leur temps à expliquer comment produire de nouvelles idées (ce que dans la langue barbare de l’innovation on appelle un processus d’idéation) Martin Duval préfère, comme la plupart des innovateurs rompus à leur sujet, mettre l’emphase sur l’art subtil de la sélection et… de l’anéantissement des idées non viables. Voici ses réflexions, qu’il a bien voulu livrer à nos lecteurs

Récemment, j’ai eu la chance de pouvoir décrire les défis que les start-up françaises rencontrent vis-à-vis de du financement de leur phase d’innovation initiale ainsi que dans la gestion des partenariats avec les grandes entreprises. Cet article qui fut publié par la revue 01 informatique, intitulé Innovation, et si chacun jouait
son rôle
, je précisai que les startups devraient se focaliser uniquement sur les partenariats avec ces entreprises qui ont déjà mis en œuvre un processus d’incubation et de partenariat structuré. Parmi celles-ci, citons NOVA external venturing, qui fait partie du géant industriel Saint-Gobain, où VEOLIA innovation accelerator. Parmi les processus d’innovation ouverte qui ont été créés et mis en œuvre par ces grandes entreprises, j’ai mis le doigt en particulier sur leur capacité à « tuer » les innovations et les partenariats potentiels. Je sais que cela peut paraître étrange venant de la part d’un évangéliste de l’innovation mais j’insiste, on doit apprendre à dire non si l’on veut arriver à des résultats positifs.

Ce que je veux dire par là c’est que les startups par nature ont des ressources et du temps limité pour essayer de comprendre les schémas d’organisations complexes des grandes entreprises. Les points d’accès ainsi que les processus de décision y sont aussi souvent décourageants. De ce fait, quand une grande entreprise est capable de le mettre en œuvre et qu’il existe un processus pour filtrer les partenaires potentiels dans un délai raisonnable, au lieu d’envoyer un message négatif, ceci permet au contraire de renvoyer une image positive. Je recommanderais un délai d’1 mois à 1 mois ½ au plus pour revenir vers les responsables des start-up et éviter de les maintenir dans l’expectative. La Start up en question peut alors décider de poursuivre ses tentatives de partenariat courant le risque de trouver d’autres points d’entrée dans l’entreprise, de changer ce qui nécessite d’être changé dans son projet, voire même de chercher un autre partenaire.

Dans l’idéal, et c’est paradoxal, plus un retour négatif est expliqué et détaillé, plus la valeur pour la start-up est grande : de telles explications peuvent en effet mettre en exergue les faiblesses inhérentes au projet original, ainsi que de mieux identifier les marchés cibles des nouvelles solutions. En conséquence, c’est un moyen aisé pour les grandes entreprises de fournir de la valeur et en même temps d’améliorer leur réputation à l’intérieur de leur écosystème de l’innovation. Il est certain cependant que rejeter une candidature demande beaucoup de préparation ainsi qu’une démarche structurée et enfin des ressources adaptées de façon à livrer une analyse correcte et gérer le suivi dans le mois/mois ½ qui est imparti.

En fait, le processus de réjection d’un dossier peut intervenir à chaque étape du processus d’innovation avec une plus haute probabilité et plus de préparation au départ du processus, puis à partir du premier filtrage avant le contact, juste après le contact premier contact/meeting, après l’étude d’opportunité, pendant la négociation de partenariat et après les premiers tests. D’une certaine façon, je crois même qu’avoir un processus de sélection rigoureux rend l’entreprise plus attractive encore et lui donne une bien meilleure image que des succès isolés obtenus au fil du temps. En outre, ce type de processus s’applique non seulement aux startups mais aussi aux universités, aux centres de recherches privés ou publics, aux fournisseurs et aux clients impliqués dans les initiatives de crowdsourcing etc.

En définitive, les grandes entreprises peuvent tirer un bénéfice concurrentiel de la gestion de ces filtres aux propositions d’innovation de la part des startups et autres acteurs de l’innovation externe. Plus le processus est strict, plus cette entreprise sélective deviendra désirable, aux yeux des acteurs plus modestes de l’innovation.

De même, en ce qui concerne la gestion des processus d’innovation internes, trop peu d’attention y est portée à l’élimination des projets non viables à mes yeux. Bien souvent, un pipeline d’innovation standard est conçu – au sein d’un processus global innovation – avec un grand bec verseur à gauche de l’entonnoir appelé idéation et un tuyau beaucoup plus fin sur la droite, dont les projets réussis émergent. Encore une fois, il y a beaucoup de valeur à retirer de la suppression des projets non viables à chaque étape du processus d’innovation et voici quelques exemples des bénéfices que vous pouvez espérer d’une meilleure vigilance à ce sujet :

  • réallouer des ressources à d’autres projets plus prometteurs ;
  • apprendre des essais et des erreurs et capitaliser sur les meilleures pratiques pour tous les projets ;
  • développer la culture de l’innovation – en apprenant de ses erreurs, et en visant le succès – de façon à faciliter la motivation et encourager les idées innovantes;
  • simplifier les portefeuilles de projets ;
  • réduire les recouvrements entre les projets sans parler de la concurrence interne entre ces derniers.

Le processus d’innovation devient de plus en plus collaboratif grâce à l’émergence des plates-formes d’Entreprises 2.0 qui supportent ces processus de gestion des idées et des projets. Il s’ensuit naturellement que partager ses réflexions autour des innovations qui ne peuvent pas être acceptées et des projets qui devraient être éliminées est une obligation impérieuse. Encore une fois, insistons sur le fait que le nombre de ressources allouées au filtrage de ces projets et à leur élimination est un point important de ce processus.

À la fois le rejet voire l’élimination des fausses bonnes nouvelles idées/innovations peut fournir à l’entreprise des bénéfices en termes de compétitivité. Etes-vous – et votre entreprise – prêts à sauter le pas afin d’en retirer les bénéfices attendus en termes d’image ? Si c’est le cas, entraînez-vous à dire NON et à tuer plus de mauvaises innovations !

Bluenove est une entreprise de conseil spécialisée dans l’innovation collaborative et ouverte : http://www.bluenove.com

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »

Un commentaire

  1. Pourquoi est-ce si difficile de tuer une idée? Parce que l’affect touche notre raison et inhibe notre réflexion.

    La plupart des créateurs manquent de recul. On dit communément que leur projet est leur bébé et ce n’est pas peu dire.

    Qu’est ce qui leur manque, tout comme à certains analystes ? Probablement des indicateurs, des points de repère leur permettant d’évaluer l’avancement du projet, la qualité de celui-ci et enfin la rentabilité de la mise en oeuvre.

    A intervalle régulier, l’analyse doit conduire à un choix raisonné. Qui peut-être de prendre conscience que l’on est dans une impasse !

    1. En effet, Pedro tu sembles introduire presque une notion de ‘Coaching’ pour aider à mettre fin à un projet. C’est évidemment difficile du point de vue du porteur et tout l’enjeu est bien la qualité de l’environnement et de l’accompagnement de cette décision, avant/pendant/et après l’arrêt. Je veux croire qu’un porteur qui redémarre sur un autre projet prometteur se remotivera plus rapidement que celui qui continue sur un projet ‘mort vivant’.

  2. Salut Martin,

    Oui, tu as raison, il faut sélectionner : il vaut mieux la moitié des projets bien staffés et qui avancent deux fois plus vite qu’un staff réparti sur deux fois plus de projets qui mettent deux fois plus de temps …

    Pour sélectionner, connais-tu les tournois d’innovation ? Les idées sont éliminées à chaque tour du tournoi. Il y a aussi des groupes qui pratiquent l’innovation en parallel processing : on développe deux projets en émulation et on pratique la sélection naturelle qui nous garantit le meilleur résultat. Enfin, on peut évoquer la méthode du double D (Diamond).

    Après, il y a des structures qui sont très douées pour tuer sans discernement et pratiquer le « non invented here », il n’y a jamais rien qui sort de l’entonnoir …

    Il faut tuer pour bien staffer, mais tout est dans le bon timing pour le faire.

    1. Merci pour ces techniques Nicolas.
      En effet, encore faut-il laisser se développer suffisamment les idées et les projets à différents stades de maturité pour qu’à des moments réguliers une rationalisation du ‘portefeuille’ de projets puisse avoir lieu. Avant tout l’objet est bien de libérer des espaces et des ressources pour augmenter les chances que des ‘Success Stories’ débouchent avec le meilleur ‘Time To Market’.

  3. Bonjour Martin,

    Tout à fait d’accord avec toi: savoir dire « non » dans un processus d' »ideation » transparent et argumenté est beaucoup plus porteur de valeur que le « marais » des décisions en « stand-by », qui ne génère que frustrations (y compris chez ceux qui devraient répondre mais ne savent pas bien quoi dire) et où de grandes idées peuvent croupir pendant longtemps !

    Reste à stimuler l’envie des équipes à oser à nouveau, là où un management court-termiste et financiarisé à outrance de ces dernières années a certainement découragé beaucoup d’initiatives individuelles et collectives…

    C’est à apporter « du sens autrement » que les dirigeants des grands groupes devraient s’atteler aujourd’hui, pour que les idées qui feront la valeur (ou les valeurs) de leur entreprise demain soient encouragées par la promotion de la diversité des regards et le potentiel de créativité et d’audace qui est là, tel un gisement qui n’attend qu’à être exploité et canalisé !

    1. Oui donner du sens au ‘Success Stories’ autant qu’à la nécessité de mettre fin efficacement à des projets. Là aussi le besoin de sens intervient d’ailleurs à chaque étape: ideation, incubation, sélection, pilotes ou partenariats, lancement prioritaires et arrêts éventuels.

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