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L’IA fait passer l’informatique à une autre échelle : attention aux erreurs !

Les entreprises de 2019 cherchent encore à digérer la transformation digitale. Sans doute est-ce parce qu’elles sont passées à côté du fait que la transformation digitale est plus une affaire de transformation avec le digital qu’une transformation pour le digital. Dit comme cela, ça a l’air évident, mais le récent témoignage de Guillaume Pépy lors de la conférence du G9 plus d’octobre 2019, a démontré qu’il y avait encore beaucoup de chemin à parcourir. Les nombreux commentaires qui ont suivi sur LinkedIn ont été également riches en enseignements.

L’IA fait passer l’informatique à une autre échelle : attention aux erreurs !

erreurs de l'IA
Si la transformation digitale a déjà pas mal coûté aux entreprises du fait de leurs erreurs, avec l’IA, elles vont passer à la vitesse supérieure

J’en ai relevé plusieurs types que j’ai regroupés ainsi  :

  • D’une part les vieux grognards du digital qui se sont retrouvés dans les discours de Guillaume Pépy avec des réflexions du style « enfin quelqu’un qui ose avouer tout haut ce que tout le monde pense tout bas ». On va les mettre de côté, il s’agit plus d’un cri de soulagement de la part de personnes qui ont souffert sur le terrain que d’une information utile. Le soulagement est compréhensible mais ce n’est pas forcément une bonne tactique.
  • musée des horreurs de la transformation digitale
    note : le musée des horreurs de la transformation digitale ayant malheureusement fermé ses portes pour cause de Covid-19, nous avons repris ce billet ici pour permettre aux lecteurs de bénéficier de ce contenu

  • D’autre part, les vieux grognards du management qui ont expliqué que finalement, tout cela était « un abandon de management » ou « un aveu d’impuissance ». Ceci n’est pas faux non plus. D’ailleurs, Guilhaume Pépy ne s’en est pas caché lui-même, quand il a avoué que le management était son propre frein au changement. Mais on n’est pas bien avancé pour autant.
  • Troisième groupe, les vieux grognards de l’interne qui ses sont sentis un peu visés. J’imagine leur réaction. D’ailleurs, j’ai lu un commentaire très digne et très positif, c’est encourageant. Eux aussi sont passés par des difficultés et notamment celles de convaincre les autres grognards, ceux qui ne veulent pas bouger (un grand classique des organisations comme je l’expliquais ici). On imagine les difficultés, mais là encore ça n’avance pas à grand-chose.
  • Quatrième, les outsiders qui ont trouvé ça amusant qu’un patron puisse se lâcher, surtout à la veille de son départ (c’est toujours plus pratique qu’au lendemain de son arrivée. Après tout, Pépy l’a dit lui-même il conseillait à son successeur de dire du mal de son prédécesseur, « comme il l’avait fait [lui]-même ») ça ne coûte pas cher et ça permet de repartir d’une feuille blanche. Au-moins, ce cynisme était-il assumé.
IA et erreurs
La salle des arts et métiers accueillant le G9+ le 21/10. Une salle pleine à craquer avec un auditoire qui retenait son souffle et parfois laissait échapper un rire nerveux.

On imagine bien que l’ancien patron de la SNCF avait d’autres chats à fouetter que ceux-là. Libéralisation du marché, ouverture à la concurrence, passage à la société anonyme, changement des statuts etc. autant de sujets sur lesquels le digital peut avoir un rôle à jouer, mais pas forcément de la manière dont il a été mis en place.

En cela on peut le contredire quand il dit que « le digital n’était pas en phase avec aucun des défis majeurs de l’entreprise » (en substance). À l’inverse, c’est au management de mettre le digital sur les rails des grands défis de l’entreprise. Cela demande un peu d’attention. Le mode startup, pas répréhensible en soi, a lui aussi ses limites, il faut manager (en cela je rejoindrais le deuxième groupe des grognards).

En fin de compte, qu’on aime ou qu’on n’aime pas ce qu’a dit l’ancien patron de la SNCF, que l’on soit d’accord sur la façon dont il l’a dit ou non, cela ne change rien. Le mérite de son discours est d’avoir mis les choses au clair, ce qui est toujours plus facile, comme je l’écrivais en conclusion de mon article, pour pouvoir repartir d’un bon pied.

Utiliser ses erreurs

Car, pour partir du bon pied il faut éviter et éliminer les erreurs. C’est pour cela que le discours de Pépy est intéressant. Pas parce qu’il s’est lâché comme l’ont dit certains. Certes, il a dû laisser libre cours à un grand nombre de frustrations qui sont sorties peut-être plus vite qu’il n’avait réfléchi.

Mais sans essayer de le juger ni de juger les personnes qu’il a mises en cause, car ce n’est ni notre prérogative, ni notre envie, il a su mettre en exergue un grand nombre de dysfonctionnements qui sont classiques dans la mise en œuvre des transformations digitales.

Soyons clair d’ailleurs, quand j’ai posé la question à mes amis à Michael Tartar et David Fayon cet été, afin de savoir s’ils avaient de bons exemples de trasnformation digitale à me fournir, la réponse est arrivée cinglante : « il n’y a pas de bons exemples de transformation digitale » (en substance) m’ont-ils dit, fermez le ban.

En IA aussi les erreurs peuvent être nombreuses

Alors revenons à notre sujet et parlons cette fois-ci de l’IA. Là aussi, les erreurs sont potentiellement nombreuses. Mais avant de rentrer dans celles-ci, fort bien décrites par Grégory Palière dans cet article que nous avons rédigé pour notre client iRevolution sur son blog « le musée des horreurs de l’IA et de la transformation digitale », revenons tout d’abord sur ce qui fait la spécificité de l’IA, pour ensuite décrire les erreurs à ne pas commettre. Comme nous le verrons, elles ont beaucoup à voir avec celles commises dans la transmission digitale… mais sur une autre échelle.

L’IA fait passer l’informatique à une autre échelle

D’abord, l’IA fait passer l’informatique à une autre échelle, celle des « Big data ». Mais attention, pas les Big data « à la papa », tel qu’on les imaginait il y a sept ans. Il s’agit non de prototypes, mais de vrais projets avec des millions de données, souvent issues de la collecte des systèmes d’information ou de l’Internet des objets (IOT : dont on croit à tort qu’il s’agit d’un sujet grand public alors qu’en fait c’est un sujet industriel).

C’est en substance ce que The Augmented Company fait avec des produits comme Star 5, où des millions de données sont recueillies pour permettre des classements et des benchmarks des produits de grande consommation sous tous les angles. Ce genre de technologie est à la portée des grandes entreprises aujourd’hui. Plus besoin de construire des usines à gaz, la technologie est faite d’assemblages.

Attention, experts dangereux

Ensuite, il s’agit d’un sujet dans lequel il est difficile de s’y retrouver, d’autant plus que les experts du sujet brouillent pas mal les cartes.

Certains, de vrais experts, viennent nous dire que l’intelligence artificielle n’existe pas, ce qui est bien entendu une (fausse) bêtise, car elle existe bel et bien (en fait c’est plus une argutie de spécialiste qui vient nous expliquer que le terme est mal choisi pour décrire une réalité plus complexe que celle qu’il peut couvrir).

De l’autre côté des experts de leur domaine (Steven Hawking dans le domaine de l’astrophysique), mais de faux experts en IA et complètement déconnectés de la réalité comme cela a été fort bien démontré par Jean Gabriel Ganascia dans son livre « le mythe de la singularité ».

En conséquence, la résonnance engendrée par l’intelligence artificielle est sans précédent. Si vous trouviez qu’on avait fait beaucoup de bruit autour de la transformation digitale, alors mettez à nouveau vos ceintures, car dans l’intelligence artificielle le bla-bla ne connaît pas de limites (c’est d’ailleurs ce que disait en substance Jean-Philippe Desbiolles d’IBM lors d’une interview).

Ne pas reproduire les mêmes erreurs avec l’intelligence artificielle

Il est donc important de tenter d’analyser les causes des échecs de cette révolution digitale pour ne pas les reproduire. Et de rester attentif à trois grandes erreurs qui engendrent les échecs.

Erreur n° 1 : la manie des POCs

Le premier danger c’est celui de la POC mania, la manie du Proof of concept. C’est la capacité à lancer des projets, des prototypes, dans toutes les directions. Chaque service va lancer ses projets dans le digital. On se retrouve alors au niveau d’une filiale-pays avec au moins 30 ou 40 initiatives digitales. À l’aune du groupe, cela se chiffre en centaines de projets sans aucun doute. Cela bouillonne dans tous les sens et donc les gens sont fiers d’avoir mis en place autant de projets. Mais, constate Grégory Pallière, quand on regarde attentivement ce qu’il est sorti de ce bouillonnement, ce qui est réellement sorti sur le marché, on est souvent déçu par les résultats.

Erreur n° 2 : les usines à gaz

Deuxième danger qui guette les entreprises se lançant dans des projets d’intelligence artificielle, celui du gros projet miracle. L’entreprise lance un énorme projet qui va coûter très cher. Et comme il est très cher, on est certain qu’il va réussir. Donc on place tous les œufs dans ce panier-là. Et comme on a mis des moyens monstrueux dans le projet, le résultat ne peut être qu’exceptionnel. Et il n’est pas rare de voir des projets qui coûtent de 3 à 4 millions d’euros. Parfois même plusieurs dizaines de millions investis en pure perte.

Erreur n° 3 : la peur du risque

Le troisième danger qui guette les entreprises se lançant dans l’intelligence artificielle c’est l’attitude défensive. On ne prend aucun risque et on attend que les modes passent. Ou, tout au moins, ce que l’on pense être des modes. Peut-être parce qu’on a été échaudé dans le passé avec des projets digitaux ratés. Peut-être aussi parce qu’on ne comprend pas réellement les enjeux de l’intelligence artificielle.

Comme l’entreprise ne veut pas prendre de risque, elle cherche à tout verrouiller quand elle lance son projet. Or, quand on veut innover, tout verrouiller ne fonctionne pas. Donc on s’empresse de ne rien faire.

En conclusion, les écueils de l’IA ne sont pas éloignés des erreurs classiques des projets de transformation digitale. Mais l’IA magnifie encore ces dangers du fait de sa complexité, des tailles de données traitées et de la difficulté à maîtriser ces nouveaux sujets sur le terrain au-delà des déclarations d’intention.

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »
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