IA et Big Data

Comment faire face aux défis humains imposés par l’IA ? – Christian Clot

Faire face aux défis de l’IA – Christian Clot

Christian Clot est un personnage extraordinaire. A la fois chercheur et explorateur, il s’est astreint à passer 4 fois 30 jours dans les lieux les plus extrêmes de la planète. J’ai vu ses vidéos et témoignages et ai été grandement impressionné. Je dois même avouer ne pas avoir compris comment on pouvait sortir vivant de ce temps passé dans le désert iranien le plus chaud du monde où la moindre goutte de transpiration s’évapore instantanément ! J’ai interviewé Christian dans le cadre du futur salon AI Paris 2019 qui se tiendra les 11 et 12 juin prochains et dont Visionary Marketing est partenaire média. En tant que chercheur, Christian étudie l’adaptation des humains aux changements les plus profonds qui nous attendent dans les décennies qui viennent. Parmis ces défis, l’intelligence artificielle n’est pas le moindre. 

Vous avez testé les endroits les plus extrêmes de la planète, pourquoi ?

Je mène des études depuis maintenant une dizaine d’années sur la capacité humaine d’adaptation aux conditions nouvelles et changeantes.

J’ai fait cela parce que je suis explorateur depuis maintenant pas mal de temps et j’ai observé sur le terrain les changements vécus par les personnes qui vivent ces climats très difficiles : des changements cognitifs,  des changements de personnalité et des changements de manière de fonctionner très profonds.

IA Christian Clot
Pour prévenir les bouleversements de l’IA sur la société, Christian Clot a traversé un désert iranien pendant son projet « Adaptation » Cela lui permet de lancer des recherches sur l’adaptation des cerveaux humains aux changements intenses [image Christian Clot via VSD]
J’ai donc décidé de me servir des milieux extrêmes pour voir comment évolue le cerveau humain quand il est confronté à des changements profonds.

Vous avez déclaré que nous allons vivre d’énormes changements, quels sont-ils?

Nous allons vivre trois changements structurels. Le premier n’est pas seulement climatique mais environnemental, auquel il faut ajouter les pollutions plastique et des sols qui sont extrêmement dérangeantes par rapport à notre humanité et au vivant en général.

Deuxième gros changement, c’est le sujet d’AI Paris 2019, le changement technologique avec l’arrivée de nouvelles ressources technologiques qui vont modifier profondément notre manière de fonctionner en tant qu’humains.

Troisième changement, le changement sociétal avec une augmentation de la population énorme : 1 milliard il y a 100 ans à plus de 9 milliards dans quelques années.

Ces trois changements sont concomitants et vont donc nous imposer en tant qu’espèce humaine de nous redéfinir par rapport à notre futur.

Quels sont les parallèles entre les changements climatiques et les changements technologiques et notamment dus à l’IA, Christian Clot ?

AI Christian ClotJe crois qu’on va devoir transformer tout simplement ce que nous étions pendant des millénaires. A savoir un fonctionnement relativement pérenne et lent. On pouvait déterminer ce qu’on sera dans dix ou vingt ans, ce qui n’est plus possible aujourd’hui.

Ces changements-là vont nous imposer une redéfinition profonde de ce que nous sommes en tant qu’espèce puis en tant qu’individus.

Avec le changement environnemental, nous vivons une accélération très profonde. On considère que l’accélération est telle que dans dix ans peut être nous aurons perdus certains glaciers et que nous aurons modifié fondamentalement les climats de certains milieux.

Je crois que la même chose est observable en technologie. On voit l’évolution extrêmement rapide des nouvelles technologies, ce qui ne veut pas dire que c’est mauvais, mais qu’il faut savoir ce qu’elles vont pouvoir devenir pour nous et se préparer tout simplement s’adapter à ces nouvelles conditions de vie.

Selon vous l’homme est un animal collaboratif. Cela nous aidera-t-il à surmonter l’énorme changement apporté par l’IA, Christian Clot ?

L’homme est fondamentalement un animal collaboratif et coopératif. Un humain seul ne peut rien faire tout seul au milieu d’un désert. Face à de nouvelles situations, il est très faible.

En réalité, dès le moment où on le met en groupe, il est capable de produire des solutions étonnantes pour plusieurs raisons : d’abord parce qu’il a été développé pour ça. Aux temps préhistoriques, il n’était pas possible de chasser un mammouth laineux tout seul ! Il fallait le faire en groupe.

La deuxième chose, c’est que l’humain est capable de modéliser une idée, qu’elle soit religieuse, économique ou philosophique et il est capable de s’assembler autour d’un concept. Quand vous mettez ensemble des humains qui viennent d’horizons, de cultures et d’enseignements différents, ils sont capables de trouver des solutions extraordinaires à des problèmes qu’ils ne connaissaient pas encore. Ce n’est pas le cas de la technologie qui est développée pour répondre fondamentalement à un problème spécifique.

La chose intéressante est que nos cerveaux, qu’on connaît encore très mal, sont capables de fonctionner en mode collaboratif. On sait aujourd’hui qu’une personne qui réalise une tâche ne fait pas fonctionner les mêmes zones de son cerveau si elle est seule dans une pièce ou si elle est accompagnée d’autres personnes même si ces personnes n’interagissent pas avec elle

Nous en sommes au tout début de la compréhension de ce que pourrait être la mise en réseau de ces différents cerveaux de la capacité que ça pourrait créer.

L’intelligence artificielle a une capacité de développement extraordinaire et elle évolue énormément. Mais il ne faut pas croire à sa capacité à devenir totalement autonome.

Je pense qu’aujourd’hui, l’intelligence artificielle offre un développement qui va être d’une énorme utilité pour résoudre des problèmes très complexesMais ce seront toujours des problèmes unitaires. L’humain, avec son cerveau, sera toujours capable de résoudre des problèmes totalement complexes et nouveaux.

En conclusion, l’intelligence artificielle est plus une chance qu’un danger ?

C’est une chance si on accepte de considérer l’IA pour ce qu’elle doit être, à savoir une formidable capacité de calcul. Je milite pour cela et pour la cohabitation de l’intelligence artificielle et de l’intelligence naturelle parce qu’elles ont chacune un rôle à jouer.

Ce n’est pas seulement un sujet technologique c’est un sujet sociétal et même politique et je suis assez surpris de voir que l’on considère que sous son angle technologique.

Je crois que on doit mettre ce débat sur la table : comment voulons-nous continuer de développer des intelligences en y intégrant fondamentalement la notion ethnique et philosophique. Parce qu’on le voit ailleurs avec les grandes technologies comme Facebook ou Google, on n’est plus sûr de maîtriser ce que l’on a créé.

Je crois que c’est le lot de tout créateur. Comme Mary Shelley et son Frankenstein, nous avons créé des choses qu’on ne maîtrise pas totalement et c’est complètement normal.

C’est donc à la société de s’emparer de ce sujet, non pas pour interdire ou bloquer le développement de l’IA, mais pour mettre un certain nombre de freins qui permettent tout simplement la cohabitation de ces nouvelles technologies et des espèces vivantes en toute harmonie.

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »
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