économie et numérique

Âgisme, ce nouveau racisme : Génération Y et inter-générations

L’âgisme, ou le préjugé lié à l’âge est un fléau de nos sociétés. Ce billet est basé sur un article de Jean-Philippe Déranlot et accompagné de plusieurs autres sources. De quoi soulever à nouveau le sempiternel débat autour de la génération Y.

Préjugés, âgisme et générations (Y, Z, etc.)

âgisme
Il est pourtant facile d’imaginer un monde où toutes les générations se donnent la main, car après tout, les vieux ont été jeunes et les jeunes seront vieux. Sans compter que les comportements ne sont pas forcément homogènes dans une classe d’âge – image produite par Midjourney.

Ce billet jette un coup de projecteur sur un aspect intéressant, et à mon avis fondamental du sujet, qui est la nécessité de faire travailler les générations entre elles. Ceci est la rediffusion d’un billet qu’il me semble important de remettre à l’ordre du jour régulièrement.

Un jour, j’entendais quelqu’un me lancer, pourtant à peine plus jeune que moi, en substance : « À votre âge, vous devriez être en retraite ! » Pourtant les injonctions de travailler plus longtemps se font toujours plus pressantes. Surtout, les plus expérimentés et les entrepreneurs sont logiquement en attente de pouvoir exercer leur talent plus longuement.

Il est donc plus temps que jamais de rappeler que la connaissance, le savoir, la compétence et la vision ne sont l’apanage d’une classe, d’une ethnie, ni même d’une classe d’âge. Chaque point de vue avec son recul et son contexte culturel et humain est un apport de richesse et de réflexion.

Apprendre aux jeunes qui apprennent aux vieux, etc.

De temps immémoriaux, les plus âgés ont appris aux plus jeunes qui ont appris aussi des choses aux plus vieux qui ont appris aux plus jeunes et ainsi de suite (à moins que ce soit l’inverse). Et ma boule de cristal me dit que cela ne changera pas malgré les tentatives de mercantilisation des générations qui tendent à les enfoncer dans des caricatures.
Consumo ergo sum ? Toutes les générations sont la cible de ces stéréotypes. Ces termes de génération alpha, Z, Y ou X sont autant de tentatives de mettre des gens dans des cases pour mieux les enfermer dans ces préjugés. Et je ne parle pas des “OK boomers” ou des “seniors”. Ces euphémismes sont une manière de dire “vieux” sans trop choquer. Cela revient à discriminer en évitant les reproches.
Derrière la réflexion apparemment anodine et évidente qui consiste à dire que travailler ensemble vaut mieux que travailler les uns contre les autres, et au-delà de l’apparente simplicité du point de vue de l’efficacité de la société, se pose en fait une véritable question. Celle-ci est soulevée fort à propos dans un document publié par la société de conseil Achieveglobal et trouvé sur le site Web d’une université américaine : les stéréotypes entre générations sont-ils une nouvelle forme de racisme dénommé « âgisme »?
combattre les préjugés sur l'âge l âgisme
les préjugés entre générations, préalable à la rupture du dialogue, au relativisme et au racisme (ou âgisme) – photo antimuseum
12 signes de l’âgisme

En se basant sur les travaux du professeur Jean Twenge, Achieveglobal relève 12 signes du racisme basé sur l’âge tel qu’on peut le rencontrer dans les entreprises au quotidien. Les voici traduits en français :

  1. Les employés se jugent de façon régulière en se basant uniquement sur leur âge ;
  2. Les équipes métier générationnelles éprouvent des difficultés à mener leurs projets à bien ;
  3. Vieux et jeunes employés sont en concurrence pour l’attribution des ressources ;
  4. Les employés se plaignent quotidiennement auprès des membres d’autres générations ;
  5. L’entreprise recrute systématiquement au sein d’une seule ou d’un nombre limité de générations ;
  6. Les employés refusent quotidiennement les idées venant d’autres employés, plus jeunes ou plus vieux ;
  7. Les managers pensent qu’il faut une formation particulière pour mener les autres générations dans leur travail ;
  8. Les gens font des commentaires ou des hypothèses à propos d’individus en se basant sur leur âge ;
  9. Les managers posent l’hypothèse que les employés plus jeunes ou plus vieux sont incapables de réaliser certaines tâches ;
  10. Les membres de certaines générations sont quotidiennement évacués des vagues de promotion ;
  11. Les employés plus âgés font souvent valoir leurs droits à la retraite plutôt ;
  12. Les employés plus jeunes semblent se désinvestir ou se désintéresser de leur travail

> lire le document de Achieveglobal sur les stéréotypes de l’âgisme dans son ensemble ici


On pourrait commenter chacun de ces points, même s’ils paraissent assez faciles d’accès. Ce qui est certain c’est que l’on voit difficilement comment résoudre ce problème au travers d’une loi ou d’un décret. Pire encore, les politiques de quotas, qui semblent être l’unique réponse à la discrimination dans notre société d’aujourd’hui… tout en créant ainsi, une autre forme de discrimination, dite “positive”.

On peut cependant voir cette liste de contrôle, comme autant de points de vigilance qui permettent, et dans ce cas il revient à chaque employé de souligner et de dénoncer ces attitudes et comportements déviants.
J’ai particulièrement souligné le numéro 7 qui m’est apparu de nombreuses fois dans les entreprises, où sous l’apparence d’un désir de formation et d’œcuménisme intergénérationnel, pointent sourdement l’âgisme et la crainte de l’altérité.
Quoi ? M’apprendre à “comprendre” les jeunes ? Ne parlent-ils pas ma langue ? N’assistent-ils pas à mes cours ? Ne pouvons-nous nous respecter ? Ne sont-ils plus des êtres humains, ou sont-ils devenus des mutants ? Cette hypothèse d’incompréhension intergénérationnelle est tout bonnement insupportable.

Alors que faire ?

Je pense que ce que démontre le travail aussi bien du professeur Twenge que de la société Achieveglobal, c’est que notre société est profondément dysfonctionnelle. Car un monde où l’on oppose les différents membres de sa congrégation est un lieu où les enfants n’aiment plus, leurs parents, et leurs parents n’aiment plus leurs enfants.

C’est la négation de la base même de la société. Attention ! Ma vision n’est pas pessimiste au point de croire que nous sommes perdus, je n’y crois pas une seconde.

Mais il faut être vigilant, car la multiplication de ces stéréotypes à l’envi, jusqu’au point de les ériger en dogme, voire en outil d’éducation est un danger non négligeable.

Alors pour remède à l’âgisme, les recommandations de la société de conseil en éducation sont les suivantes. Elles me paraissent pétries de bon sens :

  1. refusez les stéréotypes et combattez-les ;
  2. trouvez un terrain d’entente (entre générations) ;
  3. recherchez le talent en chacun ;
  4. favorisez la mixité ;
  5. soyez positifs et exigeants.

Et partagez les valeurs communes propres à toutes les générations qui sont le respect, la compétence, le lien et l’autonomie.

Génération Y : le Web 2.0 de 7 à 77 ans

Mon récent billet “intergénération, apprentissage & numérique : le tiercé gagnant” a fait l’objet de quelques commentaires unanimes pour dire (je résume) que la génération Y n’est rien de plus qu’un concept marketing fumeux pour lequel, notamment, la capacité à utiliser les outils informatiques et numériques n’a rien à voir avec l’âge des utilisateurs.

Par contre, pour ce qui est de l’acceptation à exécuter des ordres le petit doigt sur la couture du pantalon… c’est une autre affaire qui n’est pas limitée au moins de 30 ans…

L’acceptation des ordres sans comprendre n’est pas le propre de la génération Y.

Si je me base sur la récente remarque d’un de mes clients, je ne peux que le confirmer.

Voici son histoire.

Source : génération Y : le Web 2.0 de 7 à 77 ans | EfficaciTIC.

Yann Gourvennec
Follow me

Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »

22 commentaires

  1. Donc prenons le temps d’une génération : la bonne fourchette semble être entre 25 et 30 ans…
    croisons les données avec les lettres de l’alphabet soit :
    42 « réponse ultime*rappel »
    on a 42 * 25/30 , on remonte donc a 1000~1200 ans
    en arrière pour trouvé la génération A …
    mais après Y , c’est Z ! et après … ???
    bien, c’est la fin …des concept sociologique utilisé en sociodémographie pour désigner une sous-population… ou sous-« race » …stéréotypes quand tu nous tiens …

  2. Merci Yann pour ce billet qui consolide objectivement mon point de vue.

    Les stéréotypes dont les médias sont la principale cheville ouvrière, perdent de leur influence (pas assez et pas assez vite à mon goût). J’ai la conviction que la société reprend le pouvoir au travers des nouveaux moyens de communication (blog, réseaux sociaux, mobilité), au point que les politiques ne maitrisent plus le 4e pouvoir et sont de plus en plus fréquemment débordés par le pouvoir des citoyens-Twittos… toutes tranches d’âges confondus 😉

    1. Merci de ce commentaire. En toute honnêteté je ne pense pas que les stéréotypes aient – aujourd’hui ou jamais – besoin des médias pour exister. Ils existent dans les esprits des hommes et se répandent de bouche à oreille, comme des virus, sans qu’il soit possible de savoir pourquoi ni comment. L’Internet n’est pas non plus exempt de transporter les rumeurs. Mais on peut également l’utiliser pour rappeler les faits, analyser les études, vérifier les hypothèses. C’est ce que j’essaie de faire bien humblement sur ce blog.

  3. Quand elle est sortie, je me suis immédiatement inscrite en faux contre cette théorie de la génération Y qui divise plus qu’elle ne rassemble et est préjudiciable à notre société. Ancienne des communautés virtuelles depuis de nombreuses années (bien avant les réseaux sociaux d’aujourd’hui), ce clivage n’avait pour moi aucun sens. Au cours d’une soirée de geeks à laquelle je participais (seule senior et parmi les 4 femmes présentes sur 100 participants), je m’entends dire de la part d’un garçon de 30 ans avec qui je discutais : « Mais vous ne tapez pas aussi vite que moi sur un clavier ». Ce à quoi je lui réponds qu’ayant appris la dactylographie quand j’étais étudiante, je tape très vite, et que ceci m’a servi toute ma vie professionnelle. Il me réponds avec une pointe de surprise : « Alors vous êtes comme la blogueuse de 90 ans aux Etats-Unis ? » Je lui ai rétorqué, amusée : « Je n’ai pas 90 ans ». Définitivement, on ne prête qu’aux riches.

    Je regrette que plus de parents et d’enseignants ne se soient pas intéressés plus que cela il y a déjà quelques années à ce qui a engendré une véritable révolution sociale et une transformation des usages, ne serait-ce que pour donner des conseils judicieux aux jeunes pour les aider à se protéger. J’ai des enfants, et reconnais que ces échanges au sujet du numérique, loin de nous éloigner, nous ont toujours rapprochés. Dans ma génération, comme je l’écris dans un livre en projet, on n’a pas eu de Dolto de la technologie. Il a fallu avancer en marchant. Je vous rejoins tous les deux, Yann et Philippe, pour dire que l’occasion fantastique nous est offerte aujourd’hui d’un échange entre jeunes et seniors, et que je prends l’époque que nous vivons comme une opportunité formidable d’inventer et d’apporter du sang neuf à nos organisations parfois sclérosées. L’agilité n’a pas d’âge, l’expérience est précieuse mais nécessite d’en avoir retiré un enseignement, et la valeur n’attend pas le nombre des années

  4. Merci pour cet article. Je viens de commencer un Master RH à 50 ans et j’entends parler des générations X Y Z. J’ai même vu un tableau avec les + et les – pour chaque génération. Quelle lettre sera utilisée pour les enfants nés dans les années 2000 – 2010 – 2020 etc … ?

  5. Bonjour Yann. Bravo pour ce point de vue. Ca me fait réfléchir moi qui parle toujours à mon fils de 14 ans, à partir souvent de stéréotypes (mais il faut dire qu’ils sont sur une autre planète parfois, celle de snapchat par exemple que je n’ai pas voulu explorer). En sens inverse je ne comprends pas les préjugés contre MA génération (1955 quand même), surtout de la part des 40-45 ans. Le dialogue sera peut-être plus facile (?) avec les plus jeunes les Millenials justement. Je viens d’inventer un nouvel acronyme (prétentieux hien) celui de RE-Actifs (associant retraite et activité) par exemple.

    1. Merci Régine de ton témoignage. Utiliser Snapchat ne veut pas dire qu’on le connaît pour l’utiliser dans l’entreprise. Tout le monde, jeunes ou vieux — mettons à part les très vieux et les exclus utilisent les outils ce qui ne veulent pas dire qu’ils en ont une connaissance professionnelle. Tu conduis ta voiture, mais n’es pas capable de démonter le moteur ni de le réparer. L’âge n’a rien à voir là dedans, mais la compétence et la pratique. Ceci étant il y a encore des exclus du digital, c’est un vrai soucis. et je ne suis pas d’accord pour imposer les impôts et autres démarches en ligne à ma mère de 84 ans qui ne peut ni ne veut apprendre à utiliser un ordinateur à cet âge-là. Quant à nos âges, on a vite fait de se faire traiter de vieux et de se faire renvoyer dans ses buts. Il faut être vigilant.

Comments

Bouton retour en haut de la page