Marketing & Innovation

M-commerce : ne parlez plus de commerce, mais d’écosystème mobile

M-commerce ou pas M-commerce ? Là est la question. J’ai eu la chance de recevoir il y a quelques jours, le dernier rapport exclusif de l’observatoire du marketing mobile publié et réalisé par la MMA (marketing mobile association France). Ce rapport permettra au lecteur de passer des vacances studieuses, en lisant ces chiffres qui donnent une idée de l’évolution du m-commerce en France et dans le reste du monde.

Voici de nombreuses années que nous parlons du marketing mobile sur ce blog, souvent pour faire remarquer que la France est encore et toujours (un peu) en retard par rapport au reste du monde, mais qu’en est-il aujourd’hui ? Je vous propose un tour de ce rapport, dont vous trouverez un extrait en bas de cet article sur Slideshare.

M-commerce : ne l’appelez plus jamais commerce mais écosystème

M-commerce : ne l’appelez plus jamais commerce mais écosystème
M-commerce : ne l’appelez plus jamais commerce mais écosystème

Premier point intéressant, dans le préambule de cette étude, bien comprendre que par commerce mobile on entend non pas seulement le fait d’acheter sur un mobile ou sur une tablette, mais véritablement l’écosystème mobile autour du commerce dans son ensemble ; ce qui recouvre notamment le paiement mobile, en plein essor en ce moment (nous l’attendions depuis bien longtemps).

Au-delà, le rapport se penche sur les achats offline pour lesquels le mobile joue également un rôle, aussi bien dans les interactions mobiles avec le point de vente que sur le paiement mobile en particulier.

On s’inscrit bien ici dans la mouvance du Web to Store que nous avons décrite maintes fois sur ce blog et ailleurs.

Le M-commerce ? Non le U-commerce (ubiquitous commerce)

26 % des Français achètent sur leur mobile, loin derrière les Allemands à 39 %

Première constatation, un nombre d’acheteurs conséquent (17,5 millions) mais qui progresse relativement peu par rapport aux deux années précédentes. Par ailleurs, on constate les habituels retards par rapport au reste de l’Europe avec la France, comme d’habitude, au milieu du tableau, coincée entre le Royaume-Uni et l’Allemagne d’une part, et l’Italie et l’Espagne d’autre part.

Les États-Unis se trouvant à l’autre bout du spectre, très très très loin de nous avec 150 millions d’acheteurs. En proportion aussi, ceci représente plus que la France. En ramenant ce chiffre sur celui de la population française, nous devrions nous trouver à environ 30 à 35 millions d’acheteurs mobiles et non 17 pour nous comparer aux USA. On remarque aussi une différence par rapport aux chiffres habituels du e-commerce (FEVAD) qui montrent en général L’Allemagne très en retrait par rapport à la France et loin derrière le Royaume-Uni.

On remarquera ainsi l’amour fusionnel des Allemands pour leur « Handy » comme ils l’appellent de l’autre côté du Rhin, avec 31,4 millions d’acheteurs. Ceci place la France à environ 26 % de sa population qui achète sur le mobile alors que les Allemands en sont à 39 %. Un fossé considérable entre deux pays somme toute pas si éloignés que cela.

Le M-commerce ? Les acheteurs mobiles bien plus nombreux aux USA, en nombre certes, mais en proportion aussi
Les acheteurs mobiles bien plus nombreux aux USA, en nombre certes, mais en proportion aussi

M-commerce : une France qui se réveille tout tout doucement

La France étant traditionnellement en milieu de tableau sur les achats en e-commerce en général, on la retrouve forcément un peu à la traîne sur le sujet du mobile pour la proportion d’acheteurs mobiles parmi les acheteurs en ligne. On note (page 10) une forte progression à 42,4 % après une bizarre régression sur l’année 2016.

M-commerce

Mais la barre des 50 % n’est toujours pas atteinte alors qu’elle est largement dépassée au Royaume-Uni et en Allemagne 59 et 64 % respectivement). Aux États-Unis on ne compte plus, avec 73 %. Mais il est vrai que pour ce dernier pays, il y a un gros décalage avec la France e my même l’Europe.

La semaine dernière, le Wall Street Journal indiquait que les commerçants de quartiers en sont à afficher des posters « shop local » pour essayer de convaincre les utilisateurs de ne plus acheter sur Amazon de peur de faire faillite.

On n’en est pas encore là, mais comme on va le voir plus loin, le poids d’Amazon est écrasant, et même ce mot paraît être un euphémisme.

M-commerce comme ecommerce : Amazon über alles

AIB prêche pour un achat local
AIB prêche pour un achat local (image sur indiebizadvocates.org)

D’ailleurs, sur les achats e-commerce mobiles les plus visités en France, pas de grosses surprises avec une écrasante domination d’Amazon à 4,5 millions d’audiences mensuelles.

Le bon coin étant largement deuxième très très loin à 2,2 millions puis Cdiscount à 2 millions puis la Fnac et tous les autres bien en retrait. Voici la prédiction de Seth Godin réalisée : « le gagnant remporte quasiment toute la mise » (« the winner takes almost all »).

Un phénomène qui finit par réveiller les pires mémoires des trusts des années 20. Le Web aurait-il appauvri à ce point le commerce ? Et que reste-t-il du pouvoir régulateur des Etats ? Assurément plus grand-chose pour ne pas dire rien.

Dans l’ensemble des transactions digitales, le mobile représente déjà plus de 27 %. Mais en fait, cela représente très peu par rapport aux pays leaders comme le Royaume-Uni (51 %), le Japon (50%), l’Australie (40%), le Danemark, la Norvège, et même les Pays-Bas (aussi aux environs de 40 %). Par contre, les Allemands (qui adorent toujours leur cash), et les États-Unis font figure de traînards avec 34 % de transactions réalisées sur Mobile.

La tablette perd du terrain

M-commerce

Quant à la répartition entre les différents terminaux, on observe une écrasante domination du mobile sur la tablette, ce qui n’est pas très surprenant au vu de la relative régression du développement de ce terminal sur ces dernières années.

Probablement que sur ce segment, nous sommes entrés plus rapidement sur un marché de renouvellement, que les fabricants de mobiles sont en train de découvrir sur les terminaux plus petits (le marché de renouvellement, voici un vieux souvenir pour moi qui ai débuté ma carrière sur le marché de l’électroménager, avec des similitudes avec le marché du petit ménager).

Les transactions du M-commerce au microscope

Sur la valeur moyenne des transactions en euros, là aussi nous sommes à la traîne avec 759 € annuels contre plus de 1000 € au Royaume-Uni, pour des transactions moyennes qui sont beaucoup plus faibles (50 € contre 73 €).

On observe une réelle accélération des transactions qui se sont multipliées par 3 en 3 ans, et qui se répercutent sur tous les secteurs d’activité, depuis la grande distribution jusqu’à l’équipement de sport et la mode. Le téléphone mobile ne semble plus faire peur pour acheter, en France, avec un taux de mise au panier qui se rapproche très largement de celui réalisé sur desktop.

Par contre le taux de conversion est très inégal d’un secteur à l’autre montre encore une réelle faiblesse sur le mobile qui peut se comprendre par la qualité relative de l’expérience client sur mobile, bien moins bonne que sur un grand écran ou sur une tablette.

Qui n’a pas, en effet, commencé un achat sur un mobile parce que c’était très pratique pour le terminer sur un écran plus grand parce qu’il ne voyait pas les détails on qu’il n’avait finalement peur de ne pas avoir toutes les confirmations nécessaires ? Il faudra encore travailler un peu sur les expériences utilisateurs pour rendre cela plus fluide.

Allemagne : autant de transactions par site mobile que par application mobile

Pour ce qui est des secteurs les plus sensibles à l’achat sur mobile, on notera la mode et accessoires qui sont largement au-dessus du lot. Enfin, un point intéressant à noter, l’équilibrage, surtout en Allemagne (près de 50 %) des achats via des applications mobiles et des sites Web mobiles.

Cela me rappelle une discussion récente avec Michael Flautre de SOGEC sur le ROI des applications mobiles. Il semblait dire que, finalement, dans le futur, nous nous orienterions et de plus en plus vers des technologies mobile compatible qui permettraient de se débarrasser des différentes versions d’applications (notamment les 8 versions d’Android indispensables selon lui) très lourdes et très chères à maintenir.

Personnellement, il me semble même que cette solution du Web mobile (vs. l’application) paraissait s’imposer dès le départ des applications mobiles pour les marques, du fait de l’impératif de compatibilité.

Pour les achats in-app, dans le jargon consacré, la France pour une fois, ne fait pas trop mauvaise figure derrière toujours le Royaume Uni et l’Allemagne. Elle affiche même 570 millions de dollars d’achat majoritairement sur l’App Store (pour 56 %).

On retrouve ici toujours les mêmes chiffres d’utilisation entre l’App store et le Play Store d’Androïd, qui ne reflètent pas l’écrasante part de marché des téléphones Android. En bref, on achète des Android, mais pour surfer on en revient à l’iPhone.

Le mobile, pilier du Web to Store

Troisième point et probablement un des plus intéressants, les interactions mobiles avec le point de vente qui vont étendre le champ d’action du terminal mobile dans le commerce physique. 70 % des consommateurs utilisent le mobile pour comparer des prix, chercher des offres et consulter les avis, mais aussi dans le point de vente, pour conforter son achat.

En résumé, la valeur des ventes influencées par le mobile en euro en 2017 s’est montée à 440 millions d’euros avec 81 millions d’euros réalisés en paiement direct sur le mobile. Le volume des ventes influencées par le mobile se monte à 520 millions d’euros dans le point de vente en 2017 en France représente une progression absolument énorme : 440 millions sont liés à des promotions directes développées sur mobile mais 81 % sont réalisées par du paiement mobile direct? Une multiplication par 3 par rapport à 2015.

Le paiement mobile est là et il va se développer massivement

On peut désormais prédire que le paiement mobile jouera véritablement un rôle crucial dans les années qui viennent eb améliorant la sécurité et peut-être même en faisant disparaître la bonne vieille carte physique comme c’est déjà le cas avec Apple Pay et son camarade Google. La forte croissance du parc de mobile NFC (il a été multiplié par 2 en 2 ans) nous amène à 14,7 millions de mobiles NFC en France.

La France en avance dans le paiement mobile

On est encore loin d’un équipement total de la population, mais on remarque que déjà presque 6 % des utilisateurs payent en NFC ou par application de paiement, ce qui est largement supérieur à l’Allemagne. 3 millions de Français paient en effet avec leur mobile, ce qui fait de nous un leader sur ce marché, en tout cas par rapport à l’Allemagne et l’Italie, puisque les chiffres du Royaume Uni sont manquants.

Il est vrai que les Français sont habitués aux paiements électroniques depuis très longtemps. Le paiement par carte bleue sans contact poursuit lui aussi sa croissance avec 60 % de commerce qui sont équipés de terminaux compatibles et un paiement plutôt pratiqué par les populations jeunes et CSP moyennes et supérieures.

Du M-commerce au U-commerce : le mobile comme écosystème

En conclusion, le commerce mobile, comme nous l’indique le MMA est « un nouvel écosystème qui accompagne les consommateurs tout au long de leur parcours d’achat, qu’il soit en ligne ou en point de vente ».

La France, toujours en milieu de tableau, est un peu à la traîne en termes d’adoption mais semble par contre un peu en avance sur l’adoption des paiements mobiles et NFC. Finies les prédictions sur le M-commerce, le U-commerce (Ubiquitous Commerce) est bien parmi nous, c’est un processus en cours.

Nous avons attendu bien longtemps mais l’écosystème s’est enfin mis à niveau : toutes les planètes sont désormais alignées pour permettre un essor important du mobile comme outil de transaction.

A se demander cependant, pour ce marché prometteur, si Amazon ne va pas devenir, si ce n’est pas déjà le cas, le Google du M-commerce (et du U-commerce avec son rachat de magasins qui ne fait que commencer), et s’il ne va pas rafler toute la mise selon la bonne règle édictée par Seth Godin. Qui vivra verra.

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »
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