économie et numérique

Ville numérique : Caen la mer, l’agglo en mode digital

Berceau de la technologie NFC, labellisée « Ville numérique » en 2012, créatrice du label Incity pour toutes les innovations numériques se déployant localement, la communauté d’agglomération Caen la mer a fait du numérique l’un de ses atouts majeurs aussi bien pour les habitants que pour les entreprises. Intégrés dans sa stratégie globale de communication, les outils digitaux, et notamment les réseaux sociaux, ont vocation à créer du lien, améliorer la e-démocratie (ou participation citoyenne), établir un véritable dialogue entre la collectivité et ses administrés et finalement améliorer la e-réputation du territoire, comme l’explique Franck Guéguéniat, Vice-Président de la Communauté d’agglomération Caen la mer, délégué à la Communication, au marketing territorial et à l’innovation numérique.

Ville numérique : Caen la mer, l’agglo en mode digital

Ville numérique
Berceau de la technologie NFC, la communauté d’agglomération Caen la mer montre l’exemple en matière de ville numérique intelligente

Comment les outils digitaux se sont-ils intégrés dans votre projet global de communication ?

A Caen la mer, nous considérons qu’une stratégie globale de communication est avant tout un processus. Alors que trop souvent, on ne considère la communication que par le prisme de sa fonction de valorisation – il est vrai la plus visible car elle débouche sur des actions de communications matérielles : publicités, affichages, relations presse, etc. – on oublie que toute communication est surtout un cheminement dans les rapports humains.

Ainsi, en tout premier lieu, il est question de créer, puis de maintenir, des liens avec les cibles visées ; puis de leur délivrer les informations indispensables à l’organisation de la vie collective ou à leur compréhension des enjeux locaux (parfois nationaux) ; ensuite d’entamer une phase de dialogue, de concertation, où la participation citoyenne sera le maître-mot ; après, et seulement après, on pourra assurer la promotion du résultat de ces trois premières étapes ; puis on tentera d’atteindre le but final : l’influence, tant sur des comportement collectifs ou individuels que sur des perceptions de l’action publique, de celles et ceux qui la mettent en œuvre ou du territoire lui-même.

Ville numérique
Franck Guéguéniat, pilote de la ville numérique

En somme, le grand enjeu de la communication publique, c’est bien la première phase : créer du lien.

Et c’est là que les réseaux sociaux prennent toute leur place et amènent leur plus-value : ils sont devenus le meilleur moyen, à la date d’aujourd’hui, d’entrer en contact simplement avec nos habitants, sans formalisme suranné, et rapidement, puis de maintenir ce lien par de nombreuses interactions.

Le tout avec des publics qu’en plus nous avions le plus grand mal à toucher par nos outils classiques. Et, petit avantage supplémentaire, ça ne coûte presque rien, en dehors du temps à y consacrer.

Ville numérique : comment faire adhérer le public sur les réseaux sociaux ?

Il n’y a pas de recette miracle ! La seule chose importante, c’est de ne pas se laisser enfermer dans un schéma 100 % numérique qui laissera à supposer que seuls les geeks peuvent manier savamment ces outils, pour n’avoir en tête que l’essentiel : nous sommes dans le champ de la communication humaine. Même si le truchement est un écran, c’est bien de relations interpersonnelles qu’il s’agit.

Pour le dire autrement, il n’y a pas de communication interpersonnelle efficace s’il n’y a pas un minimum de considération de l’Autre et un minimum d’empathie.

C’est peut-être ça la recette miracle : savoir d’abord se mettre à la place de l’Autre pour calibrer notre communication sur ses canaux, anticiper ses attentes – passer du « je vous parle de moi » à « ensemble on va parler de vous » – et ne jamais tomber ni dans une communication égocentrée où seul le fait d’émettre compte, ni dans une communication de masse qui, en voulant toucher tout le monde, en réalité ne touche plus personne.

Est-il légitime pour une collectivité d’avoir peur de s’exposer sur les réseaux sociaux, de craindre pour sa e-réputation ?

Pourquoi serait-ce illégitime ? Ou alors à considérer que les réseaux sociaux seraient « infréquentables » pour le secteur public ? Au nom de quoi ? Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont une tendance irréversible. Celles et ceux qui pensent qu’ils sont une mode éphémère courent au-devant de grandes désillusions.

Si nous voulons que nos collectivités restent en contact avec « la vraie vie », si nous voulons toucher plus de public pour délivrer, le plus souvent, des messages d’intérêt général importants, si nous voulons êtes dans la plus grande proximité possible pour répondre – parfois en temps réel – aux questions que nous posent les habitants et envisager une « gestion de la relation citoyen » digne du XXIè siècle, il n’y a qu’un seul vecteur : le réseau social.

La seule condition : accepter de ne pas tout maîtriser ! Donc accepter de prendre le risque de recevoir, assez vite et parfois sans ménagement, le feedback de nos cibles ! Avant, nous pensions en être exemptés avec nos supports de communication traditionnels : journaux, magazine, sites web sans interactions, etc…

Sauf que l’on y échappait pas. Nous étions juste sourds et aveugles. Maintenant nous voyons et nous entendons les réactions. Ce n’est pas toujours confortable. Mais, au moins, nous savons à quoi nous en tenir (du moins quant à notre e-réputation).

Comment rendre compatible la communication digitale avec le « temps de l’administration » et les pesanteurs administratives ?

Là encore, une petite révolution culturelle est à prévoir : on ne peut plus être dans une logique de faire suivre un circuit de validation complexe, donc long, à chaque tweet ou à chaque post Facebook ; il convient désormais, et je le vois comme un progrès, de caler très en amont les lignes éditoriales à suivre, puis de laisser les communicants les appliquer. J’évoquais un peu plus haut la nécessité de lâcher prise, de renoncer à avoir une maîtrise absolue, cela s’applique également ici.

Ville numérique : est-ce indispensable d’avoir une application mobile ?

Indispensable je ne sais pas. À envisager sérieusement oui. Sous réserve toutefois qu’elle soit largement réfléchie en amont afin qu’elle corresponde bien aux attentes réelles des futurs utilisateurs. Concevoir un tel service en n’y voyant qu’une performance technologique conduirait immanquablement dans le mur.

Et puis, nous sommes dans l’ère de la consécration de l’intelligence collective et de la coproduction de contenus. Il est donc impensable d’envisager de tels développements sans associer les futurs utilisateurs. Donc avoir une appli pour faire « bien », pour faire « comme les autres » ou pour faire « moderne », c’est l’échec garanti.

Pour vous, le community manager est-il devenu réellement un métier à part entière dans les collectivités et comment cela se passe-t-il à Caen la mer ?

Oui et non. Oui, car c’est une fonction indispensable aujourd’hui dans des directions de communication publique. Non, si cela doit réserver cette fonction aux mains d’un seul agent. Dans l’agglomération Caen la mer, s’il existe bien un poste de community manager, tous les membres de la direction veillent sur les réseaux (nous sommes sur Facebook, Twitter, Instagram, Viadéo, LinkedIn) et tout le monde peut publier.

Cela permet à la fois de couvrir un champ horaire vaste : n’hésitez pas à nous poser une question tard le soir ou le week-end. Et cela permet de se répartir les réseaux. Mais, surtout, cela permet de partager collectivement les objectifs, les enjeux, donc l’état d’esprit.

Les réseaux sociaux doivent être « naturels » pour tous les communicants professionnels, pas seulement pour ceux de la génération Y. Réciproquement, cela permet au community management d’être un maillon de plus – au même titre que les autres. Cela est parfaitement en cohérence avec la stratégie globale de communication.

Ce maillon est indispensable, mais ce n’est pas lui qui forge la stratégie. Il n’en n’est que sa représentation ponctuelle.

Pascale Decressac

Consultante Rédactrice pour Visionary Marketing, Pascale Decressac est une touche-à-tout qui s'intéresse à des sujets très variés allant de l'urbanisme aux collectivités territoriales en passant par la relation client et la restauration. Des domaines apparemment très différents où les frontières ne sont pourtant pas si étanches et où le digital est souvent sinon toujours présent.
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